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PROPOSITION faile par Darracq au Corps législatif après la conversion en loi du traité d'Amiens.

du 30 floréal an 10.

Séance

« Mes collègues, je viens vous proposer de terminer votre intéressante session par un grand acte, par un acte tellement grand que l'importance des travaux que vous y avez approuvés et le bien qui doit en découler sont seuls capables de le balancer, peuvent seuls le légitimer.

» L'homme est essentiellement imitateur; les beaux exemples le portent au faîte de la gloire.

» Aussi les anciens et les modernes ont-ils confié aux métaux les plus capables de résister aux ravages du temps les événemens, les hauts faits dont ils ont cru devoir enrichir la postérité; et peut-être est-ce entr'autres à ce soin que nous sommes redevables de notre civilisation.

» Sans doute que l'imprimerie, ajoutant à ce moyen antique, nous fournit des facilités de développement que n'eurent pas les premiers peuples; mais elle ne saurait ni exclure ni remplacer la gravure.

» Combien d'accidens ont privé, peuvent encore priver la société de découvertes heureuses, de traits brillans, d'exemples magnanimes, dout l'imprimerie aurait seule reçu le dépôt !

» Et chaque jour de nouvelles fouilles mettent en lumière des médailles qui révêlent ou qui éclairent des faits intéressans de la plus haute antiquité.

» Puis, comme on l'a dit, le peuple en général ne lit pas, pas le temps de lire ; et il est des actions, des événemens dont on ne sauroit trop lui retracer l'histoire.

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» L'imprimerie ne peut presque rien pour lui; la gravure peut tout.

>> Or, je le demande, est-il, je ne dis pas même pour des Français, mais pour des amis de l'humanité, de l'ordre, est-il pour des citoyens, pour des hommes, un événement plus intéressant que la pacification universelle, à qui vous venez de donner le caractère de loi!

» Les législateurs de la France peuvent-ils léguer à la postérité quelque chose de plus avantageux, de plus grand, quelque chose de plus digne et de leur mission et de la gloire qu'ils lui ont préparée!

>>

Quelques magnifiques que soient les avantages que cet acte du gouvernement assure à la France et pour l'étendue de son territoire, et pour sa population, et pour le rang qu'elle doit occuper parmi les nations, j'en suis moins touché garantie qu'ont promis à sa liberté des puissances qui ne nous

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combattaient que par prévention contre cette même liberté, » O liberté! liberté ! idole des grands cœurs! quand, avec les moyens de le féconder, tu ne porterais pas avec toi le germe de toutes les vertus, de tous les genres de gloire, de prospérité, de bonheur, qui doivent enfin te concilier toutes les affections; » Quand la Légion d'Honneur, dont le génie protecteur de la République vient de l'embellir et de la fortifier, ne t'offrirait pas un boulevart impénétrable;

» Le traité d'Amiens est pour toi un sanctuaire qu'on ne violera pas impunément; il ne sera désormais plus possible de lever sur toi une main sacrilege sans provoquer contre soi les foudres de l'Europe entière!

» Gloire immortelle à ses heureux auteurs !

» Et déjà les Français éprouvent sa salutaire influence.

>> On exerçait chez eux naguère une tyrannie barbare jusque sur les consciences, et aujourd'hui, laissant le domaine des cœurs à celui qui se réserva d'y lire seul, on ne demande aux Français que des vertus (1).

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Ainsi, après avoir par ce traité assuré le culte de la liberté politique, le gouvernement fait jouir la France de la liberté civile, et chaque citoyen de la liberté de conscience.

» Je pense, mes collègues, que vous voudrez éterniser autant que possible le souvenir de ce bienfait, et des trois magistrats à la sagesse, au civisme, à l'union parfaite de qui la France et l'Europe en sont redevables.

