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>> anglaises, et sera rendue à l'ordre de Saint-Jean de Jéru>> salem. Pour assurer l'indépendance absolue de cette île de >> l'une ou de l'autre des deux parties contractantes, elle sera

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mise sous la garantie et la protection d'une puissance tierce » qui sera désignée par le traité définitif. »

>> L'époque de l'évacuation n'était point stipulée dans cet article; mais, dans une note remise par le gouvernement anglais huit jours auparavant (le 22 septembre), il était dit : « Sa >> majesté ne persistera point à vouloir entretenir garnison >> anglaise dans cette île jusqu'à l'établissement du gouverne>> ment de l'ordre de Saint-Jean; elle sera prête au contraire » à l'évacuer dans le délai qui sera fixé pour les mesures de ce genre en Europe; pourvu que l'empereur de Russie, comme protecteur de l'ordre, ou toute autre puissance reconnue par >> les parties contractantes, se charge efficacement de la défense >> et de la sûreté de Malte. >>>

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>> Enfin les articles préliminaires furent convertis en traité définitif après de longues discussions, dont l'île de Malte fut en grande partie le sujet. Il est très important, disait le

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ministre anglais (1), pour les deux nations et même pour >> l'Europe entière, de fixer un plan d'arrangement pour cette >> île qui puisse ne rien laisser d'incertain sur son état futur. >> C'est d'après ce principe que le gouvernement britannique » agit, principe qui ne peut naître que de son désir d'éloigner >> toute cause de mésintelligence future entre lui et le gouver>> nement français. »

>> C'était pour atteindre le même but que le plénipotentiaire français proposait de remettre sur le champ cette île à l'ordre à qui elle devait être restituée. Le ministre anglais parut craindre que l'ordre ne fût pas dans ce moment assez fort pour la conserver. On lui représenta que la garantie de six grandes puissances devait suffire pour préserver cette île de toute agression. Il ajouta que les habitans avaient eu besoin d'être contenus, et proposa de remettre la garde de l'île à une autre puissance jusqu'à la formation des troupes de l'ordre il écarta la proposition de la confier à des troupes russes, attendu le trop grand éloignement de la Russie, et proposa que cette garde fût confiée aux troupes napolitaines.

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Les objections du plénipotentiaire français furent qu'il - n'était pas naturel de remettre cette ile au seul prince qui, en sa qualité de suzerain, pût élever quelques prétentions sur elle. Il fut proposé de lever à frais communs un corps de mille

(1) « Protocole du 15 ventose an 10. »

Suisses pour cet objet, ou d'y envoyer deux cents hommes des troupes de chacune des puissances contractantes et garantes. Ces deux propositions furent écartées, et on revint au projet de confier l'île aux troupes du roi de Naples.

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On discuta ensuite la force de cette garnison, la durée de son séjour, et le traité d'Amiens régla définitivement que les troupes anglaises évacueraient l'île trois mois après l'échange des ratifications, ou plus tôt s'il était possible; qu'à cette époque elle serait remise au grand-maître ou à ses commissaires, et que S. M. sicilienne y enverrait deux mille hommes pour y tenir garnison pendant un an.

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Par les autres articles du traité d'Amiens la république Batave céda à l'Angleterre ses possessions à Ceylan, et le roi d'Espagne l'île de la Trinité. Toutes les autres conquêtes de l'Angleterre furent restituées ; la république des Sept-Iles fut

reconnue.

>> Je ne suis point entré dans le détail des négociations rela tives à ces divers objets, ni dans l'analise de quelques autres articles moins importans, parce qu'ils sont étrangers à l'objet qui nous occupe.

» Ainsi se terminèrent ces longues négociations qui honorent également et la prudence de celui qui les a dirigées, et l'esprit conciliateur de celui qui a su écarter tant d'obstacles et amener de si heureux résultats.

» La paix fut reçue en France avec transport, avec cette joie franche d'un peuple qui ne craint pas qu'on le soupçonne de redouter la guerre. Chez le peuple anglais elle excita aussi beaucoup d'enthousiasme; mais il s'éleva dans le même temps un parti qui en blåmait les dispositions : il était difficile de distinguer si ce parti haïssait la paix ou les ministres qui l'avaient signée.

