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parties a été régulièrement exercé. Telle est la règle générale que la jurisprudence a déduite du texte des articles 135 et 539 du même Code. Nous avons précédemment, soit en ce qui concerne les ordonnances d'instruction (voy. n° 1624), soit en ce qui concerne les ordonnances de prévention (voy. n° 2088), établi le droit supérieur de la chambre d'accusation. Il nous reste à examiner les effets de cette attribution.

Le premier devoir de la chambre d'accusation doit être d'examiner la régularité de l'opposition qui la saisit. Il est évident, en effet, qu'elle n'a le droit de statuer qu'autant que l'opposition réunit les conditions et les formes prescrites par la loi. Elle est donc compétente pour juger si ces conditions ont été remplies, si ces formes ont été observées, puisque l'exercice de sa juridiction est subordonné à cette constatation.

C'est en appliquant eette règle que la Cour de cassation a jugé que la chambre d'accusation est compétente pour déclarer qu'une partie est non recevable à intervenir comme partie civile dans une procédure criminelle : « Attendu que, si l'article 3 du Code d'instruction criminelle dispose que l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique, il ne s'ensuit pas que le juge saisi de l'instruction sur l'action de la partie publique soit sans pouvoir pour apprécier, sous le rapport de la forme et du fond, la recevabilité de la partie qui intervient dans l'instruction, pour y être reçue en qualité de partie civile; qu'il résulte, au contraire, des articles 135 et 136 du Code précité que la chambre des mises en accusation, à laquelle il appartient, d'après la loi, de statuer sur l'opposition formée par la partie civile à une ordonnance de la chambre du conseil, et qui a aussi le droit de prononcer contre cette partie, lorsqu'elle succombe dans son opposition, des dommages-intérêts envers le prévenu, est, à plus forte raison, compétente pour juger la recevabilité de cette partie à intervenir dans l'instruction comme partie civile '. »

2163. Lorsqu'elle a reconnu que l'opposition a été formée par une personne apte à user de ce droit, dans les délais de la loi et avec les formalités prescrites, la chambre d'accusation, étant régulièrement saisie, peut apprécier l'ordonnance qui lui est dé1 Cass. 7 juillet 1843 (Bull., no 171).

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férée. Elle peut l'examiner dans toutes ses dispositions; elle peut en relever toutes les irrégularités; elle est saisie par l'opposition des mêmes pouvoirs, dont elle est investie par l'article 133. C'est conformément à cette doctrine que la Cour de cassation, dans une espèce où la chambre d'accusation n'avait été saisie que par l'opposition d'une partie civile, a décidé « que, si l'accusé n'a point été impliqué dans les premières poursuites, que s'il n'a pas été partie dans l'ordonnance attaquée, la chambre d'accusation n'en a pas moins eu droit, aux termes de l'article 235, d'ordonner que des poursuites seraient dirigées contre lui, dès là qu'elle découvrait, dans la procédure soumise à sa révision, qu'il avait pu participer aux faits de banqueroute imputés aux autres prévenus ' » C'est encore d'après la même doctrine que la Cour de cassation a décidé, dans une autre espèce, dans laquelle la chambre d'accusation était saisie par l'opposition du ministère public : « Que, d'après les articles 221, 229, 230 et 231, la chambre d'accusation doit examiner s'il existe contre le prévenu des charges suffisantes d'un fait qualifié crime par la loi, et prononcer, suivant le résultat de cet examen, sa mise en liberté ou son renvoi devant telle juridiction que de droit; que cet examen doit embrasser tous les faits sur lesquels a porté l'instruction; que ces faits doivent être considérés sous toutes leurs faces; que si, devant les premiers juges, ils n'ont point reçu les qualifications véritables qui leur appartiennent d'après la loi pénale, la chambre d'accusation doit, même d'office, régulariser et compléter ces qualifications; qu'elle le doit de même sur le réquisitoire du procureur général, sans pouvoir, sous prétexte qu'il s'agit d'un crime nouveau dont elle n'est pas saisie, renvoyer le ministère public à rendre une nouvelle plainte devant le juge d'instruction; que Lanlaud a été poursuivi pour avoir, dans divers actes de vente d'immeubles reçus par lui en sa qualité de notaire, dissimulé le prix convenu entre les parties...; que si, devant le tribunal de Loudun, saisi de cette poursuite, ces faits ont été considérés uniquement comme constituant le crime de concussion, le procureur général a pu, sur l'opposition du procureur du roi à l'ordonnance de non-lieu intervenue sur ce chef, demander à la chambre d'accusation de les considérer comme constituant le crime de

