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térieurs.

fraternité. Ce langage aurait pu être vrai lorsque les ouvriers, recrutés

sième chose est nécessaire : c'est lexécution; c'est le concours de l'ouwier, concours intelligent; car l'in-parmi les esclaves ou les vaincus, telligence est inséparable de tout étaient en dehors de la loi commune, travail, qu'il s'agisse du travail in- lorsqu'ils étaient la chose, la protérieur de la pensée ou du travail priété absolue du maître dont la vodes mains, à l'égard des objets ex-louté me rencontrait jamais qu'yne obéissance passive; ce langage aurait pu être vrai encore lorsque, dans des temps plus rapprochés, sous le régime féodal, l'ouvrier n'était plus qu'un serf, un vilain, un manant. Mais, sous l'empire de la Charte, qui consacre le principe de l'égalité entre tous les citoyens, quand le salaire est librement débattu entre le travailleur et le fabribricant, la classe ouvrière ne peut être exploitée. A défaut de la loi qui protégerait l'ouvrier contre l'iniquité d'une semblable_exploitation, le propre sentiment de sa dignité suffirait à l'en affranchir.

L'inventeur, le capitaliste, l'ouvrier forment donc les anneaux d'une même chaîne qui n'existe plus si l'un d'eux vient à manquer. Tous trois concourent au même résultat utile, et la part que l'ouvrier prend dans l'accomplissement de cette cre commune n'est souvent ni la moins grande, ni la moins décisive. Lorsque la classe ouvrière est ainsi intimement liée par le travail à la constitution actuelle de l'indue trie, comment ose-t-on prétendre que les ouvriers sont parqués comme les esclaves dans la société et qu'ils ont à lutter contre l'incessante tyrannie des maîtres, représentés | comme des oppresseurs! A entendre les lamentations hy-hieu de mettre sans cesse en prépocrites de certains hommes, dont sence, comme s'ils devaient compter les mauvaises pensées se cachent leurs forces et se préparer à la lutte, sous un faux semblant de philan- les riches et les pauvres, les ouvriers thropie, le travail tel qu'il est orga- et les mattres, les prolétaires et ceux nisé aujourd'hui ne serait que l'ex- qui possèdent, il faut leur rappeler ploitation de l'homme par l'homme. que, vivant tous sur un même sol, Un semblable langage aurait pu que, tous enfants de la France, leur être vrai dans les siècles passés, mère commune, ils doivent s'aimer, avant que la religion chrétienne eût se soutenir, s'entr'aider et chercher émancipé les travailleurs en leur à contribuer, par leurs efforts, à la révélant leurs droits et eût créé en-grandeur morale et à la prospérité tre tous les hommes des liens de de la patrie.

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Quand donc cessera-t-on d'opposer ainsi les unes aux autres les différentes classes de la société? Au

de l'agriculteur qui la nourrit, du soldat qui la défend. Que l'ouvrier, de son côté, aime son étal; qu'il accomplisse sa tàche avec conscienee; qu'il remplisse ses devoirs comme citoyen, comme fils, comme mari, comme père, il jouira de l'estime de tous; il honorera la place que son travail lui assigne et la profession qu'il exerce, si humble qu'elle puisse être.

An lieu de peindre avec les plus sombres couleurs la condition des ouvriers, il faudrait dire, et l'on serait en cela d'accord avec la vérité, que leur sort est devenu meilleur et qu'ils n'ont pas à regretter le passé. Depuis longtemps toutes les améfiorations sociales ont eu pour but le mieux-être de la classe la plus nombreuse, de celle précisément dont les ouvriers font partie. Ces améliorations ont profité moins aux L'ouvrier, d'ailleurs, n'est pas riches qu'aux pauvres, moins aux condamné à rester toujours au même hommes oisifs qu'aux travailleurs. rang. Une noble ambition ne lui est Ainsi, pour ne citer qu'un fait, tan- pas interdite. Sans jeter au-dessus dis que la durée moyenne de la vie de lui des regards envieux ou jatend à s'accroître dans les rangs in-loux, sans rêver un sort auquel il férieurs de la société, tandis que la ne puisse atteindre, il doit chercher mortalité est moins grande qu'autre- | à améliorer sa condition, à mériter fois dans ces mêmes rangs, la mor- un salaire plus élevé par une plus talité dans les classes aisées n'a pas | grande habileté dans son art, à s'élever, en un mot, dans sa sphère, dont il pourra peut-être sortir un jour.

subi la même décroissance.

