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requise pour les débats judiciaires en matière criminelle (1), etc., etc.

>>> Les ministres sentirent la force de ces objections, et, par une seconde ordonnance, servant de développement à la première, il fut réglé que → l'instruction serait recommencée, que les débats seraient publics, et « qu'il serait procédé à l'audi» tion des témoins, à l'examen, au débat, à l'arrêt » et à l'exécution de l'arrêt, suivant les formes prescrites pour les cours spéciales, par le code >> d'instruction criminelle (2). »

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>> Cette nouvelle ordonnance a fait naître la question de savoir si la procédure à suivre devant la chambre des pairs, pour l'exécution des articles 33 et 34 de la Charte, a pu être réglée autrement que par une loi.

» Dans une seconde requête, on a soutenu pour M. le maréchal Ney que la procédure étant établie par les Lois, ne pouvait étre changée ni modifiée que par les LOIS; que dès-lors son procès ne devait pas être iustruit et jugé selon les formes créées, adoptées ou modifiées par l'ordonnance du 12 novembre; mais bien selon les formes qui seraient établies par une loi organique, dont

(1) Chart. constit., art. 64.

(2) Ordonnance du 12 novembre, art. 8.

les dispositions régleraient l'exercice des articles 33 et 34 de la Charte.

» C'est cette proposition énoncée fort succinctement dans la requête précitée, qu'il s'agit de développer maintenant.

» La nécessité d'une loi se fait ici d'autant mieux sentir, que l'article 33 de la Charte n'attribue pas à la chambre des pairs la connaissance illimitée de tous les crimes d'état, mais seulement de ceux qui seront définis par la loi.

» On ne peut pas dire que ces mots se réfèrent à la législation préexistante; ils sont au futur; ils n'indiquent donc pas une loi faite, mais une loi à faire; et dès-lors on ne peut pas dire que les crimes dont parle l'article 33 sont suffisamment définis.

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» Ils ne le sont pas par la Charte, puisqu'elle se réfère à la loi qui les définira. Ils ne le sont point par cette loi; car elle n'a pas encore été portée. Enfin, ils ne le sont point par le code pénal de 1810, puisque ce code existait avant la Charte, et qu'il résulte des termes de l'article 33, que cet article n'a pas voulu se référer aux lois antérieures, mais à la loi qui serait portée dans la suite.

>> Ici l'intention de la Charte est évidente: d'une

part elle n'a pas voulu que la chambre des pairs

connut, sans exception, de tous les attentats à la sûreté de l'état, mais seulement de ceux qui se

raient définis par la loi, ne pas fatiguer la chambre

afin, sans doute, de par l'attribution d'un

trop grand nombre de crimes. D'autre part, la Charte n'a pas voulu se référer au code impérial de 1810, parce qu'on a senti ce qu'avait de trop rigoureux, en cette partie, un code fait sous la domination d'un usurpateur qui voulait conserver, par la terreur des peines, un pouvoir dont il ne pouvait pas se dissimuler les vices. En d'autres termes, le code de 1810 avait pour objet de défendre le pouvoir usurpé contre les atteintes qu'oseraient y porter les amis du pouvoir légitime; tandis que l'article 35 de la Charte a eu en vue de maintenir le pouvoir légitime contre les attentats de l'usurpation: Deux législations si opposées dans leurs motifs ne pouvaient donc pas se référer l'une

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à l'autre ; et voilà pourquoi l'article 33, au lieu de renvoyer au code pénal existant, a 'renvoyé à la loi qui serait portée.

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» Il faut donc d'abord porter cette loi.****

» Mais ce n'est pas tout (en admettant que cette première loi soit superflue dans l'espèce, parce que la compétence est désormais fixée), il en faut une autre pour régler la procédure à suivre, soit pour l'exécution de l'article 33, soit pour l'exécu

tion de l'article 34, c'est-à-dire, pour tous les cas où la chambre des pairs aura à juger en matière criminelle,

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» Nous disons qu'il faut une loi; car il n'en existe aucune qui ait expressément réglé cette procédure. Il n'en existe même aucune qui puisse être appliquée à la cour des pairs par analogie.

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C.

"Qu'on ne nous accuse pas de n'élever ici qu'une pure chicane; en matière civile, les formes sont quelquefois minutieuses, et le plaideur qui en abuse peut être taxé de mauvaise foi. Mais il n'en est pas de même en matière criminelle, où l'accusé n'invoque pas les formalités de la procédure pour usurper les biens d'autrui, mais pour protéger son honneur et son existence. Son salut tient souvent à leur observation.

<«< En Turquie, où l'on fait très-peu d'attention » à la fortune, à la vie, à l'honneur des sujets, on >> termine promptement, d'une façon ou d'autre, >> toutes les disputes. La manière de finir est in» différente, pourvu qu'on finisse...... Mais dans » les états modérés, où la tête du moindre ci>>toyen est considérable, on ne lui ôte son hon» neur et ses biens qu'après un long examen; » on ne le prive de la vie que lorsque la patrie >> elle-même l'attaque; et elle ne l'attaque qu'en

>> lui laissant tous les moyens possibles de se » défendre (1). »

» Cette importance des formes en matière criminelle se fait surtout sentir dans les crimes de la nature de ceux dont M. le maréchal Ney est accusé. «La chaleur, l'indignation (2), la colère y étant >> encore, poussent non-seulement les parties, >> mais les témoins, mais les juges, mais l'auditoire. >> Toutes choses avecque le temps passent bien plus humainement qu'à la chaude (3).

» Et quand il n'y aurait que ce que dit Platon » (en son x1 livre des Lois), que traiter les choses » en jugement et avec connaissance de cause, fait » qu'il ne se trouve homme si dur et si inhumain » qui ne se mitige et adoucisse plus qu'il n'était;

(1) Esprit des lois, liv. 6, chap. 2.

(2)« Nous remplissons cet office d'accusateurs au nom de la France depuis long-temps indignée, et maintenant stupéfaite. C'est même au nom de l'Europe que nous venons vous conjurer et vous requérir à la fois de juger le maréchal Ney... Nous osons dire que la chambre des pairs doit au monde une éclatante réparation; car il importe de retenir l'indignation qui de toutes parts se soulève. (Discours de MM. les ministres.)

(3) De l'ordre, formalité et instruction judiciaire, liv. 2, n. 61, par Ayrault, lieutenant-criminel au siége présidial d'Angers.

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