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» 3°. Ce qui prouve que cette procédure ne convient pas à la chambre des pairs, c'est qu'elle ne peut être pratiquée dans cette chambre qu'avec des modifications. On peut en donner, pour exemple, la disposition qui soumet la compétence des cours spéciales à la vérification préalable de la cour de cassation.

>> 4°. L'ordonnance du 12 novembre, dans son article 8, offre encore une disposition qui, par son opposition avec le texte de l'article 591 du code d'instruction criminelle, prouve que la procédure indiquée à la chambre des pairs, n'est qu'une procédure adaptée après coup à une cour pour laquelle elle n'a pas été établie, et devant laquelle, par conséquent, elle ne pourrait être suivie, qu'autant qu'une loi formelle l'aurait ainsi ordonné.

» Or, point de loi qui ait dit que la procédure établie pour les cours spéciales serait observée et suivie devant la chambre des pairs; point de loi qui ait effacé les dispositions qui, dans cette procédure, offrent des disparates avec le caractère de sublimité qui, entre toutes les cours, appartient exclusivement à la chambre des pairs; enfin, point de loi qui ait consacré les modifications apportées à cette procédure par l'ordonnance du 12 novembre.

» Il y a donc inconstitutionnalité dans cette ordonnance; et par suite, vice et nullité dans

tout ce qui a pu et pourrait être fait en vertu d'icelle,

» Il y a encore une difficulté qui doit nécessairement être réglée par une loi; c'est la manière dont les juges donneront leurs suffrages,

>> La forme du scrutin secret est la seule admise

par la charte à cette forme tutélaire, en substituer une autre, c'est porter atteinte à la loi constitutionnelle, c'est priver les pairs de l'indépendance que ce mode leur assure, c'est me priver moimême de tous les avantages que je puis me promettre de cette indépendance.

» On ne peut pas m'objecter que l'ordonnance du 11 novembre porte que « les opinions seront » prises suivant les formes usitées dans les tribu

>>>naux. >>

» Ce qui est possible dans un tribunal ou une cour composée d'un nombre très-borné de magistrats, devient impraticable dans une chambre dont les membres excèdent le nombre de deux cents.

» Mais cette méthode serait facile à pratiquer, qu'il n'en serait pas moins vrai que, pour substituer un tel mode à celui qui seul est autorisé par la charte pour les délibérations de la chambre des pairs, il faudrait une loi. Et comme l'ordonnance du 12 novembre a déjà modifié celle du 11, dans les points qui présentaient quelque inconsti

tutionnalité, je dois espérer que le même esprit de justice qui a fait consentir à cette première réforme, ne permettra pas de fermer les yeux sur les nouvelles observations que je soumets à MM. les pairs.

» Ils sentiront d'ailleurs à quel point il devient important pour tous ceux qui participent aux prérogatives de la pairie, de ne pas laisser ainsi régler par les ministres la procédure, l'instruction et la forme d'opiner dans le jugement des pairs. La loi seule peut statuer sur tout ce qui tient à l'essence des formes, à la liberté des opinions, à la garantie des accusés; tous les ministres réunis seraient impuissans pour changer la procédure réglée en matière de saisie-arrét; comment donc pourraient-ils se croire autorisés à décider, sans le concours des deux chambres, que dans une accusation pour crime de haute trahison, on suivra telle procédure, qu'on observera tel article, qu'on négligera tel autre, et qu'un troisième ne sera suivi qu'avec modification?

>> 'L'intérêt qui s'attache à ces réflexions est trop général, pour que messieurs les pairs ne sentent pas toute l'importance qu'il y a à prévenir un "abus dans sa naissance, si l'on ne veut pas, dans la suite, voir passer en règle la plus funeste des traditions.

J.

» Tout cela, j'en conviens, est de nature à ralentir un peu l'ardeur des poursuites : mais peut-on croire que je veuille perpétuer l'horreur de ma situation? Est-ce ma faute și l'on m'a d'abord traduit devant des juges déclarés et reconnus incompétens? Peut-on m'imputer l'erreur des ministres, qui, dans le premier mouvement de leur zèle, ont excédé leurs pouvoirs, et violé la charte, soit en me privant des droits qui m'étaient assurés par elle, soit en faisant subir à la législation existante des modifications qui devaient être préalablement soumises à la sanction des deux chambres?

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Quoique tout me porte à croire que cette seconde requête sera aussi favorablement accueillie que la première, je dois encore faire part à messieurs les pairs d'une difficulté.

>> Ils savent très-bien qu'à une époque où l'on ne prévoyait pas que mon procès serait renvoyé devant la chambre, plusieurs membres, usant dans toute sa latitude de la liberté d'émettre leur opinion, ont parlé ouvertement contre moi. Cela est si vrai, que, dans søn discours, M. le président du conseil des ministres a cru devoir avertir messieurs les pairs, de ne PLUS faire entendre aucun discours qui pút découvrir leurs sentimens pour ou contre moi. Mais si cet avertissement suffit pour mettre à l'abri de la récusation tous ceux

d'entre messieurs les pairs qui n'auront rien dit contre moi, je n'en ai pas moins le droit de récuser tous ceux qui sé seront d'avance ouverts de leur opinion; à moins qu'ils ne jugent à propos de se récuser d'eux-mêmes.

» Le même droit m'est acquis contre tous ceux qui, pour les causes prévues par la loi, seraient dans le cas de la récusation. Je ne puis présentement que me réserver tous mes droits à cet égard, pour les exercer quand et ainsi qu'il appartiendra.

» J'ajoute, par déférence pour messieurs les pairs, qu'il me serait pénible de proposer des nullités, dans les cinq jours accordés par les articles 296 et 572 du Code d'instruction criminelle, et qu'il n'y aurait plus d'ailleurs aucune parité dans l'application de l'article 582, etc., etc.

» PAR CES MOTIFS, et tous autres qu'il plaira à messieurs les pairs suppléer de droit et d'équité,

» JE CONCLUS à ce qu'il leur plaise n'autoriser, soit dans l'instruction, soit lors du jugement de l'accusation qui se poursuit présentement devant la chambre, aucune forme de procéder qui ne soit réglée par les lois; sauf au gouvernement, en cas d'insuffisance des lois existantes, à faire aux deux chambres, dans les formes voulues par la charte, telle proposition de loi qui conviendra. Me donner acte, tant de mes précédentes réserves que de

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