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elles n'avaient pu aboutir, parce que les médecins des différents peuples n'avaient pas une doctrine commune. J'ai fait mes études médicales à une époque où la contagion des maladies, même de la variole, n'était pas admise, où les modes de propagation de la fièvre typhoïde, du choléra, de la peste étaient inconnus. Comment, dans ces conditions, amener une entente entre les peuples, les obliger à faire des dépenses sanitaires, à imposer des entraves au commerce?

Le succès n'a pu se réaliser que lorsque, grâce aux découvertes de Pasteur, nous avons pu substituer aux incertitudes et aux discussions sur la spontanéité, la spécificité des maladies, la certitude d'expériences que chacun pouvait répéter et dont l'exactitude était admise après contrôle par les savants du monde entier.

Dans ces dix dernières années, des Conférences sanitaires internationales se sont réunies à Venise à Paris, à Dresde (1) pour garantir l'Europe

(1) Voy. Conférence de Dresde (Annales d'hygiène, 1893, t. XXIX, p. 429). Conférence de Paris (Annales d'hyg.

contre les ravages du choléra et de la peste. L'entente s'est faite sur les doctrines pastoriennes, c'est un succès, un très grand succès.

Ce serait sortir de mon sujet que d'insister sur les difficultés d'application, dépense, rapidité des communications internationales, incertitude des renseignements fournis par des villes qui croient défendre leurs intérêts en cachant les cas de maladies, et qui compromettent ainsi singulièrement leur avenir.

C'est un point cependant sur lequel je veux appeler votre attention. Toutes les conventions sanitaires ont pour base la sincérité des déclarations des divers gouvernements; les transactions commerciales ne jouissent de toute leur liberté, que si chacun est convaincu que son voisin dit la vérité, aussi l'esprit qui domine ces conventions, qui se traduit par des articles répétés dans le texte de chacune d'elles, c'est que les pays contractants s'engagent à rendre obligatoire

1894, t. XXXI, p. 191). P. Brouardel, La conférence internationale de Venise (Annales d'hyg., 1897, t. XXXVII, p. 401).

la déclaration des maladies épidémiques, quelles qu'elles soient.

Ces conventions ne seront efficaces et non vexatoires pour le commerce que lorsque ces déclarations seront sincères. Mais les Conférences n'ont prévu que pour la peste, le choléra, la fièvre jaune; or, depuis un demi-siècle les puissances européennes ont singulièrement étendu leurs domaines coloniaux. Elles se sont trouvées dans les différents pays en présence de maladies nouvelles, un grand nombre d'entre elles étaient peu ou mal connues, les industriels qui, dans ces nouvelles régions, allaient tenter fortune étaient eux et leurs employés frappés par elles, le désastre répondait à leurs efforts, le discrédit atteignait les colonies nouvelles. Ces maladies pénétraient en Europe avec les rapatriés. Les compagnies coloniales ont compris qu'en France, comme à Liverpool, à Londres, à Hambourg, on devait créer des enseignements médicaux spéciaux pour les colonies et en ce moment on en crée un, à Paris; il en existe déjà deux, à Bordeaux et à Marseille.

Lorsque cet effort aura été accompli dans les

divers pays colonisateurs, lorsque les médecins y exerceront avec compétence, lorsque chacun aura confiance dans les avertissements adressés par eux, les règles de prophylaxie sanitaire seront plus faciles à formuler et surtout plus faciles à exécuter au moment même où leur efficacité est réelle, c'est-à-dire au moment même où surgissent les premiers cas.

VII.

CEUVRES D'ASSISTANCE ET DE PRÉVOYANCE MÉDICALES

La situation du corps médical au commencement du xx siècle est donc celle-ci : diminution du nombre des malades, grâce aux généreuses initiatives prises par lui, augmentation des fonctions d'ordre prophylactique, en général peu ou mal rétribuées.

Pour lutter et pour atténuer les abus dont il est souvent victime, le médecin est impuissant, s'il reste isolé; nous l'avons bien vu pendant près d'un siècle, alors que la profession médicale était régie par la loi de Ventôse; le médecin, victime de la concurrence déloyale d'un charlatan, était dans l'impossibilité presque

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