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1re Livraison. 1896. Janvier.

JOURNAL

DU

MINISTÈRE PUBLIC

ET DU

DROIT CRIMINEL

RECUEIL MENSUEL ET RAISONNÉ

DE JURISPRUDENCE, DE DOCTRINE ET DE LÉGISLATION

CONCERNANT LES ATTRIBUTIONS TANT ADMINISTRATIVES QUE JUDICIAIRES

DU

MINISTÈRE

PUBLIC

ET CELLES DU, JU D'INSTRUCTION

REDIGE PAR

Gustave DUTRU

Avocat à la Cour d'Appel de Paris, Ancien uge d'Instruction,

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Recueil accompagné d'un Résumé chronologique des circulaires,
instructions et décisions du Ministère de la justice.

TOME TRENTE-HUITIÈME

(67e Année du Journal de Droit criminel)
PRIX DE L'ABONNEMENT: 10 FRANCS

PARIS

RÉDACTION ET ADMINISTRATION

Rue de Montenotte, 21

JUN 3 1909

ART. 3789.

VAGABONDAGE: 1o ÉTRANGER, PRÉSENCE SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS, PREUVE; 2o ÉLÉMENTS DU DÉLIT, PREUVE, MINISTÈRE PUBLIC, PRÉVENU.

1o La présence de l'étranger, prévenu de vagabondage, depuis un temps plus ou moins long sur le territoire français avant son arrestation, est indifférente relativement à l'existence du délit, qui se trouve suffisamment justifié et doit être réputé commis en France, lorsque celui qui 'en est inculpé y a été rencontré sans domicile certain, sans moyens d'existence et n'exerçant habituellement ni métier, ni profession (Cod. pén., 270).

2o Le vagabondage échappant par sa nature aux règles ordinaires de la preuve en matière criminelle, comme basé sur trois faits négatifs, le ministère public n'a à établir que l'apparence de ce délit; c'est au prévenu à fournir sur sa manière de vivre, ses habitudes, son domicile et ses ressources, les renseignements dont la vérification pourra permettre d'apprécier s'il tombe, oui ou non, sous l'application des dispositions de la loi (Id.).

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LA COUR; Attendu que Cavalla (Frontignano), trouvé à Nice sans asile, sans ressources, sans papiers d'identité, et ayant reconnu dans son interrogatoire n'avoir pas travaillé depuis un mois, a été relaxé par le tribunal correctionnel de Nice, sur le motif qu'il avait été arrêté le jour même de son arrivée en France et qu'il n'avait pas eu le temps. matériel pour se procurer de l'ouvrage ;

Attendu que la présence du prévenu depuis un temps plus ou moins long sur le territoire français, avant son arrestation, est absolument indifférente à l'existence du délit, qui se trouve suffisamment justifié et doit être réputé commis en France, lorsque celui qui a à en répondre a été rencontré sur son territoire, sans domicile certain, sans moyens d'existence, et n'exerçant habituellement ni métier ni profession; Attendu que le vagabondage reposant sur trois faits négatifs et échappant par sa nature aux règles ordinaires de la preuve en matière criminelle, le ministère public ne peut établir que l'apparence du délit ; c'est au prévenu qu'il appartient de fournir sur sa manière de vivre, ses habitudes, son domicile et ses ressources, les renseignements dont la vérification pourra permettre d'apprécier s'il tombe, oui ou non, sous le coup des dispositions de la loi ;

Que, dans l'espèce, Cavalla sujet italien, justement arrêté dans les conditions ci-dessus indiquées, a implicitement reconnu être en état de délit et, en tous cas, par le défaut de précision en ses explications, a mis le ministère public hors d'état d'en constater la sincérité;

Que c'est donc à tort que les premiers juges ont prononcé son acquittement;

Par ces motifs, etc.

DU 20 DÉCEMBRE 1895. C. d'Aix. - Ch. corr. M. Mallet, pr.

OBSERVATIONS. La théorie consacrée par cet arrêt, relativement à la preuve des éléments constitutifs du délit de vagabondage, me paraît manquer d'exactitude. Rien n'indique que la loi ait considéré le vagabondage comme échappant aux règles ordinaires de la preuve en matière criminelle, et n'ait imposé au ministère public que l'obligation d'établir l'apparence du délit, en rejetant sur le prévenu celle de prouver la non-existence des circonstances qui la caractérisent, par le motif qu'il s'agit là de faits négatifs.