>> En vous associant en quelque manière à leur gloire par cet acte de justice, le grand et rare exemple que vous transmettrez ainsi à la postérité, déposant et de votre amour pour les talens et les vertus, et de votre attachement aux intérêts, au bonheur de l'humanité, et surtout de la nation que vous représentez, peut faire de vos neveux un peuple de héros.

» Je vous propose d'arrêter qu'une médaille, frappée à nos frais par les soins de votre commission administrative, consacrera cet heureux événement, et qu'il en sera offert une en or à chacun des trois consuls » ( Adopté à l'unanimité. )

MESSAGE des consuls au Sénat, sur l'émission du vœu pour le consulat à vie. Du 10 thermidor an 10

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(29 juillet 1802).

Sénateurs, le 16 floréal dernier le Tribunat émit le vœu qu'il fût donné au premier consul un gage éclatant de lá reconnaissance nationale. Ce voeu fut applaudi par le Corps législatif, et répété par un mouvement spontané des citoyens.

(1) Que Dieu juge le culte, et l'homme la vertu.

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» Le Sénat éleva plus haut ses pensées, et dans l'accom plissement de ce vœu il voulut trouver un moyen de plus de donner au gouvernement cette stabilité qui seule « multiplie » les ressources, imprime la confiance au dehors, établit le >> crédit au dedans, rassure les alliés, décourage les ennemis, » écarte les fléaux de la guerre, permet de jouir des fruits de la paix, et laisse à la sagesse le temps d'exécuter tout ce qu'elle peut concevoir pour le bonheur d'un peuple libre. » Le premier consul pensa que les circonstances de sa première nomination lui faisaient une loi de n'accepter cette réélection que quand le peuple français aurait donné par son assentiment une preuve de son attachement et de sa confiance permanente pour le magistrat qui avait été l'objet de son premier choix. » Dans cette position nous crûmes devoir exécuter en entier la pensée du Sénat.

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Le peuple français y a répondu; de presque tous les départemens sont parvenus au gouvernement les actes qui contiennent l'expression de sa volonté. C'est au Sénat que nous avons cru, dans cette circonstance nouvelle, qu'il appartenait de dépouiller et de proclamer le vœu du peuple : nous avons ordonné au ministre de l'intérieur de mettre à sa disposition les registres où le vœu national est consigné.

>> Nous invitons le Sénat à prendre dans sa sagesse les mesures qu'il croira les plus convenables pour en constater le résultat.

» Le second consul, signé CAMBACÉRÈS. »

RAPPORT sur le recensement des votes, fait au Sénat conservateur par Lacépède. -Séance du 14 thermidor an 10.

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Citoyens sénateurs, vous avez renvoyé à votre commission spéciale, établie par votre arrêté du 11 de ce mois, un message du gouvernement relatif à la nomination du citoyen Napoléon Bonaparte au premier consulat à vie.

» Vous avez chargé particulièrement votre commission de vérifier les registres des votes que les citoyens français viennent d'émettre.

» Votre commission s'est assurée que ces registres ont tous les caractères de l'authenticité: ils renferment les registres originaux des communes, revêtus des signatures de chaque votant, et attestés par le maire; réunis par arrondissement, et certifiés par le sous-préfet; rassemblés par département, et reconnus par le préfet pour authentiques; présentent enfin les formes que les lois ou les usages ont consacrés.

» Votre commission a dressé un procès-verbal de l'état de ces registres; elle aura l'honneur de le mettre sous vos yeux. Elle vous présentera aussi le tableau des résultats du dépouillement des votes; ce tableau offre pour chaque département le nombre des suffrages pour la nomination du citoyen Napoléon Bonaparte au premier consulat à vie, et celui des votes contraires à cette nomination.

» Votre commission spéciale a constaté que trois millions cinq cent soixante-huit mille huit cent quatre-vingt-cinq citoyens français out voté pour que le premier consul soit à vie le premier magistrat de la nation, et que huit mille trois cent soixante-quatorze citoyens s'y sont opposés.