1 Cass. 10 mars 1827 (J. P., tom. XXI, p. 238).

faux; que cette chambre, au lieu d'examiner s'ils présentaient ce caractère et de statuer ensuite, conformément à la solution qu'elle aurait donnée à cette question, sur l'affaire qui lui était soumise a refusé de statuer sur le réquisitoire du procureur général, sous prétexte qu'elle n'était pas saisie du crime de faux auquel il s'appliquait et que ce crime devait être l'objet d'une information principale à requérir du juge d'instruction; en quoi elle a méconnu les règles de sa compétence'. » Cependant, il est peutêtre nécessaire de rappeler que la chambre d'accusation ne peut s'emparer ainsi, en dehors des termes de l'ordonnance attaquée, que des faits connexes ou sur lesquels l'ordonnance a omis de prononcer. Ainsi, elle ne pourrait statuer sur des délits non connexes au crime dont elle serait saisie, si le juge d'instruction avait prononcé sur ces délits et si la décision n'avait été frappée d'aucune opposition'.

2164. La chambre d'accusation peut être saisie, par la voie de l'opposition, des ordonnances de l'instruction comme de celles de la prévention : elle est le juge supérieur des deux juridictions du juge d'instruction; nous lui avons déjà reconnu cette attribution. (Voy. no 1624 et 2088.)

Ne peut-elle connaître des ordonnances du juge que lorsqu'elles ont été frappées d'opposition? La juridiction de la chambre d'accusation s'étend sur tous les actes de la procédure; elle doit maintenir les règles de l'instruction et en réprimer la violation, lorsqu'elle la constate dans les pièces dont elle est saisie; c'est sous ce rapport qu'elle a la surveillance des instructions criminelles du ressort. Il nous semble donc que, lorsque, saisie en vertu de l'article 133, elle découvre, dans la procédure qui lui est soumise, un acte illégal du juge d'instruction, elle peut en déclarer l'illégalité. Si elle est saisie de tous les faits sur lesquels l'instruction à porté, même en dehors des termes de l'ordonnance de la chambre du conseil, à plus forte raison doit-elle être réputée saisie de l'appréciation de tous les actes de l'instruction. La loi n'a point établi de délai à l'expiration duquel ils seraient à l'abri de l'annulation; il est donc toujours temps de les contrôler. S'il fallait les soustraire à l'examen de la chambre d'accu

1 Cass. 7 févr. 1835 (J. crim., tom. VII, p. 181).
2 Cass. 12 juillet 1839 (Bull., no 226), et suprà no 2153).

sation, ils seraient à l'abri de toute critique, puisque la chambre du conseil, dont la compétence est limitée, ne peut les réformer. La juridiction de la chambre d'accusation sur les ordonnances du juge d'instruction est, au surplus, assez restreinte. Elle ne peut s'exercer, en effet, que sur des actes isolés de la procédure: ce sont des ordonnances qui prescrivent ou refusent une expertise, un mandat, une vérification. Ce n'est donc point l'instruction entière qui est déférée à la chambre d'accusation, mais seulement l'acte, détaché de cette instruction, qui a fait l'objet de la décision du juge. Mais, dans le cas même où elle n'est saisie par l'opposition faite à l'ordonnance du juge, elle a le droit d'examiner non-seulement la régularité de l'ordre ou de la mesure, mais aussi son utilité. Car elle réunit en elle-même les pouvoirs du juge d'instruction aux pouvoirs de la chambre du conseil, et par conséquent au droit de régler l'instruction elle joint le droit d'ordonner tous les actes qui peuvent la compléter.

