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«En effet, toute l'économie de l'ordre judiciaire qui s'obferve dans la grande Bretagne, y réfifte v.

«L'action civile & l'action criminelle

y font perpétuellement féparées; ce font -pour l'une & pour l'autre des tribunaux divers & des pourfuites diftinctes. Quand les accufés y feroient jugés coupables par le jugement de leurs pairs, les cours de juftice ne pourroient pas juger de l'objet civil fur cette preuve: il faudroit toujours une autre inftruction & une procédure civile. Or on ne doit pas exiger de la Grande-Bretagne, qu'elle ait plus d'égard à une procédure criminelle faite en France, que fi elle étoit faite dans la GrandeBretagne même. L'inftruction civile eft donc indifpenfable, indépendamment de la procédure extraordinaire, & celle-ci conféquemment ne doit pas empêcher

l'autre >>.

L'inftruction civile n'empêchera pas que l'inftruction criminelle ne fe pourfuive à la requête de M. le procureur-général; elles fe feront féparément, & peuvent fe faire en même-temps. Mais il eft d'autant plus jufte de ne pas arrêter ni fufpendre l'inftruction civile, que c'eft la feule qui puiffe produire une preuve contradictoire en Ecoffe, l'autre ne pouvant vraisemblablement avoir pour terme qu'un fimple jugement de contumace ».

la

«Une preuve teftimoniale qui fe forme par le concours d'un grand nombre de perfonnes, eft chaque jour expofée à dépérir la juftice peut être privée par mort d'un feul témoin de ce degré de lumiere qui opere la conviction. Différer une preuve c'eft la laiffer échapper, c'eft la détruire. On ne peut donc pas furfeoir à l'inftruction civile jufqu'apres le jugement du procès criminel, qui, attendu l'abfence des accufés, entraînera de longs délais. En un mot, s'il eft jufte en foi de procéder à cette inftruction civile; fi en tout état de caufe elle eft indifpenfable, il n'eft pas moins indifpenfable d'y procéder dès-à-préfent; puifque la différer, c'eft s'expofer à perdre le feul moyen de

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faire éclater la vérité ».

«Telles font les réflexions qui naiffent de ce droit naturel, qui fe fait entendre à toutes les nations, & apud omnes peraque cufloditur ».

Le 28 octobre 1763, intervint un arrêt du confeil fur les requêtes respectives des parties, dont les difpofitions font trop importantes pour que nous ne le rapportions pas en entier.

«Le roi défirant de concilier, autant qu'il peut dépendre de lui, ce qu'il doit au bien commun de la justice d'une domination à l'autre, avec ce qu'il fe doit à luimême, à fa couronne, aux loix les plus inviolables de fon royaume & à fon intérêt légitime, fur-tout en matiere crimnelle, & pour un fait qui s'eft paffé dans fes états, a réfolu de donner aux jugemens de la cour d'Edimbourg tout l'effet qu'ils peuvent avoir dans fon royaume, fans porter préjudice au cours & au fecret d'une pourfuite criminelle qu'aucun motif ne peut faire fufpendre ni détruire >>.

A quoi voulant pourvoir, oui le rap❤ port du fieur Dupleix de Bacquencourt, après en avoir communiqué aux fieurs Dagueffeau de Frenes, Gilbert de Voifins... le Pelletier de Beaupré, & de Boynes, commiffaires à ce députés ».

« Le roi étant en fon confeil, ordonne que l'action criminelle pour raiion du fait, dont il s'agit, fera pourfuivie & continuée en la chambre de Tournelle de fa cour du parlement de Paris, en la forme portée par les loix & ordonnances, jufqu'à jugement définitif, & exécution d'icelui inclufivement, attribuant à fadite cour en tant que befoin, toute cour, jurifdiction & connoiffance qu'elle interdit à fes autres cours & juges. Et néanmoins ayant aucunement égard aux demandes defdites parties, ordonne qu'après le jugement définitif dudit procès y intervenu & exécuté, foit par contumace ou autrement, à l'égard de tous les accufés, il fera fait expédition dudit procès en entier par le greffier de ladite chambre, pour être par lui envoyé dans un fac clos & cacheté au greffe de la cour de Seffion à Edimbourg, four fervir à tel ufage qu'elle jugera à propos

pour l'inftruction civile pendante devant elle».

