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loi, la discussion, le vote, la sanction et la promulgation.

» Le roi propose la loi » (art. 15).

Il s'agit ici de la proposition directe; car il n'est pas douteux qu'à chaque membre de l'une des chambres appartient la proposition indirecte du projet de loi, art. 19 et suiv.

Le projet de loi est rédigé en forme de loi, signé par le roi, contre-signé par un ministre, art. 14 de la loi du 13 août 1814.

Le roi fait, à son gré, porter le projet à la chambre des pairs ou à celle des députés, excepté la loi de l'impôt, qui doit être adressée d'abord à la chambre des députés, art. 17.

» La chambre des députés reçoit toutes les propositions d'impôt ; ce n'est qu'après que ces propositions ont été admises qu'elles peuvent être portées à la chambre des pairs (art. 47).

313. On a vu que, depuis quatre ans, la loi de finance a été constamment délibérée par des lois provisoires qui ont emporté le définitif pour les six premiers mois de l'année. On ne délibère donc avec examen, à la chambre des députés, que sur le budget du trimestre passé et de l'année courante déjà fort avancée. Il s'ensuit aussi que la chambre des pairs n'a pu encore participer qu'avec urgence extrême, c'est-à-dire sans vraie liberté, à la discussion du budget. Des abus aussi graves, et qui rendent presque illusoire le droit essentiellement national de voter l'impôt, appellent une réforme

la plus prompte. Le remède est connu: c'est de fixer l'année financière au 1er juillet de chaque année, et de voter pour une fois, en une seule session un budget de dix-huit mois; et, à la fin de cette même session, en recommençant une autre session pour la forme, un budget de six mois. Comment une mesure aussi simple et aussi nécessaire a-t-elle être si long-tems ajournée, et même repoussée en 1819? Il faudra y revenir.

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314. Quant à la proposition indirecte des lois, voici les dispositions de la Charte : « Les chambres ont la faculté de supplier le roi de proposer une loi sur quelque objet que ce soit, et d'indiquer ce qu'il leur paraît convenable que la loi contienne (art. 19).

» Cette demande pourra être faite par chacuné

des deux chambres, mais après avoir été discutée en comité secret. Elle ne sera envoyée à l'autre chambre, par celle qui l'aura proposée, qu'après un délai de dix jours (art. 20).

>> Si la proposition est adoptée par l'autre chambre, elle sera mise sous les yeux du roi; si elle est rejetée, elle ne pourra être présentée dans la même session (art. 21). »

315. Il a été assez démontré, par nos meilleurs publicistes, que la proposition directe des lois devrait appartenir également à chacune des trois branches du pouvoir législatif. On sent assez combien est pernicieuse en elle-même toute discussion des lois en comité secret. Enfin, l'expérience et la

raison ne prouvent que trop combien l'initiative indirecte est décourageante et puérilement illusoire par le vice des ricochets, qu'enfin il est trop étonnant d'avoir établi qu'un membre d'une des chambres peut proposer à sa chambre de proposer à l'autre chambre de proposer au roi de proposer à l'une des chambres, pour être proposé une seconde fois à l'autre chambre un projet de loi, pour être présenté par cette chambre à la sanction du roi.

316. Voici ce qui en est arrivé pendant quatre ans (ceci fut écrit en janvier 1819).

Les ministres ne proposent rien; ou presque rien que le budget. La chambre élective propose des lois que souvent ont repoussé l'autorité de la Charte et l'opinion publique. La chambre des pairs ne propose rien, et il faut convenir que ce n'est pas à elle qu'il conviendrait d'exciter le mouvement. Ainsi la Charte, contrariée d'ailleurs, ou formellement offensée, ou suspendue, a paru se mourir d'inanition dans son berceau. Ainsi, l'on nous a donné, depuis 1814, quelques pages de lois et de contre-lois, et douze volumes d'ordonnances qui font un mélange incompatible de l'ancien et du nouveau régime, des mesures oppressives de l'empire et des institutions libérales de la Charte.

Quand la liberté est établie, quand les lois et les réglemens s'accordent avec elle, alors seulement on peut sans danger laisser dormir l'initiative

directe ou indirecte des chambres. Celle-ci même peut avoir, malgré ses fatigans ricochets, l'utilité la plus sensible, comme elle a eu les effets les plus dangereux en février, en mars 1819.

317. Les ministres, quand ils ont voulu mettre en épreuve quelque projet déplaisant pour la nation,et cependant épargner au monarque l'odieux de l'initiative directe et injuste, ont employé avec succès l'initiative indirecte et ses tristes détours, et ses formes secrètes, si favorables au despotisme, et les seules permises aux chambres par la Charte. Ce mode n'est donc pas tout-à-fait impraticable; il a servi à nous faire beaucoup de mal; on ne devrait pas renoncer à tâcher de s'en servir pour le bien. L'article 20 de la Charte ordonne, en cas d'initiative indirecte, la discussion préalable en comité secret; dans ce cas même, il ne défend pas du moins la discussion publique la plus étendue : elle est toujours permise dans la chambre élective; et, si elle paraissait trop négligée, ce serait la faute des députés.

318. Il s'était élevé dans la chambre des pairs de fréquentes disputes pour savoir si, dans les propositions indirectes que la Charte autorise, il est permis d'énoncer les détails de la loi projetée ou même tous ses principes; surtout on avait prétendu que l'initiative indirecte, exercée, rédigeant le projet en articles, était une trop grande hardiesse, une indiscrétion tout-à-fait anti-monarchique. Mais les souvenirs de l'histoire, le raison

nement, l'usage constant des chambres ont fait disparaître tous ces dangereux scrupules. La proposition vague de modifier telle loi se réduit à un non-sens; elle est donc inadmissible, alors même qu'elle n'a rien de pernicieux.

319. » Toate loi doit être discutée et votée librement par la majorité de chacune des chambres.»

Tel est le texte de la loi, défectueux par sa briéveté. Le sens manifeste et non contestable est, 1o que toute loi doit être discutée librement dans chaque chambre, et que la liberté de la discussion appartient à chacun des membres qui les composent; 2° que ces membres doivent être présens en majorité suffisante pour voter; 3° que la majorité des votans est nécessaire pour que le vote soit valable.

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320. Il n'y aurait pas de liberté dé discussion, s'il était permis d'influencer le débat par le nom du roi, et surtout si l'on déclarait, comme j'ai entendu le faire, que le roi le veut, et qu'il est le maître. Ceux qui se permettent de tels écarts méritent d'être rappelés à l'ordre. Le roi ayant sanction ne peut pas être présumé avoir une volonté définitive dans les propositions de loi faites en son nom; et la liberté de la discussion et des votes exige que ces propositions soient toujours réputées ministérielles, autrement plus ministérielles que royales. Il manque à la liberté de discussion une loi portant qu'un fonctionnaire qui aurait accepté le titre de député, ne pourra être

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