Nous sommes loin de croire, cependant, que la condition des ou vriers n'appelle pas d'utiles réformes. Ces réformes, nous les souhaitons de tout notre cœur, pourvu qu'elles ne reposent pas uniquement sur des théories incertaines ou dangereuses, mais qu'elles s'appuient sur des faits pratiques, sur l'expé- | rince. Pour être durables, les progrès et les réformes veulent être tentés avec prudence.

Puisque le travail est l'âme de toute société, puisque l'ouvrier est Je représentant direct du travail, la société doit l'estimer à l'égal de tous ceux qui la servent, à l'égal

Mais ce désir, cet espoir ne doivent pas être exagérés; ils doivent se renfermer dans les limites de ce qui est possible, et surtout de ce qui est juste; ils ne doivent pas dégénérer en une vague et ardente inquiétude cherchant à se satisfaire par des voies irrégulières qui porteraient le trouble dans les àmes, le désordre dans les idées.... Savoir se contenter de la situation qui lui est échue est, pour la créature humaine, non-seulement une source de bonheur, mais un devoir. Ce contentement procure l'exercice de

plusieurs vertus, garantit de pluseurs dangers, conserve à la raison sa sérénité, à l'àme le calme dont ele a besoin on peut aspirer à être mieux sans s'irriter de l'état présent; c'est même une condition pour atteindre le but que de ne pas se hater bors de mesure et que de suivre avant tout les conseils de la sagesse (1).»

Disons-le, au surplus, à l'honneur

de la constitution de notre société et de nos institutions libérales, les ouvriers pourront donner une satisfaction d'autant plus facile à leur légitime désir d'avancement qu'ils ne rencontrent plus devant eux, comme autrefois, d'infranchissabtes barrières.

C'est ce que nous allons démontrer.

CHAPITRE II.

CE QUE L'OUVRIER PEUT DEVENIR.

Avant l'époque qui vit disparaitre en France les maîtrises, les jurandes, les corporations de métiers (2), l'avenir des ouvriers était circonscrit dans les plus étroites limites. Un petit nombre de maîtres, en possession des diverses branches de l'industrie, cherchaient à se cantonner dans leur position à l'exclusion de nouveaux maîtres. Jaloux du monopole dont ils étaient investis, ils en craignaient le par

(1) Le baron DE GÉRANDO : De la bienfaisance publique.

tage. Aussi la voie qui conduisait l'ouvrier à la maîtrise était-elle pleine de difficultés. L'ouvrier devait faire un noviciat de dix années: cinq ans comme apprenti, cinq ans comme compagnon. Les frais et les dépenses qu'il avait à supporter pour s'élever au rang de maître absorbaient le plus souvent les ressources qui devaient servir à son établissement; quant aux ouvriers pauvres, ils se voyaient réduits pour toujours à la condition d'ouvriers.

L'affranchissement des professions industrielles a créé un tout autre

(2) La suppression des maîtrises et des jurandes a été prononcée par un décret ordre de choses, et depuis long

du 2-17 mars 1791.

temps déjà l'avenir des ouvriers

CHARRIÈRE, qui a créé parmi nous la plus grande, la plus importante fabrique d'instruments de chirurgie et qui, à chaque Exposition des produits de l'industrie nationale, a reçu du jury une récompense nouvelle, n'est-il pas sorti des rangs de la classe ouvrière ?

ne dépend, en général, que d'eux-] par travailler en journée comme mêmes. ouvrier tourneur en cuivre. —A la Par son travail, à l'aide de l'éco-même époque LEREBOURS ne vivaitnomie qui amasse et de l'ordre qui il pas de privations pour s'acheter conserve, l'ouvrier peut devenir des outils; ne fût-il pas le premier chef d'atelier, contre-maître, asso- opticien de son temps? cié de son patron; puis, à son tour, chef de maison. Combien de grands manufacturiers, combien d'industriels parvenus au premier rang ont successivement franchi tous ces degrés et dont les jeunes années se sont écoulées au milieu des pénibles travaux de l'atelier! Combien d'entre eux, au début de leur carrière, n'avaient pour capital que leur intelligence, pour appui que leur énergique volonté et qui se sont fait cependant un nom célèbre dans les sciences, les arts et l'industrie!