« Permer à Mes Duvaudier, Doutremont & Collet, avocats au parlement, Desjobert & d'Anjou, procureurs audit parlement, Couvaine & Duchatel, profeffeurs en droits en l'univerfité de Reims, d'exécuter dans toute l'étendue de fon royaume, la commiffion à eux adreffée par lefdits jugemens de la cour de Seffion, du 11 août dernier, & ce en la maniere qui y eft prefcrite, les autorisant, & donnant tout pouvoir néceffaire à cet effet feulement, & fans tirer à conféquence ». «Enjoint à tous fes juges de leur prêter toute affiftance à ce requife, & de rendre pour ce toutes ordonnances ou jugemens qu'il appartiendra; comme auffi à tous huiffiers ou fergens de faire tous exploits à ce requis, le tout comme avant les lettres de paréatis expédiées le 14 septembre dernier, qui demeureront comme

non avenues ».

« Et feront expédiées fur le préfent arrêt toutes lettres à ce néceffaires; fur le furplus des demandes des parties, les met hors de cour ».

Les lettres patentes fur cet arrêt, furent expédiées le même jour 28 octobre 1763, & enregistrées le 31 décembre fuivant.

Il y a plufieurs obfervations à faire fur

cet arrêt:

1o Il ne déroge point au fecret prefcrit par nos ordonnances, quant à l'inftruction qui devoit fe continuer à la Tournelle. La cour de Seffion d'Edimbourg avoit été trop loin en ordonnant que les parties fe pourvoiroient à la Tournelle, pour obtenir que les dépofitions des témoins entendus fuffent remifes aux commiffaires qu'elle avoit nommés, pour être biffées, ou du moins pour obtenir la communication des mêmes dépofitions, & en général un libre accès aux preuves. C'eût été violer fans néceffité le fecret de l'inftruction criminelle prefcrit par nos loix. Pour donner aux lords d'Ecoffe les moyens de pourfuivre l'inftruction du procès pendant devant eux, fans laiffer dépérir les preuves, il fuffifoit de permettre que les mémes témoins qui avoient été entendus

en la Tournelle & devant les commiffaires du parlement, fuffent entendus de nouveau, & fans délai, devant les commiffaires nommés par le roi pour faire une nouvelle inftruction fuivant les formes uf tées en Ecoffe.

2o Le roi a voulu que ce fût en vertu de pouvoirs émanés de lui, que les perfonnes par lui nommées fiffent l'inftruction ordonnée par la cour d'Ecoffe. Il eft en effet de principe, qu'il ne peut fe faire en France aucun acte de jurifdiction temporelle que par l'autorité du roi.

3° Si le roi s'eft aftreint à choisir les commiffaires parmi les perfonnes auxquelles la cour d'Ecoffe avoit adreffé fa commiffion, il s'eft écarté d'ailleurs de l'ordre que la cour d'Ecoffe avoit prefcrit. Ce tribunal avoit nommé féparément des commiffaires pour entendre les témoins qui feroient produits par le duc d'Hamilton & conforts, & d'autres commiffaires pour entendre les témoins qui feroient produits par Archibald Stewart. Les pouvoirs donnés par le roi font accordés conjointement à tous les commiffaires nommés par lui.

4° La cour d'Ecoffe a obtenu tout ce qui étoit néceffaire, pour la mettre en état de prononcer fur des preuves qu'elle pût admettre. C'étoit que l'inftruction qu'elle avoit ordonnée fe fît en France, conformément à la forme ufitée en Ecoffe.

L'impoffibilité où les parties fe trouverent d'exécuter complétement les jugemens de la cour d'Ecoffe, des 27 juillet & 11 août 1763, donnerent lieu au duc d'Hamilton & conforts de fe pourvoir devant cette cour pour y demander l'exécution pure & fimple de fes jugemens. Cette demande ne fut point accueillie. Il fut dit, au contraire, par arrêt de la cour de Seffion, du 21 décembre 1763, que l'inftruction fe feroit en France, fuivant l'atrêt du confeil du 28 octobre précédent : d'où il réfulte que les principes qui ont fervi de bâfe à cet arrêt, doivent être regardés comme reconnus par les deux na

tions.

