Page images
PDF
EPUB

du C. for. et l'art. 59 de la loi du 15 avril 1829 décident que cette charge incombe à la partie qui a élevé cette exception, et ces deux lois n'ont fait que sanctionner une règle déjà consacrée par la jurisprudence'.

Cette règle, qui s'appuie sur la maxime reus excipiendo flt actor, a été critiquée. On dit: en principe, c'est au ministère public qu'il appartient de démontrer l'existence du délit; or, au cas de dégradations commises sur la propriété d'autrui, la question de propriété est un élément du délit; donc, il entre dans les attributions du ministère public de poursuivre la solution de cette question, de prouver que le terrain est la propriété d'un tiers et non du prévenu2. La réponse est d'abord que le ministère public n'a pas qualité pour intenter une action civile, qu'il ne peut donc faire assigner le prévenu devant le tribunal civil pour vider la question de propriété qui se trouve engagée dans le débat 3. Mais la véritable raison de décider est que c'est le prévenu qui, comme moyen de défense, allègue son droit, engage la question de propriété ; or, suffit-il qu'il allégue ce droit? suffit-il qu'il élève cette question? Supposons que le juge saisi soit compétent pour l'apprécier, se bornera-t-il à une simple allégation? Ne prouvera-t-il pas le droit de propriété qui fait sa défense, comme il prouverait qu'il n'a pas commis le fait ou que ce fait n'a pas le caractère qu'on lui donne? Suffit-il d'alléguer un moyen de défense? Ne faut-il pas l'établir? n'a-t-il pas, puisqu'il est demandeur en ce qui touche l'exception, la charge de la preuve, suivant cette autre maxime actori incumbit onus probandi? Cela posé, les rôles changent-ils entre les parties parce que le jugement de l'exception est renvoyé devant les tribunaux civils? Ce que le prévenu eût prouvé devant le juge répressif, si ce juge eût été compétent, ne doit-il pas le prou

1

Cass. 23 août 1822, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVII, p. 590; 27 juill. 1827, rapp. M. Gary, t. XXI, p. 670.

2 M. de Molènes, t. II, p. 244 et suiv. 3 M, Mangin, act. publ. n. 219.

ver également devant un autre juge? Or, s'il est chargé de faire cette preuve, ne doit-il pas faire les diligences nécessaires pour l'établir, saisir le tribunal compétent, assigner les parties qui contestent son droit, produire ses titres ? Admettons que cette marche ne soit pas suivie, la défense en acquérerait-elle plus de force? Ses articulations, dénuées de preuve, arrêteraient-elles le juge? Et ne serait-il pas disposé à passer outre lorsqu'il ne pourrait ni apprécier lui-même le droit allégué, ni prescrire utilement d'en rapporter la justification? La Cour de cassation a donc eu raison, en érigeant une doctrine que le Code forestier n'a fait qu'enregistrer, de declarer que l'ordre public ne permettant pas que l'action pour la répression de la contravention ou du délit soit suspendue pendant un temps indéfini, le tribunal doit, en pro nonçant le sursis, fixer un délai pendant lequel le prévenu sera tenu de faire ses diligences pour obtenir une décision sur la question préjudicielle; que si, devenu demandeur devant la juridiction civile, le prévenu est obligé de prouver sa propriété, d'après la règle actori incumbit onus probandi, il ne s'est cependant pas opéré un changement réel et à son préjudice dans sa position; qu'en supposant qu'il eût pu être statué sur cet objet par le tribunal correctionnel ou de police devant lequel il était défendeur, la preuve de son exception eût été régulièrement à sa charge, suivant la maxime reus excipiendo fit actor; que c'est par la nature même de la défense qu'il oppose à l'action du ministère public et par la force des choses, qu'en quelque qualité qu'il paraisse devant la justice, dès qu'il se prétend propriétaire et que s'il ne l'est pas il est coupable, il n'a d'autre moyen de se soustraire aux peines de la contravention que d'administrer la preuve de la propriété par lui alléguée'. »>

'Cass. 23 août 1822, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVII, p. 590; et Conf. 15 déc. 1827, rapp. M. Gary, t. XXI, p. 670; 9 août 1828, rapp. M. Ollivier, t. XXII, p. 189; 25 sept. 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 375; 13 nov. 1835, rapp. M. de Ricard, n. 417; 18 fév. 1836, rapp. M. de Ricard, n. 47, etc.

La solution doit-elle se modifier lorsque la poursuite est exercée, non à la requête du ministère public ou de l'administration forestière, mais à la requête d'une partie civile ? Nous avons vu plus haut que la régle est la même dans l'un et l'aure cas 1. Ce n'est pas qu'on ne puisse faire valoir, dans cette conde hypothèse, quelques motifs qui ne se trouvent pas

s la première : l'obligation imposée au prévenu de se conster demandeur devant le tribunal civil, et de faire preuve de possession attribue au plaignant un avantage dont il peut dan certains cas abuser. Supposez que ce dernier soit de mau se foi, que sa plainte n'ait eu pour objet que de mettre la arge du prévenu une preuve qu'il sait peut-être difficile il en résultera pour lui que le seul fait de cette plainte fodera en sa faveur une présomption que la difficulté de la preu viendra confirmer. N'est-ce pas à celui qui se prétend pro iétaire, et ici c'est le plaignant qui a cette prétention, à puver son droit de porter plainte? Ces considérations ne sont pas dénuées de fondement, inais il a paru à la Cour de cassation, qui les a mûrement pesées, qu'il y aurait de plus graes inconvénients à s'écarter des termes de l'art. 182, et qu'i n'y avait lieu de faire aucune exception 2.