§ VI. Attributions de la chambre d'accusation pour ordonner des informations nouvelles ou évoquer des procédures criminelles.

2165. La chambre d'accusation est investie d'une troisième attribution par les articles 228, 235 et 250. Nous en avons constaté l'origine lorsque nous avons apprécié le système de la mise eu accusation consacrée par notre Code (voy. n° 2011), et nous avons essayé d'en marquer le caractère et l'étendue lorsque nous avons recherché les différentes sources de la mise en mouvement de l'action publique. (Voy. no 528.) Nous allons examiner maintenant les conditions de son exercice.

Les textes qui règlent cet exercice ne sont pas exempts de quelque confusion. L'article 228 dispose que la chambre d'accusation pourra ordonner, s'il y échet, des informations nouvelles et l'apport des pièces servant à conviction. L'article 235 ajoute que, « dans toutes les affaires, les cours impériales, tant qu'elles n'auront pas décidé s'il y a lieu de prononcer la mise en accusation, pourront d'office, soit qu'il y ait ou non une instruction commencée par les premiers juges, ordonner des poursuites, se faire apporter les pièces, informer ou faire informer, et statuer ensuite ce qu'il appartiendra». Enfin, l'article 250 déclare que, lorsque, dans la notice des causes de police correction

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nelle ou de simple police (que le procureur impérial doit lui envoyer tous les huit jours), le procureur général trouvera qu'elles présentent des caractères plus graves, il pourra ordonner l'apport des pièces dans la quinzaine seulement de la réception de la notice, pour ensuite être par lui fait, dans un autre délai de quinzaine de la réception des pièces, telles réquisitions qu'il estimera convenables, et par la cour être ordonné dans le délai de trois jours ce qu'il appartiendra » .

Nous avons déjà établi les droits que ces trois articles ont attribués à la chambre d'accusation (voy. n° 528): il importe de les rappeler successivement ici. Et d'abord, nous avons démontré que les mots les cours impériales, qui se trouvent dans l'article 235, ne se réfèrent qu'aux chambres d'accusation. (Voy. no 530, 531.) Nous devons ajouter qu'un arrêt de la Cour de cassation a confirmé nos observations, en déclarant « que les différentes dispositions du chapitre 1er du titre II du Code, où l'article 235 est placé, ont pour objet de régler les attributions de la chambre d'accusation; que l'expression de cour, employée par cet article, ne peut s'appliquer qu'à cette chambre, puisque l'article ajoute qu'elle ne peut exercer le droit d'évocation qu'autant qu'elle n'a pas encore statué sur la mise en accusation; que c'est encore dans ce sens que la même expression est employée dans les articles 229, 230, 231 et 246 du même Code». Il ne peut donc rester aucun doute sur ce premier point.

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Il ne faut pas confondre, en second lieu, l'attribution dont l'article 235 investit la chambre d'accusation avec celle que l'article 11 de la loi du 20 avril 1810 confère à toute la cour impériale, chambres assemblées le pouvoir d'entendre les dénonciations de crimes et délits qui lui seraient faites par un de ses membres, et de mander le procureur général pour lui enjoindre de poursuivre ou pour entendre le compte qu'il rendra des poursuites commencées, n'appartient qu'à la cour entière. Les chambres assemblées ont donc seules le droit d'ordonner des poursuites sur des faits qui ne se rapportent à aucune procédure et que le ministère public a refusé ou négligé de poursuivre : c'est là une haute attribution que la loi, par cela seul qu'elle l'a conférée à la cour, n'a pas voulu étendre à une seule des chambres de cette cour. (Voy. n° 527 et 530.)

1 Cass. 13 juin 1850 (Bull., no 195).

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