Me Duvaudier, chef de la commiffion établie par le roi, convoqua l'affemblée chez lui, le 16 janvier 1764. Trois des

commiffaires feulement, Mes Doutremont & Collet & Me Desjobert y affifterent. Mes d'Angou, Couvaine & Duchatel ne s'y trouverent pas.

L'agent d'Archibald Stewart fit des proteftations. On n'y eut point d'égard; & les témoins furent entendus fuivant la forme ufitée en Ecoffe.

Toute cette procédure ceffa en France par la dénonciation faite au fieur Stuard, agent du duc d'Hamilton & conforts, par le fieur Konochie, agent d'Archibald Stewart, de l'appel interjeté par ce dernier à la cour des pairs de Londres, des jugemens de la cour d'Ecoffe, qui avoient autorifé les informations commencées en France.

La cour des pairs penfa que la preuve de la prétendue fuppofition de part n'étoit pas admiffible, d'après les preuves qu'Archibald Stewart rapportoit de fon état. En conféquence, Archibald Stewart fut déclaré fils légitime de Milady Jeanne Douglas, & en cette qualité héritier du feu duc de Douglas fon oncle.

§ V. Renvoi de l'étranger dans fon pays avec des gardes: affaire de Béresford. 1. L'étranger comme le citoyen eft également fous la protection des loix. La juftice ne fait acception de perfonne. Ainfi comme il n'y a que deux voies légitimes par lefquelles les tribunaux peuvent exercer une force coactive fur les citoyens: la contrainte par corps prononcée en matiere civile, où le décret de prife de corps rendu en matiere criminelle; il femble que ces deux voies font auffi les feules qui peuvent être employées légitimement, lorfqu'il s'agit de porter atteinte à la liberté d'un étranger, & que l'on ne peut en introduire une autre dans ce dernier cas, fans violer le droit des gens.

D'après cela on fuppofe qu'il n'y a pas eu de jugement emportant contrainte par corps, ni de décret de prife de corps donné contre un étranger, & l'on demande fi, par quelque raison que ce foit, il peut être permis d'ordonner que cet étranger fera conduit par des gardes jufque fur la frontiere du royaume.

Pour répondre à cette question, il faut examiner fi le pouvoir des tribunaux, dans cette matiere, s'étend auffi loin que celui du roi.

Lorfqu'un étranger qui a commis un crime atroce s'eft réfugié en France, & qu'il y eft revendiqué au nom d'une puifJance étrangere, le roi ordonne fouvent que cet étranger foit arrêté dans ses états, pour être remis entre les mains de ceux qui le revendiquent.

Pourquoi, dira-t-on, les cours fouveraines ne pourroient-elles pas ufer de la même autorité?

Nous ne croyons pas qu'elles en aient le droit.

Il y a des circonftances qui mettent le roi dans la néceffité de déroger aux regles les plus conftantes de l'ordre judiciaire.

Quant aux tribunaux qui font établis pour rendre la juftice en fon nom, la loi doit être leur feule guide; jamais ils ne doivent fe permettre de s'en écarter, furtout par rapport à un étranger.

L'exemple fuivant peut fervir à confirmer ce principe.

2. Le fieur Benjamin Béresford avoit époufé en Angleterre la demoiselle Sydney Hamilton. Celle-ci l'avoit quitté pour fe retirer d'abord chez fa mere, à Londres, d'où elle étoit partie le 8 janvier 1781, pour paffer en France. Alors une ordonnance de la cour du Banc du roi, nommée habeas corpus, & rendue fur la requête du fieur Béresford, le 24 janvier 1781, enjoint à la dame Hamilton de répréfenter à Weftminfter le corps de fa fille. Il étoit impoffible à la dame Hamilton d'obéir à cet ordre, puifque fa fille étoit paffée en France. Le 2 mai elle part elle-même de Londres pour rejoindre fa fille, prête d'accoucher. Le fieur Béresfort la fuit de près, la rencontre à Lille, & forme dans les tribunaux françois une demande en revendication de fa femme.