Il peut cendant arriver que la force même des choses fasse fléchir cete règle. Supposez, par exemple, que le juge ait omis de fix un délai, que, saisi ultérieurement par le ministère pub pour réparer cette omission, il ait refusé de statuer, et aucun pourvoi n'ait été formé contre cette décision: il clair que la poursuite ne peut être reprise avant qu'il été statué sur la question préjudicielle à la requête, neplus du prévenu, mais de la partie la plus diligente 3.

[ocr errors]

IV. Le sursis a pour premier effet de réserver l'affaire en 'état où elle se trouve de manière qu'aucun acte ne puisse changer les termes jusqu'à l'expiration du délai.

by. supra, p. 396.

Foy, les arrêts cités suprà, p. 396.

Cass. 25 avril 1844, rapp. M. Dehausty, u. 451.

Vil.

28

86

ver également devant un autre juge? Or, s'il est chargé de faire cette preuve, ne doit-il pas faire les diligences nécessaires pour l'établir, saisir le tribunal compétent, assigner les parties qui contestent son droit, produire ses titres ? Admettons que cette marche ne soit pas suivie, la défense en acquérerait-elle plus de force? Ses articulations, dénuées de preuve, arrêteraient-elles le juge? Et ne serait-il pas disposé à passer outre lorsqu'il ne pourrait ni apprécier lui-même le droit allégué, ni prescrire utilement d'en rapporter la justification? La Cour de cassation a donc eu raison, en érigeant une doctrine que le Code forestier n'a fait qu'enregistrer, de declarer que l'ordre public ne permettant pas que l'action pour la répression de la contravention ou du délit soit suspendue pendant un temps indéfini, le tribunal doit, en pro nonçant le sursis, fixer un délai pendant lequel le prévenu sera tenu de faire ses diligences pour obtenir une décision sur Ja question préjudicielle; que si, devenu demandeur devant la juridiction civile, le prévenu est obligé de prouver sa propriété, d'après la règle actori incumbit onus probandi, il ne s'est cependant pas opéré un changement réel et à son préjudice dans sa position; qu'en supposant qu'il eût pu être statué sur cet objet par le tribunal correctionnel ou de police devant lequel il était défendeur, la preuve de son exception eût été régulièrement à sa charge, suivant la maxime reus excipiendo fit actor; que c'est par la nature même de la défense qu'il oppose à l'action du ministère public et par la force des choses, qu'en quelque qualité qu'il paraisse devant la justice, dès qu'il se prétend propriétaire et que s'il ne l'est pas il est coupable, il n'a d'autre moyen de se soustraire aux peines de la contravention que d'administrer la preuve de la propriété par lui alléguée'. >>

Cass. 23 août 1822, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVII, p. 590; et Conf. 15 déc. 1827, rapp. M. Gary, t. XXI, p. 670; 9 août 1828, rapp. M. Ollivier, t. XXII, p. 189; 25 sept. 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 375; 13 nov. 1835, rapp. M. de Ricard, n. 417; 18 fév. 1836, rapp. M. de Ricard, n, 47, etc.

La solution doit-elle se modifier lorsque la poursuite est exercée, non à la requête du ministère public ou de l'administration forestière, mais à la requête d'une partie civile? Nous avons vu plus haut que la régle est la même dans l'un et l'autre cas 1. Ce n'est pas qu'on ne puisse faire valoir, dans cette seconde hypothèse, quelques motifs qui ne se trouvent pas dans la première : l'obligation imposée au prévenu de se constituer demandeur devant le tribunal civil, et de faire preuve de sa possession attribue au plaignant un avantage dont il peut dans certains cas abuser. Supposez que ce dernier soit de mauvaise foi, que sa plainte n'ait eu pour objet que de mettre à la charge du prévenu une preuve qu'il sait peut-être difficile; il en résultera pour lui que le seul fait de cette plainte fondera en sa faveur une présomption que la difficulté de la preuve viendra confirmer. N'est-ce pas à celui qui se prétend propriétaire, et ici c'est le plaignant qui a cette prétention, à prouver son droit de porter plainte? Ces considérations ne sont pas dénuées de fondement, inais il a paru à la Cour de cassation, qui les a mùrement pesées, qu'il y aurait de plus graves inconvénients à s'écarter des termes de l'art. 182, et qu'il n'y avait lieu de faire aucune exception 2.

Il peut cependant arriver que la force même des choses fasse fléchir cette règle. Supposez, par exemple, que le juge ait omis de fixer un délai, que, saisi ultérieurement par le ministère public pour réparer cette omission, il ait refusé de statuer, et qu'aucun pourvoi n'ait été formé contre cette décision: il est clair que la poursuite ne peut être reprise avant qu'il ait été statué sur la question préjudicielle à la requête, non plus du prévenu, mais de la partie la plus diligente 3.

IV. Le sursis a pour premier effet de réserver l'affaire en l'état où elle se trouve de manière qu'aucun acte ne puisse en changer les termes jusqu'à l'expiration du délai.

1 Voy. supra, p. 396.

2 Voy, les arrêts cités suprà, p. 396.

Cass, 25 avril 1844, rapp. M. Dehausty, u. 451.

Vil.

28

« PreviousContinue »