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l'assemblée constituante. Mais cette assemblée, si jalouse de la liberté individuelle, avait reconnu cependant que certains produits ne pouvaient être abandonnés à l'industrie particulière ainsi, la fabrication des monnaies, la fabrication et la vente de la poudre, furent maintenues comme des monopoles légitimes et nécessaires en faveur de l'État (1). Le monopole des poudres, qui touche si profondément aux bases de la sûreté publique, a été réglé postérieurement par la loi du 13 fructidor an V, qui est encore en vigueur. La fabrication et la vente sont exclusivement réservées à l'administration.

Le monopole des tabacs ne repose pas sur le même principe d'intérêt social: c'est dans l'intérêt du trésor qu'il existe; c'est la quotité des sommes produites, comparativement à celles qui résulteraient d'une taxe sur la fabrication et la vente, qui est l'unique objet de la loi; la prohibition est toute fiscale. Colbert a fait, le premier, de la vente des tabacs un objet de monopole; elle fut comprise par lui dans la ferme générale pour une modique somme de 500,000 fr. Après Colbert, le monopole s'étendit de la vente à la fabrication, puis il amena les prohibitions de culture et la prohibition des tabacs étrangers. En 1789, le monopole produisait une valeur d'environ 30 millions au profit du trésor; malgré son produit et la vive opposition de Mirabeau, il fut supprimé par le décret du 14 février 1791, comme contraire au droit de propriété et au droit de liberté industrielle et commerciale.

Le monopole ne s'est rétabli en France que par degrés. La loi du 5 ventôse an XII a créé un droit de fabrication sur les feuilles des tabacs indigènes et étrangers; une loi de 1806 [24 avril] a doublé la taxe, et le décret du 29 décembre 1810 a rétabli le monopole pour la fabrication et la vente, sous peine de 10,000 fr. d'amende et de confiscation des produits. Maintenu en 1814 et par le titre 5 de la loi du 28 avril 1816, le monopole cependant n'était plus présenté comme une institution définitive; il n'a passé dans les lois que comme un privilége temporaire; renouvelé en 1819,

(1) Adresse du 24 juin 1791.

il devait expirer en 1837; une loi du 12 février 1835 l'a prorogé jusqu'au 1er janvier 1842. Une enquête a recueilli, depuis 1835, les documens propres à éclairer la question dans ses rapports avec l'intérêt de l'État et les intérêts du commerce, de l'industrie, de l'agriculture : l'argument en faveur de l'État est puissant sous le rapport de l'utile et du juste: 1° le monopole verse au trésor plus de 80 millions; il faudra le remplacer par un impôt aussi productif, pour ne pas tarir les autres sources des contributions; 2o le monopole en lui-même n'est pas injuste, parce qu'il frappe sur un produit qui n'est pas de première nécessité. En consé quence, une loi, du 23 avril 1840, a prorogé jusqu'au 1er janvier 1852 l'effet de la législation qui attribue exclusivement à l'État l'achat, la fabrication et la vente du tabac dans toute l'étendue du royaume (1).

S III.

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DROITS SUR LA FABRICATION ET POUR LA GARANTIE D'OBJETS
DE LUXE.

Ces droits sont relatifs à la fabrication des cartes à jouer et à la marque des matières d'or et d'argent.

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1o Le droit sur les cartes a été établi en 1778, supprimé en 1791 [2 mars], et renouvelé par la loi du 7 vendémiaire an VI, avec droit de timbre. Les fabricans et débitans de cartes sont obligés de prendre une licence, que la régie ne peut refuser, mais qu'elle peut révoquer, s'il y a eu condamnation pour fraude. L'administration des contributions indirectes fournit le papier filigrane, et sous ce rapport le droit sur les cartes se rattache au monopole. L'impôt est un droit de fabrication qui est perçu au moment de la levée du papier filigrane qui doit être employé par le fabricant. L'impôt entraîne et l'exercice au domicile des fabricans ou débitans de cartes, et le droit des employés de se présenter dans les établissemens publics pour la vérifi

(1) La loi porte, art 2: « A l'avenir, les tabacs dits de cantine ne pourront, << même sous marques et vignettes, circuler en quantités supérieures à un kilo« gramme, à moins qu'ils ne soient enlevés des manufactures royales ou des « entrepôts de la régie, et accompagnés d'un acquit à caution ou d'une facture « délivrée par l'entreposeur. Toute contravention à cette disposition sera punie «< conformément à l'art. 216 de la loi du 28 avril 1816. >>

cation des cartes et du timbre de la régie. (L'impôt donne un produit annuel d'environ 500,000 fr.)

2o Une taxe pour la garantie des matières d'or et d'argent fut établie dès le XVe siècle. Elle s'est perpétuée, sans interruption légale, pendant la révolution; la loi du 5 ventôse an XII a conféré l'exercice des droits de garantie à l'administration des contributions indirectes; l'œuvre d'art que nécessite la vérification est dans les attributions des employés de la Monnaie.Une ordonnance du 5 février 1835 a réduit au nombre de quatre-vingt- onze les bureaux établis pour l'essai et la marqué des matières d'or et d'argent. Les essayeurs sont nommés par le préfet, sur certificat de capacité délivré par l'administration des Monnaies.

Les éssayeurs agissent dans l'intérêt du public pour la vérification des matières qui leur sont soumises;

Les contrôleurs (nommés par le ministre des financés) appliquent le poinçon ;

Les inspecteurs représentent l'administration des monnaies dans les départemens qu'ils parcourent pour l'examen du service;

Les récéveurs, dépendant de l'administration dés contributions indirectes, perçoivent les droits de garantie dans l'intérêt du trésor.

Les droits de garantié sont perçus sur tous les ouvrages d'or et d'argent fabriqués de neuf; la marque a pour objet de constater le titre, c'est-à-dire la quantité de fin qui entré dans le métal soumis à l'œuvre de l'artiste. La contravention est punie d'une peine qui impose une grande prudence aux fabricans et commerçans, la confiscation. L'impôt de garantie est dans l'intérêt du commerce, autant ét plus que dans l'intérêt du trésor : il ne produit qu'une somme d'environ 1,500,000 fr. On conçoit facilement que le luxe pourrait ici être atteint, dans une de ses branches les plus étendues, par un impôt indirect qui retomberait sur l'acheteur, avec des résultats plus productifs pour le trésor, et plus propres à alléger d'autres branches d'impôts.

La loi des recettes, 1840, affranchit de la marque

des poinçons français et du droit de garantie les ouvrages d'or et d'argent destinés à l'exportation et déposés dans les bureaux de la régie jusqu'à l'exportation réelle.

S IV.

DROITS SUR LES TRANSPORTS PAR TERRE ET PAR EAU.

Ces droits s'appliquent aux transports par les voitures publiques et par la navigation. Le motif fondamental qui les a fait établir est d'obtenir en faveur de l'État un dédommagement des dépenses nécessaires pour faciliter et entretenir les voies de communication par terre et par eau.

1o Les entrepreneurs des voitures publiques sont astreints à se pourvoir d'une licence, à faire des déclarations aux préfectures des points de départ et d'arrivée, à obtenir de la régie des contributions indirectes un laissez-passer. L'ensemble des mesures qui les concernent est déterminé par l'ordonnance du 16 juillet 1828. S'il y a contravention, la saisie des moyens de transport peut avoir lieu, mais seulement aux entrées des villes et aux relais, restriction apportée dans l'intérêt des voyageurs. D'après la loi du 20 juillet 1837 [11], toute personne qui veut mettre accidentellement une voiture en circulation à prix d'argent, dans un lieu où il existe une voiture publique, est tenue d'en faire la déclaration au bureau de la régie.

Les contributions assises sur les voitures publiques sont différentes, selon la différence des services à jour et à heure fixes pour des lieux déterminés, des services d'occasion et à volonté, et des services accidentels. L'impôt du dixième du prix des places contenues dans chaque voiture, sous la déduction du quart de ces places, s'applique aux voitures qui forment un service régulier; une taxe annuelle et fixe, calculée sur la dimension des voitures, est applicable aux voitures d'occasion (1); celles qui ne partent qu'accidentellement sont soumises à un droit de 15 centimes par place pour un jour, droit qui est perçu au moment de la déclaration (2). La pénalité, s'il y a infraction pour ce dernier cas, n'est point exprimée dans la loi, et l'on ne peut, par analo

(1) L. 25 mars 1817, art. 112; L. 28 juin 1833, art. 8. (2) L. 20 juillet 1837.

gie, appliquer les dispositions pénales légalement établies pour les autres voitures.

Les entrepreneurs de voitures publiques sont tenus de payer aux maîtres de poste des droits de subvention, dont le total annuel à répartir entre les maîtres de poste, selon les six classes de relais, s'élève à la somme d'environ 5 millions. Le droit est de 25 centimes par poste et par cheval; il est établi par la loi du 16 ventôse an XIII; il est dû par tout entrepreneur de voitures publiques et de messageries qui ne se sert pas des chevaux de la poste. La loi exempte du droit, 1o les voitures des loueurs qui vont avec les mêmes chevaux, à petites journées, et qui partent à volonté; la petite journée s'entend de la distance de dix lieues du point de départ au point d'arrivée; 2o les voitures non suspendues, c'est-à-dire celles dont les caisses sont entièrement adhérentes au train et au brancard. [Ord. 11 nov. 1822.]

Cette subvention ne profite pas directement au trésor, mais cependant elle existe à sa décharge, en faveur d'un service public, le transport des malles renfermant les dépêches voici l'origine explicative de cette subvention. Lorsque Louis XI, par ordonnance du 19 juin 1464, instituait le service des postes, l'Université de Paris créait les messageries; elle en conserva le privilége jusqu'en 1779, époque à laquelle l'État en fit l'acquisition : l'État, réunissant ainsi le droit exclusif des postes et celui des messageries, les maîtres de poste furent chargés de l'une et de l'autre exploitation. Ce double privilége fut maintenu par l'assemblée constituante (1) et dura jusqu'à la loi du 9 vendémiaire an VI. Les messageries nationales qui avaient remplacé les messageries royales furent supprimées alors, et la loi livra cette exploitation à l'industrie privée, sous la retenue du dixième du prix des places. Les établissemens des maîtres de poste eurent gravement à souffrir de ce changement. La concurrence des compagnies fit abandonner le service des relais de poste pour le transport des voyageurs; les relais étaient désertés, le service public du

(1) D. 29 août 1790.

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