Page images
PDF
EPUB

qu'une étrangère a maintenant la faculté de disposer entre-vifs et par testament avec la même latitude qu'une Française, puisqu'une étrangère peut maintenant recueillir en France l'hérédité d'un parent français ou étranger, l'hérédité de son mari décédé sans laisser de successibles, l'hérédité d'un non-parent qui l'a instituée légataire ou donataire universelle; de même qu'une enfant naturelle reconnue est appelée à la succession de ses père et mère1; tout cela comme si elle était Française. Pour le prélèvement prélèvement très exception

[ocr errors]

nel à exercer par un cohéritier français, il faut repousser toute distinction entre les successions ouvertes en France et celles ouvertes en pays étranger, entre les. meubles et les immeubles, entre les étrangers légalement domiciliés en France et ceux qui n'y sont qu'en passant.

Mais ce prélèvement n'a pas lieu quand il existe des traités, antérieurs à la loi de 1819, stipulant avec la France l'abolition du droit d'aubaine et la successibilité selon les lois respectives de chaque pays.

Sauf ce prélèvement exceptionnel qui touche à l'application pratique, au partage effectif, mais non à la parité du droit au fond, la loi du 14 juillet 1819 ne crée pas au profit des étrangers une capacité spéciale et exceptionnelle cette loi les admet à succéder de la même manière que les Français, dans les limites et suivant les conditions déterminées par le Code français; en un mot, le droit héréditaire des étrangers est identique avec le droit héréditaire des Français.

1. C. civ., art. 757, 767; Pau, 17 janv. 1872.

CHAPITRE VI.

LA FEMME ÉTRANGÈRE ASSUJETTIE EN FRANCE

AUX TRAITÉS DIPLOMATIQUES.

282. « L'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra 1. »

Mais ce principe de réciprocité ne peut être invoqué en matière criminelle. Dès lors, un Anglais traduit devant un jury français n'a pas le droit de demander que ce jury soit composé mi-partie de nationaux et mi-partie d'étrangers, comme cela a lieu en Angleterre à l'égard des Français poursuivis criminellement".

Ce principe de réciprocité est donc limité aux droits civils. Et il ne peut être invoqué par l'étranger en France qu'autant que l'admission des Français à l'exercice du droit déterminé dans le pays de cet étranger dérive de traités diplomatiques, et non quand il dérive d'une loi ou d'un usage du pays. En un mot, il s'agit ici d'une réciprocité de liens amicaux, le plus souvent de liens commerciaux.

Lorsque les droits de l'étranger doivent être appréciés d'après la réciprocité diplomatique, ce principe doit être appliqué dans toute sa rigueur; par exemple, si un

1. C. civ., art. 11.

2. Paris, 24 avril 1816. 3. Cass., 6 avril 1819.

individu laisse en mourant des biens en France et des biens à l'étranger, un héritier français et un étranger, et que, suivant les lois civiles du pays étranger, le Français ne puisse prendre aucune part des biens étrangers, l'héritier étranger ne peut venir prendre part dans les biens de France, quoique les lois civiles françaises ne s'y opposent pas1.

A la différence des lois dites politiques, qui le plus souvent favorisent tous les peuples étrangers en général, les traités diplomatiques n'intéressent que les deux nations contractantes; de sorte qu'une convention internationale n'accroît pas les droits civils des étrangers en général, elle les laisse dans le droit commun. Et je ne sache pas qu'on ait vu jusqu'alors un traité diplomatique stipuler en termes généraux la jouissance réciproque de tous les droits civils entre deux peuples; une telle réciprocité serait l'idéal du progrès international ".

1. Rej., 9 févr. 1831.

2. Quelques esprits, généreux autant que libéraux, parlent de république universelle, comme du moyen le plus sûr de mettre en action la devise: Liberté, égalité, fraternité. Pour répondre à cette aspiration, pourquoi dès à présent ne pas multiplier les traités internationaux, en laissant à chaque peuple son autonomie, ses coutumes, ses lois et ses mœurs. N'estil pas vrai que ces sortes de traités contribuent à rapprocher les nations, à leur inspirer confiance entre elles, à les rendre plus fortes? On préparerait ainsi les moyens de l'avenir en laissant au temps à accomplir son

œuvre.

CHAPITRE VII.

L'ÉTRANGÈRE ADMISE A ÉTABLIR SON DOMICILE EN FRANCE.

283. On voit par les dispositions analysées dans les six sections qui précèdent que la femme étrangère résidant en France y trouve asile et protection, le respect de sa loi nationale et le maintien de ses droits personnels.

Cependant elle n'est pas complètement assimilée à la femme française, loin de là : elle reste privée en France de certains droits civils, c'est-à-dire des droits qui dérivent d'une pure concession de la loi positive, des avantages qui n'existeraient pas, même pour la Française, si une disposition législative ne les avait pas établis.

Quels sont donc ces droits civils à la jouissance desquels l'étrangère n'est pas encore admise, ces droits qui lui sont refusés ?

Le droit de domicile en France avec ses effets1;

Le droit d'affouage, c'est-à-dire de coupe dans les bois communaux, quand elle habite';

Le droit d'hypothèque légale de la mineure étrangère sur les biens de son tuteur étranger3;

Le droit d'hypothèque légale de la femme étrangère sur les biens de son mari étranger* ou Français ;

1. Demolombe, t. Ier, no 268.

2. L. 23 nov. 1883.

3. Massé et Vergé, t. V, § 795, p. 155, note 1.

4. Cass., 20 mai 1862.

Le bénéfice de la cession des biens';

Le droit d'enseigner publiquement en France *;

Le droit de faire des versements pour son compte à la Caisse des retraites pour la vieillesse ';

L'admission au bénéfice de l'assistance judiciaire pour plaider*;

Le droit de citer tous etrangers en matière personnelle ou mobilière devant un tribunal français";

Le droit de citer un Français sans fournir la caution judicatum solvi";

Le droit d'exiger de l'étranger non domicilié la caution judicatum solvi".

Cette série de droits civils, dont l'étrangère est privée à moins de stipulations spéciales dans les traités ou dans les lois politiques, est encore assez longue; mais il ne tiendra qu'à elle d'en obtenir le bénéfice en demandant au gouvernement français son admission au domicile. 284. Il faut ajouter à cette nomenclature trois droits exceptionnels dont l'étrangère est également privée : Le droit d'adopter un Français ou de se donner en adoption à un Français ;

Le droit d'être tutrice officieuse d'un Français, ou placée sous sa tutelle officieuse ';

9

1. C. pr., art. 905. V. Trèves, 24 févr. 1808.

2. L. 15 mars 1850, art. 78.

3. L. 28 mai 1853, art. 3.

4. Lettre minist. 11 mai 1855.

5. C. civ., art. 14; Cass., 12 nov. 1872.

6. C. civ., art. 16.

7. Cass., 15 avril 1842.

8. Cass., 25 août 1823, et 7 juin 1826.

9. Ibid., ibid.

« PreviousContinue »