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juillet 1751, entre

Le Parlement de Rouen a jugé, par un arrêt rendu le 1 la chambre des assurances du Havre et les sieur et dame Ferci, que, quand le propriétaire du navire en a fait assurer le corps, quille, agrès, apparaux, victuailles et armement, si le navire périt, et que les marchandises. » soient sauvées, le fret appartient aux assurés, et non aux assureurs.

Troisième arrêt. Colomb donna à Castellin 6,000 liv. sur le corps du vaisseau la Vénus, d'entrée et sortie des Iles. Ce navire, à son retour à Marseille, se brisa contre le pilon qui est à l'entrée du port. La valeur des débris fut absorbée par les salaires de l'équipage. Le donneur demanda d'être payé sur le fret gagné. On lui opposa l'arrêt de Gasqui.

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> Sentence rendue par notre amirauté, le 15 mai 1768, qui jugea que le donneur serait payé sur les débris et sur le fret, sous la déduction des frais » et dépenses faites pour le navire à son arrivée et sortie, de celles d'avic» tuaillement et remplacement des équipages aux lles, des salaires et frais de » désarmement, etc.,

Arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 20 février 1773, qui confirma cette sentence.

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Après avoir examiné les jugemens que je viens de rapporter, nous con- Principes généraux. vînmes de certains principes généraux.

Les nolis sont l'accessoire et les fruits civils du navire: Vectura navis inter accessiones, seu fructus civiles annumerantur. Roccus, de navib., not. 63. Stypmannus, part. 4, tit. 10, no. 2, pag. 505.

L'accessoire du gage fait partie du gage même : Quod accedit pignori, pignus est.

D'où il suit que celui qui a privilége sur le corps du navire, doit l'avoir également sur le fret. Cette conséquence est appuyée sur l'art. 2, titre des propriétaires; sur les art. 6 et 19, titre de l'engagement; sur l'art. 20, titre du fret; sur l'art. 11, titre des chartes-parties; sur l'art. 7, titre des contrats à la grosse; sur l'art. 4, titre des avaries, et sur l'art. 7, titre du jet,

L'art. 7, titre des contrats à la grosse, affecte par privilége le navire et le fret au principal et intérêts de l'argent pris à la grosse sur corps. Ce privilége est réel. Si le naufrage engloutit le navire et la cargaison, le contrat de grosse demeurera nul. Mais si les marchandises sont sauvées, en tout ou en partie, dès lors le navire sera présumé sauvé, quant au fret, qui est une partie civile et légale du navire perdu, et qui doit par conséquent appartenir au donneur, après qu'on aura prélevé les frais de sauvetage et les salaires des matelots.

Première question. sauvés est-il affecté aux

Le nolis des effets

contrats de grosse sur le corps ?

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Seconde question.

Le nolis des effets

Lors du procès de Gasqui, les assureurs et la chambre du commerce demandaient que Gasqui fût condamné à délaisser aux assureurs le fret en entier, déduit sur icelui les dépenses privilégiées et les sommes capitales données à la grosse. Les donneurs n'étaient point en qualité. On ne leur disputait rien. Le Parlement d'Aix voulut cependant faire un réglement, tant à l'égard des assureurs, qu'à l'égard des donneurs.

Dans le procès de Castellin, on opposait avec force cet arrêt de réglement; mais le contraire fut décidé par l'arrêt de 1773. Cette dernière décision fixa nos suffrages.

Il est vrai qu'il est défendu de prendre des deniers sur le fret à faire par le vaisseau, tout comme il est défendu d'en prendre sur les salaires et sur le profit espéré des marchandises, de peur que la bonne navigation ne soit négligée. Mais cela n'a aucun rapport à la question présente. En donnant sur le corps, je ne donne pas sur le fret à faire; j'acquiers implicitement, et par extension, un privilége sur le fret, qui est le fruit civil et l'accessoire du navire.

Si le fret est l'accessoire du navire, si cette règle est admise en faveur des sauvés doit-il être donneurs sur le corps, si elle est adoptée en faveur des matelots et de ceux qui ont à se plaindre des faits du maître, on ne voit pas qu'elle doive être impuissante vis-à-vis des assureurs.

délaissé aux assureurs du corps?