Ici, c'est SÉBASTIEN ERARD, le fondateur de cette maison Erard, qui devait pousser si loin la fabrication des instruments de musique, que nous trouvons ouvrier, à l'àge de seize ans, chez un facteur de clave

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CAVÉ, l'un de nos premiers mécaniciens-constructeurs, ne fut-il pas d'abord ouvrier, puis soldat, puis modeliste chez un fabricant de machines? N'est-il pas devenu, à force d'économie, d'ordre, d'intelligence, chef d'un établissement qu'il a constamment agrandi pour y fabriquer, par degrés, tous les genres de machines?

Énumérer les découvertes dans les arts, les perfectionnements industriels dus à de simples ouvriers, ce serait écrire en quelque sorte l'histoire de l'industrie. Bornonsnous donc à citer quelques noms et quelques exemples.

Un ouvrier teinturier, JEAN GoBELIN, découvre les procédés nécessaires pour donner aux étoffes une teinture souple et brillante. La plus célèbre de nos manufactures de tapis porte encore aujourd'hui le nom de cet enfant du peuple.

ANDRÉ GRAINDORGE, tisserand à

Caen, trouve le moyen ingénieux de faire des figures sur les toiles ouvrées.

OCTAVE MEG, d'abord simple canu, plus tard contre-maître et fabri- | cant, invente le procédé qui sert à lustrer la soie.

Les grandes glaces ou glaces coulées sont dues à THÉVART, OUvrier devenu maître fabricant.

Un charpentier liégeois, RENEQUIN SUALEM, conçoit le mécanisme de la machine de Marly, destinée à conduire à Versailles les eaux de la Seine.

Le menuisier ROUBO, fils d'un compagnon menuisier, construit la coupole de la halle aux farines à Paris.

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JACQUARD, homme du peuple, artisan ignoré, invente le métier qui porte son nom, et le seul dont les ouvriers lyonnais fassent usage.

GRANGE, un obscur manœuvre, fait une révolution dans l'agriculture à l'aide d'une charrue nouvelle, et reçoit la croix d'honneur en récompense de sa découverte.

Nous disions que les ouvriers ne voient plus aujourd'hui leur avenir fatalement circonscrit dans un cercle étroit; rien n'est plus vrai. Le travail, la persévérance, la bonne conduite peuvent les mener à tout; aucune voix ne crie au travailleur: « Tu n'avanceras pas dans ta carrière; tu n'iras pas plus loin. »

Toutefois, quoique des hommes avant appartenu à la classe ouvrière

se soient élevés aux distinctions, à la fortune; quoique plusieurs d'entre eux aient eu l'honneur de représenter leur pays dans nos assemblées politiques et de siéger dans les conseils du Roi, nous n'hésitons. pas à dire que ce sont là de rares exceptions que les ouvriers ne sauraient prendre exclusivement pour but sans s'exposer à d'amères déceptions. Non, tous ne sont pas indistinctement appelés à ces hautes destinées qui n'ont été et ne seront jamais que le partage d'un petit nombre. Mais de ce que tous les ouvriers ne peuvent atteindre ces hauts rangs, il faut convenir au moins que rien ne leur en interdit l'accès. Voilà ce que nous voulions prouver.

Le roi Louis XVIII disait que tous les soldats avaient dans leur giberne le bâton de maréchal de France. Quelques-uns d'entre eux seulement s'élèvent, à de longs intervalles, à cette première position de l'armée: suit-il de là que les autres restent simples soldats et qu'ils ne puissent prendre place, quoiqu'à des rangs divers, dans la hiérarchie militaire ?

Certes, un grand nombre d'hommes, sous les drapeaux, portent longtemps l'épaulette de laine que souvent ils ne parviennent pas à échanger contre l'épaulette de sousofficier; mais à côté de ces soldats moins capables, moins heureux, combien de soldats aussi arrivent

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