Après différentes procédures dont le détail nous entraîneroit trop loin, la dame Hamilton parvient à faire rendre plainte à Paris, à la requête du minifteret public, contre le fieur Béresfort, en rapt

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de féduction, & à le faire décréter de prife de corps, & conftituer prifonnier. Sur l'appel de la procédure interjeté au parlement, un arrêt rendu en la Tournelle le 25 mars 1782 fur les conclufions de M. Dagueffeau, « déclare la procédure extraordinaire nulle, incompétente, vexatoire & attentatoire au droit des gens; déclare la liberté provifoire de la partie de Target (le fieur Béres fort) définitive..., condamne Jeanne Rowau, époufe de Gawen Hamilton en 50 mille livres de dommages & intérêts, par forme de réparation civile envers le fieur Béresfort, condamne Sydney Hamilton, en 50 livres de dommages & intérêts envers ledit fieur Béresfort; lefdites deux fommes applicables, du confentement du fieur Béresfort, au profit de la fille dont Sydney Hamilton cft accouchée à Lille, le 29 août 1781; fur la demande en nullité de mariage formée par Jeanne Rowau, & par Sidney Hamilton, enfemble fur celle formée par le fieur Beresfort en revendication de Sidney Hamilton, comme fa femme légitime, renvoye les parties en Angleterre ; favoir, Angleterre; favoir, Sidney Hamilton, fous la garde de Bazin, lieutenant de robe-courte, que la cour commet à cet effet, le tout aux frais du fieur Béresfort, pour être fur lefdites demandes prononcé en Angleterre pardevant les tribunaux qui en doivent connoître ; à l'effet de quoi les parties fe retireront par devers le roi pour obtenir toutes lettres fur ce néceffaires; condamne Jeanne Rowau en tous les dépens envers le fieur Béresfort & le tuteur de l'enfant de Sidney Hamilton, ceux faits entre le fieur Béresfort & Sidney Hamilton compenfés, permet au fieur Béresfort de faire impriImer l'arrêt jufqu'à concurrence de 200 exemplaires, & d'en afficher 10, le tout aux frais de Jeanne Rowau : fur le furplus hors de cour«: Regiftres criminels, vu la minute.

L'exécution de cet arrêt a été arrêtée par ordre du roi, & le 27 avril 1782, il a été rendu du propre mouvement un arrêt, par lequel le roi caffe l'arrêt du parlement du 25 mars précédent, évoque à fon confeil tous les appels & demandes refpectives

y

des parties circonstances & dépendances, & faifant droit, déclare nulles les procédures faites, tant au châtelet de Paris qu'en tout autre des tribunaux de fon royaume, fauf aux parties à fe pourvoir, ainfi qu'elles aviferont bon être devant leurs juges naturels; ordonne que les gardes données à mademoiselle Hamilton feront inceffamment levées, enjoint à Bazin de fe retirer fans délai d'auprès du fieur Béres fort; met la demoiselle Hamilton & le fieur Béresfort fous fa fauve-garde, tant qu'ils feront dans fes états; fait défenfes au fieur Béresfort d'attenter à la sûreté & à la tranquillité de la dame & de la demoiselle Hamilton, fous les peines au cas appartenantes; décharge la dame & la demoifelle Hamilton des condamnations de dommagesintérêts & dépens, prononcées contr'elles ".

D'après les réflexions que nous avons faites au commencement de ce §, il eft facile de reconnoître pourquoi le roi s'eft décidé à caffer l'arrêt du parlement du 25 mars 1782, quant au chef qui ordonnoit que Sidney Hamilton feroit conduite en Angleterre fous la garde de Bazin.

Si la procédure faite au châtelet fur la plainte en rapt de féduction a été déclarée nulle, tant par l'arrêt du parlement que par l'arrêt du confeil, c'eft parce que les tribunaux françois font abfolument incompétens pour connoître d'un délit commis en Angleterre.

Quant à la demande provifoire formée par le fieur Béresfort en revendication de fa femme, l'habeas corpus qu'il avoit obtenu à Londres pouvoit paroître former en fa faveur un titre fuffifant pour que ce provifoire lui fût accordé; mais les circonftances qui avoient accompagné fon mariage, le rendoit fi défavorable, que l'on ne doit pas être furpris du refus qu'il a effuyé.

Me Elie de Beaumont a fait imprimer dans cette affaire un mémoire pour le fieur Béresfort, qui contient des détails intéreffans fur la légiflation angloise.

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peuple vainca en esclavage?