S'il a été longtemps admis que la preuve des faits négatifs était inadmissible, la doctrine contraire a fini par prévaloir. « Toute » négative, observe Dalloz, Répert., v° Preuve, n. 47, contient une >> affirmative qui peut être établie. »>-V. aussi Larombière, Obligat., sur l'art. 1315, Cod. civ., n. 16. En effet, pour appliquer cette proposition à l'espèce actuelle, on établit le défaut de domicile certain, qui est un des éléments du délit de vagabondage, en faisant la preuve de l'existence nomade du prévenu, c'est-à-dire de son changement incessant de résidence ou d'habitation. On établit son manque de moyens de subsistance, second élément de délit, en prouvant son état d'indigence. Enfin, on établit son défaut d'exercice habituel de métier ou de profession, troisième élément, en prouvant son oisiveté. Les faits négatifs à démontrer se convertissant ainsi en faits positifs, on ne voit pas pourquoi le ministère public n'aurait qu'à les alléguer pour que le prévenu doive être condamné comme vagabond, s'il ne prouve pas lui-même, par les renseignements qu'il fournit sur sa manière de vivre, ses habitudes, son domicile et ses ressources, qu'il ne tombe pas sous le coup des dispositions de la loi.

Il n'y a, en cette matière, que deux cas où la preuve est à la charge du prévenu celui où le voyageur trouvé hors de son canton sans passeport et arrêté pour ce motif, doit, pour n'être pas réputé vagabond, justifier, dans les vingt jours de son arrestation, qu'il est inscrit sur le tableau d'une commune (L. 10 vendém. an IV); et celui où le vagabond, trouvé porteur d'effets d'une valeur supérieure à 100 francs, est tenu, pour échapper à l'application de

l'art. 276, Cod. pén., de justifier d'où ces effets lui proviennent (Même Cod., 278).

A annoter au Mémorial du Ministère public, vo Vagabondage, n. 5.

ART. 3790.

1° OUTRAGE, MAGISTRAT, AUDIENCE, PARTIES PLAIDANTES, AVOCAT, DÉFENSE (IMMUNITÉS DE LA), DROIT COMMUN.

2o DÉLIT D'AUDIENCE, OUTRAGE, MAGISTRAT, RÉPRESSION INSTANTANÉE, JUSTICE

DE PAIX.

1o Les outrages commis à l'audience par les parties plaidantes (ou leurs défenseurs) envers les magistrats qui tiennent l'audience, ne bénéficient pas des immunités de la défense et restent soumis, quant aux poursuites, aux règles du droit commun. 1re espèce.

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2o Ces outrages constituant le délit prévu par l'art. 222, Cod. pén., peuvent être réprimés séance tenante, en vertu des art. 504 et 505, Cod. instr. crim., qui sont applicables aux parties intéressées dans la cause pendante comme aux autres assistants. 2o espèce.

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3o Les art. 504 et 505 précités s'appliquent à tous les degrés de juridictions et par conséquent à la justice de paix, encore bien qu'elle ne comporte pas de ministère public.

Id.

1re espèce (MIN. PUBL. C. Me X.....). JUGEMENT.

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LE TRIBUNAL ; Attendu qu'à l'audience du 19 septembre 1894, pendant le réquisitoire de M. le procureur de la République contre les nommés Audin Viney et autres, prévenus d'avoir commis le délit d'atteinte à la liberté du travail, le défenseur des prévenus, Me X......., irrité de ce que le ministère public lui imputait certains agissements concomitants avec les faits délictueux, s'est écrié : « Monsieur le procureur de la République, c'est une affaire entre vous et moi » ;

Attendu que ces paroles constituent un outrage par menaces;

Attendu que si, dans le réquisitoire, l'attitude de Me X..., pendant la grève des verriers à Rive-de-Gier, a été sévèrement appréciée, le ministère public n'a pas excédé les limites de son mandat en n'usant d'aucun ménagement pour manifester ce qu'il considérait comme étant la vérité ;

Attendu que les outrages commis à l'audience par les parties plaidantes envers les magistrats qui tiennent l'audience ne bénéficient pas des immunités de la défense et restent soumis, quant aux poursuites, aux règles du droit commun;

Attendu que les excuses complètes et sans réserve, publiquement

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