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Mais puisque nous avons déjà joint, par nos dimensions, la Garonne à la rivière de Lers, il semble très à propos de parler ici de leurs qualités. Garonne est un fleuve qui prend son origine des Pyrénées, et recevant beaucoup de rivières, grossit et descend avec une grande rapidité dans la mer Océane, il n'est navigable que depuis Muret, ville distante de trois lieues au-dessus de Toulouse (et ce, pour des barques d'un port fort médiocre), à cause de plusieurs bas-fonds qui se rencontroient dans son cours; mais encore que nous n'ayons pas ordre exprès d'en dire nos sentimens, nous ne laisserons pas d'avancer que Sa Majesté desirant que le Canal de navigation soit de profondeur capable de porter les plus grandes barques, l'on pourra par le temps rendre Garonne navigable, avec un fonds d'eau suffisant, attendu que son lit, en plusieurs endroits, est profond, le marche-pied bon; et que si en quelques endroits il échappe dans la plaine, il ne sera pas impossible de le resserrer; d'ailleurs que si l'on desiroit quitter son lit et tirer un canal depuis Oudes, où Lers s'embouche dans la Garonne jusqu'à la pointe de Moissac, cela ne seroit pas mal aisé ; mais cela cessant, il est certain que quatre ou cinq fois en l'année, par les pluies et la fonte des neiges, Garonne grossit et déborde de telle sorte, que prenant ces occasions, l'on pourra descendre et remonter les plus grandes barques.

Il y a deux rivières qui portent le même nom de

Lers, et qu'on distingue par le grand et le petit ; mais parce qu'il n'est pas question du premier, qui passe à Mirepoix, nous nous contenterons de dire que l'autre est une petite rivière qui descend du vallon de Vautreville en celui de Reneville, Villefranche, Barièges, Castanet, Montaudran, Balma, Castelgineste et jusques dedans la Garonne au-dessous d'Ondes; elle reçoit plusieurs autres petites rivières ou chutes des montagnes, de sorte que son lit étant étroit, profond de six à sept pieds seulement et fort sinueux, elle deborde à toutes les crues et demeure long-temps à s'écouler, tant à cause du peu de pente qu'elle a jusqu'à Garonne, que du grand nombre de moulins dont elle est entrecoupée ; mais elle ne conserve de l'eau que pendant quatre ou cinq mois de l'année, les meûniers et habitans des lieux nous ayant assuré que les moulins chôment faute d'eau pendant six ou sept mois, ce qui n'empêchera pas que retenant ses eaux dans les canaux d'écluse en écluse, l'on ne les conserve long-temps, pour peu qu'elles soient rafraîchies de celles dont sera parlé ci-après.

Considérant donc l'état de ladite rivière où il n'y avoit point d'eau, et les fréquentes sinuosités de son lit, nousdits experts représentâmes auxdits seigneurs commissaires qu'elle ne pouvoit servir à la navigation à cause de ses contours et de ses débordemens, et qu'il falloit de nécessité, pour conserver les eaux et éviter les ruines qu'y causent les

descendre dans Aude par des chemins commodes à la navigation, et la dernière, par cette même raison, du Sor et d'Agoust, et que du point de Greissens, le chemin jusqu'à Aude seroit plus grand et plus incommode que par le vallon de Vignonnet à 'Toulouse, où il semble que la nature se soit disposée à recevoir le Canal, tellement qu'il fut unanimeinent conclu par lesdits seigneurs commissaires qu'on s'arrêteroit à l'examen et vérification du dessin dudit sieur Riquet, autant que faire se pourra, cherchant toujours par nousdits experts les voies plus assurées et plus avantageuses pour parvenir à la perfection de ce grand ouvrage, et délibérer que le lendemain huitième dudit mois de novembre, en présence desdits seigneurs commissaires, nous procéderions à ladite reconnoissance, assistés de plusieurs géomètres, niveleurs, arpenteurs, maçons, charpentiers, pionniers, et autres personnes nécessaires à cette vérifi

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Avenu ledit jour samedi huitième dudit mois, Tesdits seigneurs commissaires s'étant transportés hors la porte du Basacle de ladite ville de Toulouse et au-dessous du bastion qui couvre les moulins (où nousdits experts, assistés comme dessus', 'les attendions pour jeter le premier coup de niveau), ledit sieur Riquet auroit dit que son dessein étoit de faire aboutir le Canal de navigation dans le bras de Garonne qui est le plus près dudit bastion, et qui sert de décharge auxdits moulins, dans la croyance qu'il

avoit qu'il seroit bien; sur quoi nous aurions représenté auxdits seigneurs commissaires, que l'embouchure dudit Canal dans la Garonne seroit mal posé sur la décharge du moulin, pour plusieurs raisons: la première, que ledit Canal de décharge n'étoit ni assez profond, ni assez large pour recevoir et tourner de grandes barques; la seconde, que l'on dépendroit de la discrétion du meûnier qui abaissant ses empèlemens, mettroit à sec ladite décharge quand il lui plairoit; et la troisième, que si la peissière qui soutient l'eau de Garonne et la porte auxdits moulins venoit à rompre (comme il arrive assez souvent), il n'y auroit pas une goutte d'eau dans ledit canal de décharge; mais que pour s'assurer contre tous ces inconvéniens, il étoit à propos (sauf meilleur avis) de faire aboutir ledit Canal de navigation dans la Garonne, environ cent toises plus bas que la pointe de l'île desdits moulins ; quoi faisant, l'embouchure seroit dans le grand lit de la rivière, et non sujette aux incommodités susdites; ce que lesdits seigneurs commissaires ayant juge raisonnable, les nivelleurs auroient posé et dressé leur niveau sur le bord de ladite rivière de Garonne, quatrevingt-trois toises plus bas que la pointe de ladite île lieu dit Prat de Sept-Deniers, droit entre l'église des pères Minimes et la Maladrerie du faubourg d'Arnaud-Bernard, où fut la première station; disant ledit sieur Riquet, qu'il n'avoit point trouvé de chemin plus court el plus commode pour faire passer

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ledit Canal de communication jusqu'à la rivière de Lers qui y doit servir; sur quoi furent rapportés par lesdits seigneurs commissaires plusieurs et divers sentimens de ceux qui auroient autrefois eu la pensée de travailler à ce Canal; les uns dirent qu'au lieu de mettre l'embouchure du Canal de navigation au-dessous du basacle, éloigné de la ville et du commerce, l'on auroit cru alors qu'il falloit le conduire depuis Castanet, village situé à une lieue au-dessus de ladite ville, par un ruisseau appelé du Saurat, derrière le faubourg Saint-Michel, jusques dans le fossé au-dessous de la porte da château, et ainsi continuer le long dudit fossé, et à l'entour de ladite ville jusqu'au basacle; quoi faisant, les habitans en seroient plus soulagés : les autres répliquèrent que si l'on mettoit l'eau dans le fossé, les caves, de ce côté-là, seroient toujours submergées, ainsi qu'on l'a vu lors des grandes inondations; mais que pour s'en assurer, il seroit plus à propos de tirer ledit Canal par les faubourgs de Montaudran droit à la chapelle Saint-Salvy, et de là au basacle, d'autant que par ce moyen il ne seroit ni trop près, ni trop éloigné de la ville, dont lesdits seigneurs commissaires nous demandèrent notre avis, qui fut que, par la connoissance que nous avions du pays, l'un et l'autre étoit faisable; que Sa Majesté en ordonneroit à sa volonté, et que ladite rivière de Lers n'étant guère plus éloignée de nous par le chemin que ledit sieur Riquet indiquoit, il nous sembloit plus à propos de conti

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