Page images
PDF
EPUB

des expressions qui ne conviennent pas plus à l'esprit qu'au goût de cet illustre écrivain, pas plus au clergé qu'à Napoléon, et encore moins à l'histoire. C'est un de ces lestes prononcés de jugement dont les salons peuvent s'accommoder et se réjouir, mais que la bienséante raison réprouve. Il est échappé à madame de Staël de dire que Napoléon avait voulu avoir un clergé comme il avait voulu avoir des chambellans. Madame de Staël oubliait dans ce moment qu'un clergé n'est point un meuble de palais. La religion est le premier besoin des sociétés humaines ses ministres sont par là même au nombre de leurs besoins et non point de leurs hochets. Les dates sont ici contre l'assertion de madame de Staël : le clergé date de la fondation des sociétés, de celle des monarchies, et les chambellans de je ne sais qu'elle année (1).

(1) Ceci ne concerne que l'époque de la création des chambellans. Je n'ai jamais bien compris ce qu'il y avait de spirituel dans ce qui se disait des chambellans; l'Allemagne en est pleine, et personne n'en rit. Les chambellans de France étaient comme la cour de France, les premiers de l'Europe par leurs noms, par leur tenue person

Les officiers personnels du souverain en quelque grade, en quelque nombre, sous quelque nom qu'ils existent, peuvent être des parties plus ou moins nécessaires de la dé

nelle : ils étaient l'objet de l'envie de ceux qui affectaient d'en rire. M M. de Montmorency, de Mortemart, de Montesquiou, n'étaient pas plus risibles sous un habit de chambellan, que ne le sont mille autres sous mille autres espèces d'uniformes. On s'est obstiné à confondre le service d'un homme, avec la décoration de la cour qui alors dominait sur l'Europe, et l'entourage de celui qui la régentait.... L'histoire ne dit pas qu'à Rome on rit des chambellans de César: ils étaient les premiers de la ville, comme les chambellans de Napoléon étaient les premiers de Paris.

La cour de Napoléon n'existe plus: ce que l'on en peut dire n'a donc aucune application fâcheuse pour personne, ni pour rien; ainsi l'on peut dire aujourd'hui qu'un des fléaux de la société du temps était tout ce que l'on avait à entendre dire par une multitude de personnes qui faisant des portraits avant de connaitre les visages, confondaient tout, brouillaient tout, et remplissaient les salons de propos qui auraient du rester à la porte.

Ce supplice équivalait à celui que fait subir aujourd'hui une autre classe qui parle des hommes et des choses de ce temps comme leurs devanciers le faisaient des chambellans; puisque le nom des chambellans a amené sous ma plume un nom que je ne cherchais pas, celui de la cour

coration et de l'entourage dont la souveraineté ne peut point se passer, mais ils ne constitueront jamais un élément social, tels que l'ont été et le seront toujours les ministres de la religion. Les chambellans sont bons quand il y a des palais, mais les prêtres sont indispensables, dès qu'il y a des sociétés. Il y a eu beaucoup de pays sans palais et sans chambellans, on ne s'y apercevait pas de ce déficit, mais il n'y en a jamais eu sans prêtres. Pour ce déficit là, on s'en serait bientôt aperçu. Ceci suffit pour remettre chaque chose à sa place.

C'est sous le rapport d'élémens sociaux

de Napoléon, je dirai que Madame la baronne de Staël s'est encore trompée dans l'estimation des motifs qu'elle prête à Napoléon dans l'érection d'une cour. Elle en fait une cour d'ostentation et de vanité: c'était une cour de politique et de luxe national. Il avait cru que le pays le plus puissant de l'Europe devait avoir la plus grande cour, que la cour et son luxe devait effacer la rudesse des mœurs précédentes, appeller l'étranger, confondre les dissidens dans un même centre, faire fleurir les arts, et ramener la politesse. Une cour était comme toute autre chose, un instrument dans la main de Napoléon: hors de là, un embarras.

que Napoléon considérait les ministres du culte. Son esprit était tout entier à la tolérance, base excellente, sans laquelle tout porte à faux (1). Gouvernant des pays de culte mé

(1) Partout où Napoléon a porté ses armes, il a conduit avec lui la tolérance, comme par la main. Dans toute l'Allemagne et la Suisse calviniste ou luthérienne, il a fait mettre sur la même ligne les deux cultes, catholique et protestant; surtout il a fait abolir la domination de l'un sur l'autre. En Hollande, il a relevé le catholicisme de trois siècles d'ilotisme s'il eût pénétré en Angleterre, quatre millions de catholiques d'Irlande, et cinq cent mille catholiques Anglais étaient émancipés. La Hollande, Bremen, Hambourg, Lubeck allaient recevoir des évêques catholiques; ils étaient accordés par l'arrangement de Savone et par le concordat de Fontainebleau.

De bonne foi tout cela compensait bien quelques écarts commis sur d'autres articles; mais la haine ne tient pas ses comptes en parties doubles, celle du bien et du mal.

Napoléon n'imitait pas l'Espagne que l'on a vue refuser les offres des industrieux Hollandais qui lui demandaient de venir défricher les déserts de l'Andalousie: on a craint pour la pureté de la foi des vieux chrétiens.

[ocr errors]

Dans ce moment le gouverneur de la Havanne vient d'inviter les colons étrangers à s'établir dans cette île mais avec la condition qu'ils seraient catholiques. Il y a des pays dans lesquels on demande aux laboureurs de montrer leur charrue, en Espagne on leur demande leur

T. II.

16

langé, la loi comme son instinct le fixait sur cette ligne : abandonnant ensuite à qui de droit toute la partie de l'ordre purement spirituel, chose qui ne le concernait en rien, et sur laquelle il ne pouvait qu'errer, il ne considérait les prêtres, ainsi que doit faire tout chef de nation, que sous les rapports de leur influence dans l'ordre social, comme garantie de sa stabilité par leur coopération au maintien de la morale qui est le principe de cette stabilité. Jusque - là tout est dans l'ordre le plus parfait, et personne ne peut avoir le droit d'en exiger davantage. La conscience particulière du prince est à lui seul, comme celle de chaque particulier n'appartient qu'à

credo; pauvre Espagne ! le bon sens aurait-il fait divorce avec toi, et vas-tu devenir la risée du monde, après en avoir été l'admiration!

[ocr errors]

Un beau zèle religieux dicta à Louis XIV de refuser ies protestans qui lui demandaient d'aller peupler les bords sauvages du Mississipi; il préféra de les voir grossir les trésors et les rangs de ses ennemis. Il fut à la veille d'être chassé de Versailles par ceux qu'il n'avait pas voulu laisser peupler les déserts de la Louisiane. A quel aveugle. ment le fanatisme porte til les hommes, et que ne finit-il point par leur coûter !

« PreviousContinue »