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hostiles de

noises étaient très-affaiblies par une maladie con- Préparatifs tagieuse, il crut le moment favorable pour chasser Denys. ces dangereux ennemis de la Sicile, et s'y prépara. On vit tout à coup Syracuse changer de face. Ce n'était plus cette ville occupée de fêtes, de céré monies, de spectacles; elle ne paraissait plus qu'un vaste arsenal. Partout on fabriquait des armes, on construisait des machines, on équipait des galères, on exerçait des soldats. En peu de temps cent cinquante mille hommes furent levés et armés. Denys, métamorphosé lui-même, se montrait sage, doux et clément : on croyait voir

un autre homme.

Voulant se faire des alliés, il demanda en mariage la fille d'un riche citoyen de Rhège, qui lui répondit qu'on n'avait que la fille du bourreau à lui accorder. Cette raillerie coûta cher par la suite aux habitans de Rhège. Mieux accueilli à Locres, il épousa Doride, fille d'un homme puissant de cette ville. Il se maria aussi avec une Syracusaine nommée Aristomaque, fille d'Hypparinus et sœur de Dion, citoyen généralement considéré par ses talens et par ses vertus.

Ce double mariage était contraire aux mœurs d'Occident; mais Denys se plaçait au-dessus des lois. Il traita ses deux femmes avec douceur, parut les aimer également, et commanda à ses trésoriers de leur donner, ainsi qu'à Dion, tout l'argent qu'ils demanderaient.

'Guerre avec Carhage.

Dion s'était formé à l'école de Platon. Espérant éclairer Denys par les lumières de la philosophie, et lui faire sentir l'évidente nécessité d'unir la morale à la puissance, pour son bonheur propre comme pour la félicité publique, il engagea Platon à venir à Syracuse, et fit entrer la sagesse dans le palais de la tyrannie.

Denys accueillit favorablement le philosophe, mais n'adopta pas ses principes. Un jour il se permit, en présence de Dion, des railleries sur le règne de Gélon: Dion lui dit : « Res» pectez la mémoire de ce grand prince. On >> vous a permis de régner, parce que Gélon a » fait aimer la monarchie, et vous, qui la faites » haïr, peut-être priverez-vous d'autres princes

» du trône. >>

Denys, ayant achevé ses préparatifs, rassembla le peuple, et lui proposa de déclarer la guerre à Carthage, assurant que c'était plutôt la prévenir que la commencer.

Le peuple approuva unanimement son dessein. Syracuse haïssait d'autant plus Carthage qu'elle croyait lui devoir son tyran. Aussi la guerre commença avec la fureur de la haine; à son signal la populace, dans toutes les villes, pilla et massacra les marchands carthaginois.

Denys se voyait à la tête de quatre-vingt mille hommes; sa flotte montait à deux cents galères et cinq cents barques. Ses succès furent rapides;

il prit la plupart des villes soumises aux Carthaginois ou à leurs alliés.

L'année suivante Carthage envoya en Sicile une armée de trois cent mille hommes sous les ordres d'Imileon; Magon commandait une flotte de quatre cents galères. Ils se rendirent maîtres d'Erix et de Messène; presque toute la Sicile abandonna Denys. Ce prince, ayant résolu d'attaquer l'ennemi, ordonna à son amiral Leptine de l'attendre à Catane. Cet officier n'obéit pas, fut battu et mis en fuite. Denys se trouva forcé de retourner à Syracuse que Magon bloquait par mer. Imilcon l'y suivit et plaça sa tente dans un temple de Jupiter, près de la ville.

Magon s'empara des deux petits ports; Imilcon se rendit maître du faubourg d'Achradine, pilla les temples de Cérès et de Proserpine, ravagea les champs et détruisit tous les tombeaux, sans épargner celui de Gélon et de Démarète. Mais bientôt Polixène, beau-frère du tyran, lui amena des secours de Grèce et d'Italie; la flotte syracusaine défit la flotte ennemie..

Denys se trouvait alors absent pour rassembler des vivres les Syracusains, fiers de leur victoire, s'ameutèrent pour reprendre leur liberté. Comme ils étaient réunis, le tyran arrive, et veut d'abord féliciter le peuple sur sa victoire.

Harangue

Un citoyen nommé Théodore l'interrompt: de Théo« On nous fait, dit-il, de vains complimens pour

dore.

Déclaration de Sparte.

>> flatter notre orgueil; on nous berce de l'espoir » d'obtenir la paix et de nous délivrer de nos en>> nemis ; mais la servitude est-elle une paix? Et >> connaissons-nous de plus cruels ennemis que >> notre tyran? Imilcon vainqueur ne nous impo>> serait qu'un tribut: Denys s'enrichit de nos >> biens et se nourrit de notre sang. Ses tours >> nous emprisonnent; ses satellites étrangers nous >> outragent; ils irritent contre nous les dieux en » pillant leurs temples. Prouvons à Sparte et à nos » alliés que nous ne sommes pas indignes du nom » de Grecs, et que nous aimons la liberté comme > eux. Si Denys veut s'exiler, ouvrons-lui nos >> portes; s'il veut régner, montrons-lui notre >> indépendance et notre courage. >>

Le peuple ému, mais incertain, fixait en silence ses regards sur les envoyés de Sparte. Phérécide, Lacédémonien, chef de la flotte, monte précipitamment à la tribune. Le nom de Sparte annonçait un discours énergique pour la liberté ; mais quelles furent la surprise et la consternation publiques lorsque Phérécide déclara que sa république l'avait envoyé pour secourir Syracuse contre Carthage, et non pour faire la guerre à Denys et détruire son autorité.

Ce discours imprévu répandit le découragement; et, la garde du tyran arrivant sur ces entrefaites, l'assemblée se sépara. Cette tentative infructueuse eut cependant ungrand résultat. Denys,

effrayé de la haine qu'il inspirait, s'efforça de se rendre populaire, de gagner par des largesses ceux qu'il ne pouvait vaincre par ses rigueurs, et de se concilier les esprits par une bienveillance plus adroite que sincère.

Testa sœur

On peut rarement vaincre son caractère; De- Fermeté de nys, même lorsqu'il voulait gouverner en bon roi, deDenys. laissait souvent apercevoir le tyran. Sur un simple soupçon, il menaça les jours de son beau-frère Polixène; celui-ci prit la fuite: Denys,' furieux de voir échapper sa victime, fit de violens reproches à sa sœur Testa de ne l'avoir pas averti du départ de Polixène : « Croyez-vous, lui répondit-elle, » que je sois assez lâche pour n'avoir pas accom» pagné mon époux, si j'avais connu ses dangers » et appris son départ? Je l'ignorais; soyez cer»tain que j'aimerais bien mieux être nommée » dans tout autre pays la femme du banni Po» lixène, que d'être appelée ici la sœur du tyran.»>

Une si noble fierté força Denys à l'admiration; et la vertu de cette princesse lui attira tant d'estime, que les Syracusains, après la destruction de la tyrannie, lui conservèrent les honneurs, le rang et le traitement de reine. Lorsqu'elle mourut, le deuil fut général, et tous les citoyens'assistèrent à ses funérailles.

Victoires

Tandis que la tyrannie opprimait Syracuse, un de Denys. fléau qu'on peut lui comparer, mais plus rapide encore, la peste, fit de grands ravages dans l'ar

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