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ville ait voulu pallier cette circonstance, en en rejetant la faute sur la dernière classe de ses admi

nistrés.

» Désormais, à la hauteur de Lons-le-Saulnier, la ligne de défense du maréchal est dépassée.

» Et il est trop inférieur en forces pour qu'il puisse songer à rien entreprendre.

» Eût-il assez de monde pour en concevoir le projet, il n'a point d'artillerie à opposer à celle de Grenoble et de Lyon.

» Des dépêches lui parviennent de Dijon par le lieutenant général comte Heudelet qui y commande; elles lui découvrent tout le danger qu'il court du côté des soldats qui sont autour de lui et des habitans qui le cernent; elles lui mettent sous les yeux l'exemple de ce qui vient de se passer et à Châlons et à Dijon même, c'est-à-dire, sur un point encore plus avancé.

>> Ces témoins-là sont irrécusables; c'est l'occurrence toute seule qui les a produits. Permettez, Messieurs, que je vous les fasse entendre.

>> Les deux premiers sont des copies, que le comte Heudelet envoya certifiées au maréchal, des dépêches qu'il venait de recevoir du maréchal de camp Rouelle, commandant à Châlons, datées du 12 mars.

» Voici ce que mandait le maréchal de camp :

Châlons, le 12 mars 1815.

<< Mon général, j'ai l'honneur de vous accuser >> réception de votre lettre du 14. Hier, en arri>> vant à Châlons, j'ai trouvé l'artillerie gardée >> par la garde nationale de la ville, sur la route de

Lyon; elle s'est réunie en grand nombre pour » ne pas la laisser partir; depuis ce matin une » partie des habitans de la ville a arboré la co>> carde aux trois couleurs, et le drapeau blanc » a été retiré. M. le préfet, qui est ici, a écrit » plusieurs fois aux autorités pour avoir des che»vaux, et toujours inutilement. Le 3°. bataillon » du 36. régiment, fort de 210 hommes, dont >> la moitié ne sont pas armés, vient d'arriver dans » cette ville; une population immense s'est por» tée à sa rencontre, aux cris de vive l'empe»reur! etc. Il en a été de même à Tournus; » l'esprit des habitans est monté au plus haut de» gré, et ils disent ouvertement, que par toutes >> sortes de moyens ils s'opposeront au départ de » l'artillerie.

» La gendarmerie a reçu l'ordre de son colo»> nel, qui est à Lyon, de rentrer dans ses rési>>dences, ce quelle a exécuté; le capitaine est » retourné à Mâcon,

» Je vais faire tous mes efforts pour faire partir

: :

» l'artillerie je la dirigerai sur Moulins par Au» tun, et je resterai ici avec M. le préfet, s'il ne >> me parvient pas d'ordre contraire, jusqu'à ce que >> les circonstances me forcent d'en sortir. Je >> me dirigerai alors, ainsi que le bataillon, sur

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» Le maréchal de camp, signé RoUELLE. >> Pour copie conforme,

» Le lieutenant-général,

Signé le comte HEUDELET DE BIENNE.>>

Châlons, 12 mars 1 815.

« Mon général, je reçois à l'instant votre lettre » de ce jour, et m'empresse d'y répondre. Une » lettre que je viens de vous écrire, il y a une » heure, vous instruit de la position dans laquelle je me trouve. L'esprit d'insurrection augmente; » les autorités viennent de me prévenir que les >> habitans ont absolument décidé de ne point » laisser partir l'artillerie.

>> Voici les événemens antérieurs ; les princes » ont évacué Lyon dans la matinée du 10, les » troupes ayant refusé de se battre, Bonaparte » y est entré le 11, et a ensuite envoyé des » troupes à Villefranche ; je suis parti le même » jour de Mácon, pour me rendre à Châlons.

pu me reçu

» Depuis le 7 jusqu'au 10, je n'ai eu ni
» procurer aucun renseignement, et n'ai rien
» d'officiel.

>> Je suis dans la position la plus critique que » l'on puisse imaginer, et je vous prie, mon gé» néral, de m'envoyer vos ordres le plus prompte»ment possible. D'après l'ordre général, toutes » les forces sont dirigées sur Moulins, comme » j'ai eu l'honneur de vous en instruire.

>> Un officier m'annonce à l'instant même l'ar» rivée du 15. léger; cela ajoute à mon em» barras; les habitans vont encore faire tout ce

» qu'ils pourront pour les ranger à leur manière

» de voir.

» L'artillerie m'embarrasse d'une manière cruelle: » tout est employé par le peuple pour ne point la » laisser partir, et je ne sais quel est l'esprit de la » troupe qui doit arriver:

» Je vous prie de donner vos ordres pour que » les troupes ne passent plus par Châlons; car, à » leur sortie de cette ville, on ne peut plus compter >> sur elles.

Agréez, etc.

Signé, le maréchal de

camp,

ROUELLE.

>> Pour copie conforme,

» Le lieutenant-général, comte HEUDELET DE

BIENNE. >>

« Quant à l'avertissement direct du comte Heudelet sur la positiondes choses à Dijon, voici

ses terines :

Dijon, 14 mars 1815, huit heures et demie du matin.

<< Monseigneur,

» Le général Rouelle et le préfet de Saône» et Loire ont été obligés de se sauver de Châ>> lons-sur-Saône, où une insurrection a éclaté; » le peuple a voulu les lanterner, a brisé les roues » de l'artillerie, et retenu une vingtaine de cais>> sons et six bouches à feu; et ils se sont échap>> pés dans la nuit et sont arrivés hier à midi.

>> Cet esprit a gagné, Dijon; on y a pris la co» carde tricolore, et des groupes nombreux par>> courent la ville en criant vive Bonaparte! Il n'y a pas eu d'autres excès; la gendarmerie et les » troupes refusent de les réprimer. Je ne veux pas » en être plus long-temps le témoin bénévole, et » je compte quitter Dijon très-incessamment pour » m'établir à Châtillon. S'il en est de même dans » cette ville, j'irai à Troyes, et successivement; » mais j'espère que je ne trouverai pas partout des >> têtes aussi exaltées ; des légistes de Dijon sont » allés en députation à Bonaparte.

>> On rassemble des troupes à Sens, où Mon>> sieur se rend.

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