I. « La vie des états eft comme celle des hommes, dit l'auteur de l'Esprit des loix, liv. 10, chap. 2. Ceux-ci ont droit de tuer dans le cas de la défenfe naturelle. Ceux-là ont droit de faire la guerre pour leur propre confervation ».

"Entre les citoyens, le droit de la défenfe naturelle n'emporte point avec lui la néceffité de l'attaque. Au lieu d'attaquer ils n'ont qu'à recourir aux tribunaux. Ils ne peuvent donc exercer le droit de cette défenfe que dans les cas momentanés, où l'on feroit perdu fi l'on attendoit le fecours des loix. Mais entre les fociétés, le droit de la défense naturelle entraîne quelquefois la néceffité d'attaquer, lorfqu'un peuple voit qu'une plus longue paix en mettroit un autre en état de le détruire, & que l'attaque eft dans ce moment le feul moyen d'empêcher cette deftru&ion ».

«Le droit de la guerre, continue le même auteur, dérive donc de la néceffité & du jufte rigide. Si ceux qui dirigent la confcience ou les confeils des princes, ne se tiennent pas là, tout eft perdu; & lorfqu'on fe fondera fur des principes arbitraires de gloire, de bienféance, d'utilité des flots de fang inonderont la

terre ».

«Que l'on ne parle pas fur-tout de la gloire du prince. Sa gloire feroit fon orgueil: c'eft une paffion & non pas un droit légitime ».

«Il eft vrai que la réputation de fa puiffance pourroit augmenter les forces de fon état; mais la réputation de fa juftice les juftice les augmenteroit de même ».

Il faut ajouter à ces réflexions celles de M. Necker, fur le même objet, De l'adininiftration des finances, tom. 3, chap. 34 & 35.

2. La conféquence de ces principes eft qu'auffitôt qu'un état belligerant n'eft plus en danger, ou qu'il a recouvré ce qui lui avoit été enlevé, il doit confentir à la paix; pourvu que l'état avec lequel il étoit en guerre, l'indemnife des frais de la guerre.

3. Deux états voifins peuvent

fe trouver

dans de telles circonftances, que la sûreté de l'un exige abfolument la conquête de l'autre. Ce cas eft le feul où la con quête foit légitime. Il fuffit ordinairement à la sûreté de la nation belligérante d'avoir affez affoibli fon ennemi, pour que celuici ne puiffe pas lui être redoutable, l'égalité au moins entr'eux fe trouvant retablie. Nous reviendrons bientôt fur les effets du droit de conquête. Examinons au-, paravant ce qui réfulte de l'état de guerre entre deux peuples.

4. Lorfqu'on eft en pays ennemi, il faut diftinguer les hommes qui portent lesarmes d'avec ceux qui ne les portent point. Les premiers, comme reprefentans leur nation, font les feuls avec lefquels on foit véritablement en guerre. Ce font les feuls qu'il foit permis de tuer. La juftice & l'intérêt même de la nation qui attaque, veulent que la vie des autres foit refpeâée.

Il est évident d'abord que l'on ne fauroit être autorifé à tuer ceux qui font hors d'état de porter les armes, les vieillards, les femmes & les enfans dont on n'a jamais rien à craindre ? Quant à ceux qui peuvent porter les armes dans la faite, quand leur pays ne fera plus occupé par des troupes étrangeres, il eft vrai que l'on peut avoir quelque chofe à craindre d'eux. Mais ce n'eft là qu'une crainte trop foible, & trop incertaine pour donner l'abominable. droit de les égorger.

D'ailleurs à quoi bon ajouter une pareille horreur, à toutes celles que la guerre entraîne néceffairement? Qu'y gagneroiton? Chaque nation qui entrera dans les terres de l'autre, s'y conduifant de la même maniere, il n'en réfultera qu'une perte de plus, à-peu-près égale de part & d'autre, & une effufion de fang inutile. Ne vautil pas mieux en traitant avec douceur les peuples qui font foumis pour l'inflant à vos armes, leur faire défirer de paffer fous votre puiffance, quand la guerre fera terminée ?

5. Il y a des cas heureufement trèsrares où celui qui eft le plus fort, peut refufer d'accorder la vie à une troupe qui offre de mettre bas les armes. C'eft ce

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