» Elle a comparé ce nombre de trois millions cinq cent soixante-huit mille huit cent quatre-vingt-cinq à celui des citoyens qui ont émis leur vœu dans les différentes circonstances où le peuple français a fait connaître sa volonté souveraine ; elle a trouvé que la Constitution de l'an 8 a été acceptée par trois millions onze mille sept citoyens, celle de l'an 1 par un million huit cent un mille neuf cent dix-huit, et celle de l'au 3 par un million cinquante-sept mille trois cent quatre-vingt-dix.

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» Elle a vu par conséquent que le peuple français n'avait jamais exprimé sa volonté par un aussi grand nombre de suffrages que pour rendre la magistrature suprême perpétuelle dans la personne du citoyen Napoléon Bonaparte.

» Elle vous propose donc de proclamer ce vœu solennel, et de remplir par là le devoir que la Constitution vous a imposé en vous établissant l'organe du peuple pour ce qui intéresse le pacte social.

» Elle vient aussi vous entretenir d'un second devoir bien cher à chacun de nous.

» Vous n'avez pas seulement à proclamer la volonté du peuple; vous devez aussi exprimer la vive reconnaissance qu'il s'est empressé de témoigner de toute part pour le héros qui, précédé par la victoire et gaidé par la sagesse, a éteint tous les feux de la guerre, et brisé tous les traits de l'horrible discorde.

» Nous vous proposons donc de donner un grand éclat à la manifestation de la volonté nationale, de porter vous-mêmes au premier consul l'expression des sentimens du peuple souverain; et comine la haute prévoyance du Sénat conservateur embrasse tous les temps, et s'étend à tous les intérêts, nous avons cru qu'un monument durable, élevé par votre autorité, digne du Sénat, d'une grande nation, et du premier consul d'un peuple libre, devait attester à la postérité la reconnaissance des Français.

» C'est ainsi qu'interprètes fidèles d'une nation aimante et

généreuse, donnant un grand exemple aux descendans de vos concitoyens, absolvant les républiques du reproche d'ingratitude, servant la liberté jusque dans les siècles à venir, vous aurez fait ce qu'exigent de vous dans cette circonstance mémorable votre respect pour le peuple souverain, le soin de votre dignité, qui est une propriété du peuple, votre admiration pour le premier consul, les égards mutuels que se doivent les dépositaires du pouvoir suprême, la stabilité du gouvernement, la gloire de la nation et sa prospérité.

>> Votre commission m'a chargé en conséquence de vous présenter ce projet. »

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Projet de sénatus-consulte.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres
par l'article 90 de la Constitution ;

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» Délibérant sur le message des consuls de la République du 10 de ce mois;

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Après avoir entendu le rapport de la commission spéciale chargée de vérifier les registres des votes émis par les citoyens Français ;

>> Vu le procès-verbal fait par la commission spéciale, et qui constate que trois millions cinq cent soixante-dix-sept mille deux cent cinquante-neuf citoyens ont donné leurs suffrages, et que trois millions cinq cent soixante-huit mille huit cent quatre-vingt-cinq citoyens ont voté pour que Napoléon Bonaparte soit nommé premier consul à vie;

>> Considérant que le Sénat, établi par la Constitution organe du peuple pour ce qui intéresse le pacte social, doit manifester d'une manière éclatante la reconnaissance nationale envers le héros vainqueur et pacificateur, et proclamer solennellement la volonté du peuple français de donner au gouvernement toute la stabilité nécessaire à l'indépendance, à la prospérité et à la gloire de la République,

» Décrète ce qui suit:

» Art. Ier. Le peuple français nomme, et le Sénat proclame Napoléon Bonaparte premier consul à vie.

» 2. Une statue de la Paix, tenant d'une main le laurier de la Victoire, et de l'autre le décret du Sénat, attestera à la postérité la reconnaissance de la nation.

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» 3. Le Sénat portera au premier consul l'expression de la confiance, de l'amour et de l'admiration du peuple français. (Adopté.)

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