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DISCOURS fur l'Economie, ou l'Eloge de la Simplicité, prononcé dans une Séance publique de l'Académie de Dijon, le 28 Novembre 1787, par M. le Comte DE LA TOURAILLES, en préfence de Son Alteffe Séréniffime Mgr. le Prince DE CONDÉ. A Dijon, chez L. N. Frantin, Imprimeur du Roi ; & fe trouve à Paris, chez les Marchands de Nouveautés.

DANS l'Encyclopédie, obferve M. le Comte de la Tourailles, il eft question de trois genres d'Economie, qui, malgré leur différence, dérivent à peu près du même principe de fagefle. La première appartient au régime des Gouvernemens : c'eft elle qui décide de leur destinée, & qui vient au fecours des maux civils, inféparables de routes les inftitutions humaines. On a écrit des volumes innombrables fur cette Economie appelée Politique depuis une vingtaine d'années; mais ce n'eft point de cellelà dont il eft ici queftion. Il ne s'agit point non plus de ce qu'on doit penfer des Livres des Economiftes, de ces Livres fi eftimés &

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méprifés, fi loués & fi décriés; fi utiles à la gloire & à la profpérité des Etats difent les uns; fi inutiles & même si pernicieux, affirment les autres, foit par en

têtement dans leurs idées, foit par cette indifférence pour le bien public, le premier obftacle à tout ce qui pourroit le favorifer. Cette matière paroît fi délicate à M. le Comte de la Tourailles, & fi fouvent couverte d'un voile infidieux, que le Philofophe, dit-il, peut en gémir en filence, fans ofer s'en plaindre en public. On peut à cet égard lui appliquer ces vers de Voltaire :

Je n'en dirai pas plus fur ces points délicats.
Le Ciel ne m'a point fait pour régir les Etats,
Pour confeiller les Rois, pour enfeigner les Sages.

La feconde, appelée Rurale, a pour objet la culture de la terre & les denrées que l'on en récolte. Mais fi d'un côté l'Agriculture ne peut que gagner aux travaux des Savans; fi, comme l'obferve M. l'Abbé de Lille dans fon excellent Difcours préliminaire fur les Géorgiques, par leur fecours, elle fortira infenfiblement des fentiers étroits que lui a tracés la routine, & des ténèbres où la retient un inftinct aveugle; de l'autre on eft prefque forcé de convenir, felon M. le Comte de la Tourailles, que le Payfan cultivateur en fait autant par la propre expérience, que tous les Académiciens agricoles par leur théorie.

La troisième enfin appartient plus particulièrement à toutes les claffes de la So

ciété. C'eft de cette Economie domestique, & de la fimplicité morale qui en eft le foutien, qu'il eft queftion dans ce Difcours. Cette matière étoit digne d'être difcutée dans un temps où le Luxe, père de tant de befoins, de tant de misères & de tant de crimes, trouve des apologistes, où le fuperflu prive tant de gens du néceffaire. On aura beau fe laiffer éblouir par l'éclat du luxe, cet éclat funefte eft femblable à celui des Comètes, qui brillent au deifus de la terre, qu'elles menacent d'une totale deftruction, ou de ces météores qui font admirés des peuples, alors même que leur influence dans l'atmofphère engendre des maladies populaires, Ecoutons l'Auteur lui-même.

Tout ce qui a rapport à la pureté des » mœurs, tout ce qui peut éclairer la "pauvre humanité fi fouvent égarée, ne » peut être étranger à cette Académie. Un petit effai de Philofophie me paroît plus digne de fon attention, que le jargon apprêté d'une éloquence mensongère “..............

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C'eft pour la gloire de cette Nation quelquefois frivole, mais toujours aimable, & chez laquelle fes rivaux même » viennent apprendre le plaifir & l'heu»reux talent de plaire, qu'il femble per» mis de louer une vertu dont elle fe » joue, mais qui devient, fans qu'elle s'en doute, la fauve-garde de fes propriétés.

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» Sans l'Economie, un père diffipateur va bientôt fuccomber fous le poids flétriffant d'une banqueroute fouvent patibulaire & fans ceffe impunie; mais s'il échappe au fupplice qu'il mérite, il ne » pourra fe dérober à l'opprobre qui l'en"vironne. Son fils, élevé dans les mêmes principes d'une turpide diffipation, n'é» prouve que le regret, & ne fent que l'impuiffance de ne pouvoir être aufli méprifable que fon père «.

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Cette réflexion terrible de M. le Comte de la Tourailles n'eft malheureufement que trop vraie. L'ame enivrée par le poifon délicieux & funefte d'un luxe, fource de honteufes déprédations, fe gangrène & meurt en quelque forte au repentir, lat dernière & la feule vertu des hommes longtemps abufés par les pallions. Ce qui fuit donne une nouvelle force à cette leçon frappante.

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Il y a des familles chez lefquelles le » vice eft héréditaire comme la goutte; » mais pour compenfer ce défordre moral, » il eft d'autres générations d'autant plus vertueufes, qu'elles font plus ignorees, » & loin des dangers de la célébrité «.

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A ces tableaux. fi humilians & trop reconnoiffables des excès de la prodigalité, l'Académicien, par un heureux contraste fait fuccéder la peinture

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d'un fimple &

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» vertueux père de famille qui ne fe per» met que des dépenfes mefurées fur fes pouvoirs, & toujours calculées fur l'inf tabilité des biens de la fortune; fa vie n'eft pas brillante, mais elle eft fans trou»ble & fans reproche: il ne craint ni l'ufurier infame, ni l'avide créancier ; & tandis que le fanfaron ruiné eft dans l'agitation de l'infomnie, le Citoyen éco» nome dort paifiblement fur l'oreiller de la prudence. Cette cfquifle tracée avec des couleurs puifées dans la Nature, ou, pour mieux dire, dans l'ame de l'Auteur, repofe l'efprit fur des idées confolantes. M. le Comte de la Tourailles n'a prétendu exprimer que ce qu'il a fenti & trouvé au fond de fon cœur : mais ceux qui ont l'avantage d'être dans fa familiarité, y trouveront, avec fa perfonne, plufieurs traits. de reffemblance plus flatteurs encore pour l'homme que pour l'Ecrivain. Il faut lire le Difcours entier, Difcours agréable & folide, où l'Auteur n'enfeigne que ce qu'il a pratiqué, & donne, fans morgue doctorale, les leçons de l'expérience.

(Cet Article eft de M. de Saint-Ange.)

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