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plutôt que la raison de tout le genre humain? C'est ce qu'il faut examiner.

Cette raison qu'il croit entendre au dedans de luimême, il ne sait ce qu'elle est; il en ignore l'origine; il ne se l'est pas donnée lui-même; il n'a aucun motif de croire que celui qui l'a mise en lui prétendu en faire un instrument de vérité, plutôt qu'un instrument d'erreur. Est-ce une voix toujours trompeuse, est-ee un oracle toujours infaillible qu'il entend? Nul moyen de répondre à ces questions; car qui répondroit? sa raison seule, c'est-à-dire que c'est sa raison qui l'assureroit que sa raison ne le trompé pas ce qui ne l'avanceroit de rien. Il croit cependant, il fait l'acte de foi le plus aveugle dans sa raison individuelle, lui qui, avant de croire à la raison du genre humain, vouloit qu'on la lui démontrât. Ou sera l'inconséquence, si cet acte n'en est pas une?

Il dit j'existe, parce qu'il a de son existence une idée claire et distincte. Or il se souvient qu'autrefois il croyoit à l'existence d'un être souverain, d'un Dieu, dont la puissance peut s'étendre jusqu'à faire qu'il soit trompé par ses idées les plus claires et les plus distinctes; et partant il conclut qu'il devra s'assurer, à la première occasion qui s'en présentera, si ce Dieu existe, et s'il est trompeur; et que, jusque là, il ne voit pas qu'il puisse être certain d'aucune chose. Il ne laisse pas Cependant de poser, comme fondement de toute certitude, son existence, qu'il ne voit que dans une idée claire et distincte, qui peut le tromper, si elle ne vient pas d'un Dien vrai; et plus tard il conclura l'existence et la véracité de Dieu, de sa propre existence, qui n'est qu'un rêve, et de ses idées claires et dis

tinctes, qui ne sont que des illusions, si Dieu n'existe pas, ou s'il est trompeur. M. de la Mennais a-t-il donc tort de dire, dans sa Défense, que cette philosophie n'est qu'une éternelle complication de cercles vicieux?

Ce n'est pas tout. Supposons un moment que les philosophes qui considèrent l'homme isolé trouvent enfin ce principe de certitude qu'ils cherchent en vain; ils ne seront guère avancés, à moins qu'ils ne trouvent une règle qui leur serve à déduire de ce premier principe supposé certain des conséquences également certaines. Or c'est ici que se montre surtout le vice et le danger de toute philosophie qui considère l'homme sans relation avec ses semblables.

Ou bien vous supposez que la raison de l'homme ne peut jamais déduire une fausse conséquence d'un principe certain, ce qui est affirmer que les contradictoires peuvent être également vrais, et détruire par là même toute vérité, toute certitude, comme le remarque M. de la Mennais; ou bien vous êtes forces de convenir que l'homme ne pourra jamais rien croire raisonnablement, s'il n'a pas une règle qui lui serve à discerner un raisonnement exact d'un sophisme. Or cette règle qui doit diriger la raison, l'homme isolé où la trouvera-t-il? il ne peut la cher cher que dans sa raison même. Ainsi c'est une raison sujette à errer dans ses jugemens, qui va prononcer qu'en jugeant d'une certaine manière elle ne pourra jamais errer; d'un côté, je ne serai assuré de la vérité de la règle que par la raison; d'un autre côté, c'est la raison seule qui me répond de la vérité de la règle. Certes, ou ma raison me trompe, ou il y a là une véritable contradiction.

Les idées claires et distinctes sont la seule règle

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infaillible de nos jugemens, dit Descartes; et com ment le saurai-je? sans doute par quelque idée claire et distincte: me voilà bien avancé! Il y a plus : j'admets qu'une idée claire et distincte est toujours une expression fidèle de l'objet, il faut que Descartes m'apprenne encore à distinguer l'évidence réelle de l'évidence apparente; sa règle ne me sert de rien, si je ne puis pas être assuré de la bien appliquer. Dirat-il que l'évidence réelle est celle qui ne laisse aucun doute dans mon esprit? L'essence de la méprise, répond Pascal, consiste à la méconnottre. Cependant voilà le seul caractère que Descartes puisse assigner, et sa règle se réduit à cet axiome: Tout ce que je crois fortement étre vrai est vrai. Ainsi il n'y a qu'à avoir l'esprit entièrement faux pour pouvoir acquérir la certitude entière. « La règle générale de Descartes est donc incertaine, puisqu'il ne la prouve pas; insuffisante, puisqu'elle a besoin d'une nouvelie marque; fausse, puisqu'elle tend à consacrer tous les rêves de la folie, et même toutes les illusions de l'erreur ».