L'assurance n'est pas un contrat lucratif; elle a pour objet unique de mettre l'assuré à couvert des pertes. Dans le cours du voyage, la valeur réelle du navire diminue, les provisions se consomment, les avances faites aux matelots sont absorbées; mais tout cela est récompensé par le fret. C'est le fret qui conserve au navire sa valeur primitive. Ce que le navire perd d'un côté, il le recouvre de l'autre par le nolis, qui est son accessoire. Votre navire, qui, lors du départ de Marseille, valait 50,000 liv., n'en vaut plus à son retour que 20,000. Vous n'avez pas à vous plaindre, parce que le nolis vous indemnise, avec usure, de ce décroît de valeur. Si, en entrant dans le port de Marseille, il fait naufrage, il est odieux que d'une part vous exigiez de vos assureurs 50,000 liv., et de l'autre, le fret entier des marchandises sauvées. Ce sinistre vous enrichirait aux dépens de vos assureurs. Un pareil systême doit donc être condamné, comme contraire à l'équité et à la nature du contrat.

Le délaissement ayant la vertu de déférer aux assureurs le domaine du navire abandonné, ils sont fondés à percevoir le fret, plutôt par droit de propriété que par droit de privilége : Non jure pignoris, sed jure dominii.

En cas de naufrage, l'assuré doit travailler au recouvrement des effets nau

fragés, et rendre compte des effets recouvrés. Dans ce compte, il comprendra les nolis recouvrés de la mer et sauvés avec la marchandise. Il ne pourra retenir ce fret, qui forme une partie et un accessoire du navire assuré.

Votre vaisseau, estimé 50,000 liv., et que vous m'avez abandonné en suite d'un arrêt de prince, ou par défaut de nouvelles, a le bonheur enfin de reparaître dans le port. Il m'appartiendra à proportion de la somme que je vous ai payée. Mais à qui le nolis des marchandises qui s'y trouvent chargées appartiendra-t-il? Sera-ce à vous, qui avez déjà reçu le prix du vaisseau? N'aurai-je rien à voir au fret qui est dû à ce même navire, lequel m'est devenu propre par l'abandon à moi fait, et par le prix que j'en ai déjà compté? Prétendre que vous devez percevoir les nolis d'un navire qui a cessé de vous appartenir, et dont vous avez reçu la valeur primitive, en vertu du délaissement, c'est une idée opposée à la nature du contrat. Nous crûmes donc qu'on ne devait point s'en tenir à l'arrêt de Gasqui ni à celui du Parlement de Rouen.

La troisième question souffrit plus de difficulté, et nous arrêta long-tems. D'un côté, on peut dire que l'entier nolis, sans distinction, doit être abandonné aux assureurs, déduction faite des dépenses légitimes et des sommes prises à la grosse.

L'effet de l'abandon est de mettre l'assureur au lieu et place de l'assuré, comme si assuré ne fut, c'est-à-dire comme si l'entreprise nautique eût été étrangère à l'assuré. Le péril est renversé sur l'assureur. : Assecuratio est aversio periculi. La navigation est considérée avoir été faite dans le principe pour le compte de l'assureur, vis-à-vis duquel l'abandon a un effet rétroactif.

Inutilement l'assuré dirait que, dans l'intervalle, il a été privé de ses fonds, et que le fret compense les intérêts dont il aurait profité. Mais cet intérêt, ou change de terre, est un profit qui n'entre point dans le systême du contrat d'assurance. Il suffit que l'assuré ne perde rien de son capital assuré. Le gain n'est pas un objet auquel la loi s'arrête, ni doive s'arrêter dans un malheur commun. Il est donc aussi juste qu'équitable que l'abandon renferme, sans distinction, l'entier nolis, qui est l'accessoire du navire abandonné.

L'assuré qui a perçu des nolis pendant le cours de sa caravane est présumé les avoir perçus pour lui-même, si le navire arrive heureusement, et les avoir perçus pour le compte des assureurs, des assureurs, si le sinistre rend l'abandon nécessaire.

D'un autre côté, l'on peut dire que les nolis reçus avant le sinistre, dans le cours du voyage assuré, l'ont été de bonne foi, et par celui qui était alors

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propriétaire du navire. L'assuré avait titre pour faire cette exaction. Il l'a faite pour lui. Il en a employé de bonne foi le montant à ses affaires personnelles. C'est ici un possesseur de bonne foi qui a perçu les fruits d'un héritage qu'il occupait avec titre.

Les fruits pendans appartiennent à celui qui devient propriétaire de l'héritage avant la récolte. Mais les fruits déja perçus ne se trouvent pas dans la même catégorie. Le possesseur de bonne foi qui les a recueillis les a faits siens irrévocablement.

L'effet rétroactif dont on a parlé ci-dessus est une fiction légale, qui doit être bornée aux nolis pendans, sans s'étendre aux nolis déjà perçus, dont la restitution serait trop dure.

