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ministrateurs civils, avaient absorbé toutes les minutes de cette journée du 12 mars.

>> Mais, Messieurs, c'est surtout à la journée du 13 mars, la plus rapprochée de l'instant d'erreur, qu'il est essentiel de vous attacher, afin que vous puissiez mieux discerner les causes subites qui ont pu si inopinément détacher en apparence de la cause du Roi, celui qui en était encore si exclusivement occupé.

» Le maréchal Ney la commence encore et la finit, comme la veille, par deux missives adressées au ministre de la guerre, où il lui transmet l'état de ses forces partagées en deux divisions, l'une commandée par le général Lecourbe, l'autre par le comte de Bourmont, et qui, réunies, n'excèdent pas quatre à cinq mille hommes.

» Il ajoute qu'il vient de donner des ordres pour que les gardes d'honneur des trois départemens de la Haute-Saône, du Jura et de l'Ain, soient incorporés dans ces divisions.

» Que le général Jarry resterà chargé du commandement des gardes nationales des départemens de l'Ain et du Jura.

>> Au reste, il communique scrupuleusement au ministre toutes les nouvelles qui lui sont par

venues.

» Incontinent il reprend la plume pour informer

les maréchaux Suchet et Oudinot, de sa situation critique, et réclamer d'urgence les plus prompts

secours.

» Ces deux lettres, Messieurs, devront me dispenser de retracer ici une foule de soins et de démarches qui ont rempli le cours de cette journée. Je vous supplie de m'en permettre encore la lec

ture.

Au duc d'Albufera (maréchal Suchet).

Lons-le-Saulnier, le 13 mars 1815.

« Monsieur le maréchal, je viens d'expédier » M. le marquis de Saurans auprès de Monsieur, » pour avoir de ses nouvelles et de celles de M. le » maréchal Macdonald. Je les crois toujours à » Moulins, Bonaparte a fait son entrée le 10 à >>>> Lyon, à sept heures du soir. Le 11, il a passé >> en revue les troupes provenant de la défection » de la septième division militaire ; savoir : les 5o., >> 7. et 11. régimens de ligne (infanterie), le 4°. » de hussards, et une partie du 13o. de dragons. » Deux détachemens sont sortis le même jour de » Lyon, pour se diriger sur Villefranche et sur » Roanne. Je ne connais pas la marche de M. le » maréchal prince d'Essling, qui cependant a dû » se diriger de Valence sur Grenoble. Je suis en » mesure de marcher sur Lyon, aussitôt que je

»saurai d'une manière positive la direction qué >> prendra Bonaparte. Dans ces circonstances, il >> est bien important de hâter l'arrivée des troupes » dont me parle le ministre de la guerre. Nous >> sommes à la veille d'une grande révolution, et >> ce n'est qu'en coupant le mal dans sa racine, qu'on >> pourrait encore espérer de l'éviter. Il faudrait » faire arriver les troupes en poste, c'est-à-dire, » inviter les préfets à faire préparer,dans tous leslieux » d'étapes, des relais de voitures de pays, et pou» voir ainsi faire parcourir aux troupes quatre ou >> cinq étapes par jour : car ce n'est qu'à la vitesse de » la marche de Bonaparte qu'il faut attribuer ses » premiers succès. Tout le monde est étourdi de » cette rapidité; et malheureusement la classe du >> peuple l'a servi en divers lieux de son passage. La >> contagion est à craindre parmi le soldat; les of»ficiers se conduisent généralement bien, et les >> autorités civiles montrent du dévouement au » Roi. J'espère, mon cher maréchal, que nous >> verrons bientôt la fin de cette folle entreprise, » surtout si nous mettons beaucoup de célérité et » d'ensemble dans la marche des troupes.

Recevez, mon cher maréchal, l'assurance de » mon attachement et de ma haute considération, » Signé le maréchal, prince de la » Moścowa, pair de France, NEY. »

Au duc de Reggio (maréchal Oudinot).

(Même lettre que la précédente.)

» Et puisque c'est la conduite d'un général d'armée, d'un maréchal de France, qui est taxée dans ce procès de noire perfidie, de lâche trahison, accordez encore, Messieurs, votre indulgence à la lecture d'une dernière lettre, écrite toujours le 13 par le maréchal Ney, au lieutenant général Heudelet, à Dijon. Elle vous fera vérifier s'il songeait à tout, et s'il lui a été possible de mettre plus d'ensemble dans ses mesures hostiles contre Bonaparte. » Voici la teneur de cette lettre :

Au lieutenant général comte Heudelet.

Lons-le-Saulnier, le 13 mars 1815.

« Je reçois votre lettre du 12, par laquelle vous >> m'apprenez que les 23°. et 36. de ligne sont en >> marche sur Moulins. Dans les circonstances où »> nous nous trouvons, mon cher général, il faut » éviter de faire de petits détachemens. Réunissez » à Châlons toutes les troupes sous vos ordres; il » serait bien que vous vous y rendissiez de votre >> personne, ou qu'au moins vous vous y fissiez >> remplacer par un maréchal de camp ferme et in

telligent. Envoyez à Auxonne les dépôts, maga

» sins et effets inutiles; je dirige le 6. de hussards » sur cette place, où il serait également à désirer >> que vous pussiez paraître un instant, afin de ras>> surer les esprits, et de vous convaincre, d'accord >> avec le général Pellegrin, si tous les moyens de » défense sont sagement combinés. Faites-moi » connaître ce que je puis tirer d'artillerie et de » munitions de cette place, afin que rien ne puisse >> me manquer lorsque je serai en mesure de >> prendre l'offensive. Surveillez bien le cours de la » Saône jusqu'à Villefranche. Ecrivez à M. Ger>> main, préfet, pour l'inviter à me tenir exacte» ment informé de tout ce qui peut intéresser le >> bien du service du Roi.

>> Informez-vous près du maréchal de camp » Boudin, à Auxerre, si le régiment de lanciers >> qui est à Joigny n'a point reçu d'ordre de marche, et prévenez-le qu'il doit se tenir prêt à partir » pour se porter probablement sur Dijon.

>> Recevez, etc. >>

« Reste à observer à présent le maréchal dans ce qu'il exécute par lui-même à Lons-le-Saulnier ; dans ce qu'il proclame à tous les instans du jour, devant ses officiers, sous-officiers et soldats, devant tous ceux qui se présentent à lui.

» Il donne au maire de Dôle (M. Garnier) qui en dépose, l'ordre de faire entrer dans Auxonne,

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