Il ne faut donc pas être étonné si les plus célèbres disciples de Descartes, Nicole, Mallebranche et d'Aguesseau, ont avoué que la règle assignée par leur maître est insuffisante, et M. de la Mennais montre que les modifications qu'ils lui ont fait subir ne la rendent pas meilleure. A cet égard les philosophes anciens n'avoient pas été plus heureux que les modernes. Or si, depuis trois mille ans que la philosophie crense dans la raison individuelle y chercher la règle de nos jugemens, elle n'a pu trouver encore, ne seroit-il pas temps de conclure que c'est ailleurs que Dieu a placé cette règle né

cessaire?

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Mais la philosophie, qui cherche dans la raison individuelle la règle du vrai, n'est pas dangereuse seulement parce qu'elle laisse l'homme dans le scepticisme; elle l'est encore parce que, s'il en sort, elle. le jette dans toutes les erreurs. Le doute est un état contraire à la nature d'un être raisonnable; dès-lors un état pénible, et l'homme ne sauroit long-temps s'y arrêter. Le philosophe sera donc inconséquent à ses principes qui le condamnent à demeurer sceptique il croira; mais sur quel fondement? il ne connoît que sa raison individuelle. Le voilà donc qui va devenir le jouet de tous les caprices d'une raison sans règle.

Que sont toutes les erreurs à leur origine? un faux jugement d'une raison particulière. Et plus tard? Fobstination à croire sa raison de préférence à une raison plus générale. Ainsi s'établissent, ainsi se perpétuent les fausses religions, les hérésies, les sectes. Or, si vous dites à chaque homme que sa raison est la seule règle de la vérité qu'il soit obligé de reconnoître, nul espoir de raniener, ni l'hérétique, ni le déiste, ni l'athée. Tout le genre humain s'uniroit pour dire à un homme qu'il se trompe; cet homme, s'il croit avoir une perception claire et distincte, devroit répondre à tout le genre humain : C'est vousmême qui vous trompez.

Telle est l'analyse rapide, mais fidèle, à ce que nous croyons, d'une partie de la Défense. Nous nous proposons d'exposer, dans un second article, en quoi consiste cette doctrine antique du sens commun que M. de la Mennais a entrepris de substituer à toutes ces vaines théories que l'on nomme des systêmes philosophiques.

S.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Des lettres de Rome annoncent qu'il a dů se tenir, la surveille de la saint Pierre, un consistoire, où auront été probablement préconisés MM. de Villefrancon et de Montblanc, nommés par le Roi à la coadjutorerie de Besançon et à celle de Tours; ces prélats recevront un titre d'archevêché, in part. inf.

-M. le duc d'Angoulême a voulu concourir à la construction de l'église que les Trapistes de l'abbaye du Gard se proposent d'élever à la place de celle qui a été abattue pendant la révolution. S. A. R. a envoyé à M. l'abbé du Gard 500 francs pour cette bonne œuvre, pour laquelle nous avons annoncé déjà que les religieux du Gard solllicitoient le concours des ames pieuses.

-Le 2, le convoi funèbre de S. A. S. M. la duchesse douairière d'Orléans est arrivé à Dreux à huit heures un quart. M. l'abbé de Sambucy, maître des cérémonies de la chapelle du Roi, et M. de SaintFélix, aide des cérémonies, avoient été envoyés à Dreux par S. M., pour tout préparer de manière à rendre à S. A. S, les mêmes honneurs qu'aux Princesses de la famille royale. M. le préfet, accompagné de toutes les autorités civiles et militaires, est venu, ainsi que le clergé de la ville, au-devant du cortége, qui s'est rendu immédiatement à l'église, où M. le curé a reçu le corps, qui étoit accompagné de M. l'archevêque de Sens, de MM. les curés de Saint-Germainl'Auxerrois et de Saint-Thomas-d'Aquin, et de l'aumônier de la Princesse. L'église étoit décorée avec beaucoup de magnificence. Le lendemain, le service funèbre a commencé à huit heures. M. l'archevêque de Sens a officié pontificalement et fait l'absoute, puis le corps a été transféré à une chapelle située à une demi-lieue de la ville, et que M. la duchesse douai

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