>> Bientôt il fut douteux si les ministres eux-mêmes voulaient la maintenir : ils laissèrent insulter la France et ses magistrats par de misérables écrivains; ils continuèrent de soudoyer dans les îles voisines de notre territoire des hommes qui y préparaient des assassinats. (1)

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On tolérait les rassemblemens de ces Français égarés qui se flattent encore de voir rétablir dans leur ancienne patrie des priviléges abolis, et, en leur permettant de porter les marques fastueuses de distinctions qui ne sont plus, on semblait autoriser leurs folles espérances; on jetait sur nos côtes des écrits incendiaires et des mandemens perfides, tracés par

(1) « Page 193 des pièces officielles. »

ces mains qui avaient été consacrées pour s'élever vers un Dieu de paix. Ces anciens ministres de l'Eglise tentaient d'empêcher le retour de la tranquillité dans les consciences; après s'êtrè appuyés de l'autorité de leur chef dans leur révolte, ils la méconnaissaient lorsqu'elle leur commandait la soumission.

Et lorsque le ministre de la République désigna au gouvernement anglais les auteurs de toutes ces indignes manœuvres (1), qui peuvent bien nuire à la France, mais non pas l'ébranler, le cabinet britannique éluda un acte de justice que son propre honneur et peut-être sa propre sûreté lui conseillaient.

>> Le gouvernement français cessa de s'en occuper; mais il ne pouvait pas rester aussi indifférent sur le retard que les Anglais apportaient à l'évacuation de l'Egypte et de Malte. Quelques prétextes prolongeaient encore ces délais, lorsque tout à coup, sans provocation, sans motif apparent, sans prétexte plausible, le roi d'Angleterre appela sa nation aux armes par son message du 17 ventose dernier.

» Il annonçait au parlement que des préparatifs militaires considérables se faisaient dans les ports de France et de Hollande, et qu'il existait entre les deux gouvernemens des discussions de grande importance, dont le résultat demeurait incertain.

Le premier fait était d'une fausseté évidente. Le gouvernement anglais savait trop bien qu'on ne faisait dans nos ports que les préparatifs de quelques expéditions coloniales; et s'il pouvait avoir été induit en erreur sur ce point, il n'était pas possible qu'il le fût sur l'incertitude de négociations qui n'existaient pas.

» Aussi le ministère anglais et son ambassadeur à Paris, interpellés pour expliquer de si étranges imputations, ne parlaient-ils dans leur réponse ni des armemens de la France, ni des difficultés survenues entre les deux cabinets. Le ministère anglais déclara qu'on avait dû considérer le traité d'Amiens comme conclu eu égard à l'état de possession des puissances contractantes à l'époque de sa signature; que, la France ayant depuis cette époque accru son influence sur la Suisse et sur la Hollande, et son territoire en Italie, le roi d'Angleterre était fondé à réclamer des équivalens qui pussent servir de contre-poids à l'augmentation de la puissance française; et qu'avant d'entrer dans une discussion ultérieure relativement à l'île de Malte on attendrait qu'il fût donné des explications sur cet objet.

(1) « Note du citoyen Otto du 28 thermidor an 10. »

>> Jusque là le ministère britannique se fondait sur l'accroissement de la puissance de la France pour refuser l'évacuation de Malte; mais dans les paragraphes suivans il entreprenait de justifier le retard de cette évacuation par les dispositions mêmes du traité d'Amiens. « L'île de Malte, disait-il, doit être rendue >> sous certaines conditions; l'évacuation de l'île à une époque >> précise est une de ces conditions, et si l'exécution graduelle >> des autres conditions avait été effectuée, sa majesté aurait été >> obligée, aux termes du traité, d'ordonner à ses troupes d'évacuer l'île.

