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• Bonaparte continue à répandre sur la routé le » mensonge et la corruption.... Il débite les fables » les plus absurdes, telles que le départ du Roi de » Paris, et le soulèvement de la capitale, etc. » » En même temps reportez-vous, Messieurs, à ce témoin que j'ai déjà tant de fois invoqué, quoiqu'il nous sait de tous le moins favorable; c'est M. de Bourmont; que vous atteste-t-il? Que dans la matinée du 14, le maréchal Ney, au moment où il communiqua à lui et au général Lecourbe la proclamation qu'il se proposait de lire aux troupes, en donna pour motif, que tout était fibi, que le Roi devait avoir quitté Paris. M. de Bourmont, pour l'acquit de sa conscience, sans doute, est revenu à deux reprises sur cette particularité : en un autre endroit de sa déposition écrite, îl a répété tenir du maréchal, que le Roi ne devait plus être à Paris, que le conseil lui avait été donné de quitter cette ville, etc.

» En combinant toutes ces relations, il n'y a aucun doute q que le maréchal Ney n'ait cru fermemént que sa détermination ne ferait aucun tort au Roi; que S. M., pour éviter l'effusion du sang, s'était éloignée; qu'il y avait absence réelle de tout gouvernement, et qu'au total c'était au salut de la chose publiqué qu'il fallait courir.

» Tout cet antécédent demeurant avéré, je vous

supplie présentement, Messieurs, avant d'asseoir votre jugement sur la lecture de la fatale procla mation, de saisir diverses nuances qui me semblent en atténuer excessivement le reproche.

>> D'abord c'est un point qu'on ne me contestera pas, que cette pièce n'est nullement l'ouvrage du maréchal Ney.Le style seul en décèle assez l'auteur. Elle lui a été apportée toute rédigée. En s'arrê tant à la date qu'elle la conservée, du 13 mars, il est évident qu'elle était composée d'avance, le jour de la lecture qui en a été faite se trouvant unanimement fixé au 14.

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» Ensuite son contenu n'offrait rien de neuf : à quelques tournures de phrases près, c'était en substance la répétition de tant d'autres affiches et proclamations déjà lues, déjà affichées ou distribuées, sans qu'aucun des auteurs de cette publicité ait été recherché.

>>Dans l'état d'exaspération où étaient les troupes, la leur faire connaître n'avait au fond rien de dangereux. C'était les occuper tout simplement de la lecture d'une gazette dont plusieurs soldats avaient des exemplaires dans leurs poches. Cette lecture ne pouvait pas changer les dispositions d'un seul hommé : elles étaient, chez tous, assez prononcées.

Quand le maréchal se fut décidé à satisfaire

l'impatience des soldats, par ce signe d'adhé

sion, et à les détourner du moyen séditieux dont leurs camarades à Bourg s'étaient servis, il n'arrêta pas cette décision dans l'ombre, ni de sa seule autorité, sans consulter personne.

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» Deux circonstances bien importantes seront éternellement ineffaçables dans ce procès.

» La première, que dans la matinée du 14 mars, deux heures avant d'en faire la lecture, le maréchal manda auprès de lui les deux hommes de son armée réputés les plus sages et les plus sûrs dans l'occurrence, les généraux Lecourbe et de Bourmont, du grade le plus éminent après lui, et ses conseils naturels; qu'il leur soumit la proclamation qui était sur sa table, et qu'après qu'ils l'eurent lue, chacun de leur côté, il les consulta sur la question urgente de savoir s'il devait ou s'il ne devait pas en faire la lecture aux troupes.

» Je ne m'arrête pas ici sur la vive opposition qui existe entre M. de Bourmont et M. le maréchal, au sujet de l'opinion qui fut émise en ré ponse par ce témoin. Pour tous ceux qui ont quelques notions des règles et des usages militaires, cette opinion est toute révélée par ce qui va suivre.

>>> La deuxième circonstance prononcée est que, deux heures après cette délibération, le général Lecourbe et M. de Bourmont revinrent auprès du ma

réchal; et dansquel dessein,Messieurs? pour l'accompagner sur le terrain où la troupe était rassemblée, pour l'assister, en grande connaissance de cause, dans la lecture qu'il en allait faire.

>>>Cette assistance, je le demande, n'est-elle

pas,

de la part de M. de Bourmont aussi-bien que du général Lecourbe, la plus forte approbation de la pièce? n'en certioraient-ils, n'en corroboraient-ils pas la teneur, par le seul fait de leur présence, eux, encore une fois, officiers si marquans, si influens dans l'armée ?

>>> C'est ce que le général Lecourbe a parfaitement senti, lorsque, fort heureusement interpellé quelques heures avant sa mort, il a répondu

mot pour mot :

» que

« Oui, je ne pouvais pas m'empêcher, ainsi le général Bourmont, de paraître à l'assem» blée des troupes leur esprit était monté au point qu'il y eût eu du danger, en pure perte, » à ne pas le faire; ce que le maréchal Ney nous >> fit envisager. »

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Qu'elle est à la fois ingénue et concluante, cette confession du général Lecourbe! Ne vous dit-elle pas tout, Messieurs, pour l'excuse du maréchal Ney lui-même d'avoir lu? Quoi! il y aurait eu du danger pour le général Lecourbe, pour M. de Bourmont, et un danger en pure perte,

s'ils se fussent seulement abstenus de paraître à la tête des corps, eux qui, après tout, n'étaient pourtant que des personnages secondaires qu'y auraitil donc eu pour le maréchal Ney, et quel traitement les soldats lui eussent-ils réservé, s'il se fût obstiné à garder le silence?

» Je fais trêve à ces réflexions qui me paraissent tranchantes, pour rendre un hommage public. (puisque l'occasion m'en est donnée par mon sujet même) à la loyauté invariable du général Lecourbe. La tombe nous a enlevé l'avantage, qui eût été bien précieux pour le maréchal Ney, de le faire confronter avec M. de Bourmont sur quelques articles mal éclaircis. Toutefois, le général Lecourbe, dont la déposition écrite a, dans l'espèce, toute l'autorité d'un testament de mort, a été assez véridique sur les objets capitaux, pour que nous regretions du moins ses explications ultérieures sur les accessoires.

>> Sa déposition vous attestera, Messieurs, que le général Lecourbe avait reconnu dans le plan de campagne du maréchal Ney, que cette manœuvre était militaire; dans la situation donnée de l'occupation de Lyon, qu'il n'était plus temps de rien sauver; dans les moyens d'opérer, qu'il n'y avait pas d'artillerie; daus la nuit du 13 au 14 mars, qu'elle avait été fort agitée à Lons

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