D'ailleurs, le recomblement du fret déjà exigé avant le sinistre donnerait lieu à des comptes et à des liquidations multipliées, sur-tout lorsque le navire a été expédié pour la caravane.

Les règles proposées aux négocians doivent être simples, et donner le moins qu'il est possible occasion à des litiges. Les petits inconvéniens de détail doivent être tolérés pour un plus grand bien.

Ce dernier avis est éblouissant; mais est-il le plus légal? L'assuré, en faisant son délaissement, transporte aux assureurs ses droits, noms, raisons et actions. Les assureurs doivent alors recueillir en leur part le profit de la navigation. Or, les nolis perçus ne sont pas moins le profit de la navigation que les nolis pendans.

Si l'abandon a un effet rétroactif au moment du risque commencé, il doit nécessairement embrasser l'universalité des nolis. En pareil cas, l'assuré ne doit point gagner. Or, il gagnerait s'il gardait les nolis perçus, qui sont quelquefois plus considérables que les nolis pendans.

La règle doit être univoque. S'il est vrai que l'équipage, que le donneur à la grosse, que celui qui a contracté avec le maître, aient un privilége sur tous les nolis, pourquoi ne déférer aux assureurs que le nolis pendant, tandis que, par l'effet de l'abandon, les assureurs sont mis à la place de l'assuré?

L'abandon reducit actum ad non actum, et fait que l'assuré est considéré comme si assuré ne fut. Il faut donc que, dans ce cas, l'assuré, remboursé de son capital, soit mis hors de jeu, sans profiter de rien.

Le navire diminue de valeur dans le voyage, et cette diminution est compensée par le fret. Mais la compensation dont il s'agit ici ne serait pas opérée, si le nolis déjà perçu n'était pas rapporté.

Le possesseur de bonne foi est évincé malgré lui de l'héritage dont il jouis

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sait; au lieu qu'il est en la liberté du marchand chargeur de faire délais à ses assureurs, ou de ne pas le faire, etc.

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D'après ces dissertations, qui ne furent pas exemptes de débats, nous soutenions que les assurés, en faisant abandon du navire dans le cas de droit, devaient délaisser à leurs assureurs le fret acquis pendant toute la durée du risque, sous la déduction des salaires de l'équipage, des frais et dépenses légitimes faites pour le voyage, et sous la déduction encore des sommes › prises à la grosse sur le corps; au moyen de quoi nous croyions que le pacte qui dispense l'assuré de rapporter le fret en cas de délaissement, était nul et usuruire. »

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Depuis lors, nous avons la déclaration du 17 août 1779, dont l'art. 6 est conçu en ces termes :

Le fret acquis pourra être assuré, et ne pourra faire partie du délaissement › du navire, s'il n'est expressément compris dans la police d'assurance; mais le fret à faire appartiendra aux assureurs, comme faisant partie du délaissement, s'il n'y a clause contraire dans la police d'assurance, sans préjudice, toutefois, des loyers des matelots et des contrats à la grosse aventure, à l'égard desquels les dispositions de l'Ordonnance du mois d'août 1681 seront exécutées selon leur forme et teneur. »

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1o. Dans le ch. 8, sect. 8, § 3, j'ai parlé du fret acquis; et j'ai actuellement sur mon bureau une charte-partie passée à Lorient, au sujet d'un vaisseau parti pour les îles de France et de Bourbon, par laquelle les armateurs stipulent que le fret leur sera payé d'avance, et qu'il sera acquis au navire, du moment de son départ, quel que puisse être son sort.

2o. Dans le même ch. 8, sect. 8, § 3, j'ai dit que si le fret stipulé à tout événement, avait été payé avant le départ du navire, on ne serait pas obligé, en cas de perte, d'en faire le délaissement, parce que ce fret acquis et reçu se trouverait implicitement compris dans le corps du navire, à l'armement duquel il est présumé avoir été employé; mais il faudrait le déduire de la valeur du navire assuré : sans quoi, les armateurs auraient fait assurer au-delà de leur intérêt véritable. Ils doivent courir le dixième de leurs propres fonds, déduction faite des deniers reçus à la grosse, et autres deniers qui ne sont pas à leur charge.

Si le fret stipulé à tout événement, avait été simplement promis, il ferait partie du délaissement du navire. (Nota. Ces assertions ne se concilient peutêtre pas avec le texte de la déclaration de 1779; mais elles dérivent des principes généraux qui régissent le contrat d'assurance).

T. II.

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