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tribunal subsister à Toulouse; mais ses décisions étaient rares et fort peu respectées. En 1645, l'archevêque Charles de Montchal obtint du conseil d'Etat un arrêt qui anéantit cette juridiction: néanmoins, le roi a continué de nommer un dominicain inquisiteur de Toulouse; mais ce ne fut plus qu'un vain titre, ou plutôt un nom sans dignité, que la mort du P. Massoulié, arrivée en 1706, a fait entièrement oublier.

Cependant, l'inquisition resta considérée comme un tribunal de justice dans les comtés de Roussillon, de Conflans et de Cerdagne; c'est une des conditions. auxquelles Clément IX a donné en 1668, à Louis XIV,

étrange que l'on trouve tous les jours des hérétiques ou des apostats à punir, dans des pays où depuis plus de deux siè– cles on n'en souffre point. D'ailleurs, la crainte est plus propre à faire des hypocrites que de véritables chrétiens. La rigueur peut être utile pour réprimer une hérésie naissante ; mais d'étendre les mêmes rigueurs à tous les temps et à tous les lieux, et prendre toujours à la lettre toutes les lois pénales, c'est rendre la religion odieuse, et s'exposer à faire de grands maux, sous prétexte de justice. Nous mettons en France un des principaux points de nos libertés à n'avoir point reçu ces nouvelles lois et ces nouveaux tribunaux, si peu conformes à l'ancien esprit de l'Eglise. (Fleury, Droit eccl., t. 1, p. 101.)-(Edit.)

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de ceux qu'ils condamnaient pour crime d'hérésie; ce qui source d'abus qui furent réprimés en France par une ordonnance de 1378. Philippe-le-Bel avait déjà décidé, par un édit de 1302, que l'inquisition ne pourrait poursuivre les Juifs pour usure, sortilége et tous autres crimes qui n'étaient pas de sa compétence.

un indult pour nommer aux bénéfices de ces trois provinces.

Le grand-conseil a enregistré cet édit sans modification, quoique cette clause et d'autres qu'il renferme soient évidemment contraires aux libertés de l'Eglise gallicane et aux maximes du royaume; en sorte que si le grand-conseil reconnaît le tribunal des cardinaux-inquisiteurs, il reconnaît par conséquent aussi le chapitre inquisitionis in sexto, qui excommunie les ju

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laïcs qui refuseraient ou différeraient d'exécuter les lois qui portent peine de mort contre les hérétiques.

Le Parlement n'aurait jamais enregistré l'article de l'indult, qui concerne l'inquisition. M. Joly de Fleury, dans un discours plein de force, pour faire supprimer un bref émané du tribunal de l'inquisition à Rome, démontre, avec beaucoup de lumières, que son institut est incompatible avec nos maximes (1). Il rapporte un texte du discours de M. Talon, imprimé dans l'arrêt du 15 mai 1647: Nous ne connaissons point en France, disait cet ancien magistrat, l'autorité ni la juridiction des congrégations qui se tiennent à Rome, lesquelles le pape a établies comme bon lui a semblé; comment reconnaitrions-nous un tribunal où autrefois ont été censurés les arrêts de cette Cour qui regardent la conservation de la personne sacrée de nos rois et l'établissement de la justice royale?

(1) Voy. l'arrêt du 19 mai 1763.

Après le discours de M. Joly de Fleury, suit l'arrêt qui. ordonne la suppression d'un décret de l'inquisition, qui condamnait une instruction pastorale de M. l'évêque de Soissons. Le savant prélat l'avait donnée au sujet des assertions extraites par le Parlement des livres, thèses, cahiers composés, publiés et dicles ci-devant soi-disant jésuites.

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Si l'on se demande comment il est arrivé que la fameuse bulle in Coend Domini, proscrite par les parlemens du royaume dès qu'elle a vu le jour, a été en honneur dans les comtés de Roussillon, de Conflans et de Cerdagne jusqu'en 1762, on ne trouvera la raison de ce préjugé que dans l'autorité qu'on a laissée aux congrégations de Rome, et singulièrement aux tribunaux de l'inquisition, dans ces trois provinces. Quelle apparence que si, en publiant l'indult de Clément IX, on eût proscrit les clauses dont il est infecté, la bulle in Coend Domini eût pu trouver faveur dans une province de la domination du roi, et s'y maintenir pendant cent ans sans réclamation de la part des magistrats? C'est même une chose digne de remarque, que le procureur-général du conseil supérieur de Roussillon n'a pas été reçu appelant comme d'abus de la bulle même, mais seulement de son exécution.

Cette observation me conduit naturellement à l'histoire de cette bulle beaucoup trop célèbre.

Paul III est le premier auteur de la bulle in Cœná Domini, ainsi nommée parce qu'étant datée du jeudisaint, la publication s'en réitère tous les ans, à Rome,

dans cette solennité. Avant Paul, à remonter jusqu'à Boniface VIII, vers l'an 1300, les papes avaient introduit l'usage de faire faire deux ou trois fois l'an, en certains jours solennels, une espèce de procédure générale contre les contrevenans aux ordres du soùverain pontife. On affichait à Rome, aux principales portes des églises de Saint-Pierre et de Saint-Jeande-Latran, des placards en forme d'assignation, et une sentence d'excommunication contre eux; de sorte que par la même affiche, quels que fussent les coupables, et dans quelque partie du monde qu'ils habitassent, ils étaient ajournés, jugés et condamnés.

Jules II semble avoir conçu, en 1511, ce projet de réunir toutes ces excommunications dans une seule bulle, qui serait publiée à Rome et dans toutes les églises du monde; elle existe même sous son nom dans le Bullaire, datée du 1er mars: on ignore si elle a été publiée.

Paul III, en 1536, a consommé ce projet, et donné la bulle proprement dite in Coend Domini; elle est datée des ides d'avril, le jour du jeudi-saint de cette année qu'elle fut publiée. Depuis ce temps, on en a continué la publication : le pape y a réuni, comme dans une sentence générale, toutes les excommunications lancées par ses prédécesseurs contre les sectes hérétiques, et une multitude d'autres personnes d'un genre tout différent. L'absolution de tous les cas exprimés dans cette bulle est réservée au pape; il y est ordonné aux ordinaires des lieux de toute la chré

tienté, d'en faire faire la publication dans l'église, au moins une fois l'an.

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Pie V, