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absolue de le faire condamner, puisqu'il devait faire la preuve qu'un dommage avait été causé à lui personnellement. Aujourd'hui, il n'en est plus de même et les poursuites sont possibles, car il suffit de prouver l'existence de l'exercice illégal; la personnalité du médecin reste en dehors du litige, le dommage est apprécié non visà-vis d'un individu, mais de l'ensemble de la corporation médicale.

La première œuvre de solidarité médicale date de 1833, et c'est à Orfila que revient l'honneur d'avoir fondé à cette date l'association médicale française « l'Association des médecins de la Seine ».

Puis plusieurs années plus tard, en 1856, sous l'impulsion de Rayer et d'Amédée Latour, fut fondée l'Association générale des médecins de France. Ces sociétés poursuivaient un triple but. Tout d'abord, elles devaient assurer l'honorabilité du corps médical. En effet, pour être reçu dans ces associations, il faut offrir de sérieuses garanties d'honorabilité morale et pro

fessionnelle. Ce but a été atteint. Je sais bien qu'il y a eu quelques erreurs, car s'il est facile de refuser l'entrée à un médecin d'honorabilité douteuse, il est bien difficile d'en débarrasser l'association, si, une fois entré, il commet des actes repréhensibles. De ce côté, le résultat obtenu fut peu près parfait.

à

En ce qui concerne le second but, la lutte contre l'exercice illégal, l'échec fut complet, à cause de la difficulté des poursuites judiciaires contre les charlatans et les rebouteurs.

Aussi après de louables efforts, les associations médicales s'étaient de plus en plus confinées dans une troisième action de haute portée morale, dans laquelle elles ont pleinement réussi.

Nul n'ignore que le médecin ne s'enrichit guère; le plus souvent le praticien n'a pour vivre et élever sa famille que le produit de ses visites; si la maladie ou des infirmités précoces surviennent, la famille tombe dans le plus profond dénûment. C'est à cet état de choses déplorable que les associations se sont efforcées d'apporter remède.

A l'Association des médecins de la Seine, la cotisation annuelle est de 20 francs, mais cette

société a vu son capital considérablement accru par les libéralités de ses membres, grâce auxquelles une somme de 65.000 francs environ est distribuée en rentes viagères de 1200 francs aux médecins infirmes, de 700 francs aux veuves des médecins membres de l'association. De plus, la société possède une bourse dans un lycée de Paris.

L'Association générale des médecins de France est constituée par le groupement de 94 sociétés médicales départementales; elle compte 8500 membres, dont la cotisation est fixée à 12 francs. Les fonds sont fournis par l'intérêt du capital de la société qui atteint 4.000.000 de francs. Au début, l'association ne donnait des rentes viagères que de 300 francs, elles ont été élevées ensuite à 600 francs, actuellement elles sont à 800 francs, et l'on espère que bientôt elles atteindront 1200 francs, surtout si l'on accorde à nos associations la faveur spéciale qui est donnée aux sociétés de secours mutuels, de laisser leurs fonds à la Caisse des dépôts et consignations, moyennant un intérêt de 4 et demi pour 100.

Al'Association générale des médecins de France

est annexée une des caisses de retraite, émanant d'un type créé par le D' Cezilly sous le nom de << Concours médical ». C'est la Caisse des

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retraites du corps médical français, qui possède plus de 800.000 francs et dont le but est de servir à ses adhérents des pensions, dont le chiffre type est de 1200 francs à partir de 60 ans, moyennant une cotisation variable suivant l'âge d'entrée.

A côté de ces associations et de la Caisse des retraites, le Dr Laguoguey a fondé une caisse indemnité maladie pour les médecins de la Seine. Cette caisse garantit à ses adhérents, en cas de maladie, une somme de 10 francs par jour pendant trois mois et une indemnité de 5 francs par jour pendant six mois.

Le Concours médical a créé peu après une caisse indemnité maladie sous le nom de « Association amicale des médecins français » qui, moyennant une cotisation annuelle variable avec l'âge, assure une indemnité de 10 francs par jour La profession médicale.

P. BROUARDEL.

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pendant deux mois et passé cette limite une indemnité de 100 francs par mois pendant toute la durée de la maladie, si longue soit-elle (1).

Ce sont là essentiellement des œuvres de prévoyance; les médecins ont de plus fondé des œuvres de défense professionnelle constituées par les syndicats.

Le premier syndicat médical fut celui de Montaigu en Vendée (2), créé en 1880; peu à peu les médecins se syndiquèrent et cent vingt syndicats existaient, lorsque survint l'arrêt de la Cour de Caen, confirmé par la Cour de cassation, refusant aux médecins le bénéfice de la loi du 21 mars 1884.

Je ne reviendrai pas sur les discussions qui se sont élevées à propos de la loi du 30 novembre 1892, sur l'exercice de la médecine et les difficultés que nous avons eues à faire adopter l'ar

(1) Lande, Des œuvres d'assistance et de prévoyance médicales. (Rapport au 1er congrès de médecine professionnelle et de déontologie). Paris, 23-28 juillet 1900.

(2) Salomon, Des œuvres de défense professionnelle (Rapport au 1r congrès de médecine professionnelle et de déontologie). Paris, 23-28 juillet 1900.

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