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Cet aveu est précieux sans doute, et il ne reste plus qu'à examiner quelles étaient les conditions dont l'inexécution autorisait les délais du ministère britannique; les voici :

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Le refus de la Russie d'accéder à l'arrangement pris, à moins que la langue maltaise ne fût abolie; le silence de la cour de Berlin; l'abolition des prieurés espagnols; enfin la déclaration du gouvernement portugais, manifestant son intention de séquestrer les biens du prieuré portugais, comme faisant partie de la langue d'Espagne, à moins que les prieurés espagnols ne fussent rendus. (1)

>> On verra que ces difficultés ont été levées, et que, quand elles seraient de nature à empêcher l'exécution du traité, cette exécution n'en serait pas moins une obligation du ministère britannique.

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D'abord le refus de deux puissances appelées à garantir un traité ne dispense pas les nations qui l'ont signé de s'y soumettre; seulement elles n'ont plus ce garant de leurs conventions. En second lieu l'abolition d'un prieuré de l'ordre de Malte, ne changeant en aucune manière sa constitution politique, n'a pas été prévue dans ce traité, et n'intéresse nullement les puissances contractantes.

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Le premier consul fit répondre à cette déclaration que l'accroissement de la puissance de la République française depuis le traité d'Amiens était une erreur de fait; que depuis cette époque au contraire la France avait évacué une grande partie de ses conquêtes; qu'il ne voulait point relever le défi que l'Angleterre avait jeté à la France, et que quant à Malte il n'y avait aucune matière à discussion, le traité ayant tout prévu. (2)

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Bientôt des sujets de plainte plus réels vinrent provoquer les réclamations du gouvernement français. Des vaisseaux de

(1) « Note du lord Hawkesbury du 15 mars 1803. *»
(2) « Note du général Andréossi du 7 germinal an 11. >>

guerre anglais jetèrent des brigands sur nos côtes, forcèrent même une chaloupe française de porter à terre des étrangers (1). Cependant tous ces événemens pouvaient être considérés comme les torts de quelques subalternes; mais la révocation des ordres donnés pour l'évacuation du cap de BonneEspérance n'était pas un de ces faits dont le ministère pût feindre de n'avoir pas connaissance, ou qu'il pût rejeter sur autrui. Au reste il ne tarda pas à déclarer que des ordres avaient été donnés (le 20 novembre) pour la restitution de cette colonie. (2)

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Mais il demanda explication et satisfaction sur des griefs qu'il n'énonçait pas, et la cession de Malte en toute propriété et souveraineté.

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La réponse du gouvernement français fut que tout ce qui avait pour but la violation de l'indépendance de Malte ne serait jamais consenti; que pour tout ce qui ne serait pas contraire au traité d'Amiens on pouvait s'entendre sur les griefs respectifs allégués par les deux gouvernemens. (3)

» Quelques jours après l'ambassadeur d'Angleterre proposa de laisser le gouvernement civil de Malte à l'ordre de SaintJean, et les fortifications sous la garde des troupes britanniques (4). Cette proposition n'était pas même signée.

>> Le 6 floréal le même ministre demanda que les troupes anglaises restassent à Malte pendant six ans; que que celles de la République évacuassent la Hollande, et que l'île de Lampedouse fût cédée en toute propriété à l'Angleterre.

>> Ces étranges demandes étaient faites verbalement, et l'ambassadeur, qui refusait de les signer, annonçait son départ si l'on ne les acceptait pas dans le délai de sept jours.

>> Le premier article était contraire au traité d'Amiens; le gouvernement français ne pouvait se dispenser de répondre qu'il fallait le communiquer aux autres puissances contractantes. Quant à l'évacuation de la Hollande, il annonça qu'elle aurait lieu immédiatement après l'exécution du traité d'Amiens; et quant à l'île de Lampedouse, elle n'appartient point à la République, et son gouvernement ne pouvait ni la refuser ni la donner (5).

(1) « Note du ministre des relations extérieures du 4 germinal

an 11. »

(2) « Note du lord Whitworth du 7 avril 1803. »

(3) « Lettre du lord Whitworth, page 223 du recueil des pièces

officielles. »

(4) « Note du lord Whitworth du 17 germinal an 11. >>>

(5) « Note du ministre des relations extérieures du 12 floréal

an 11. »

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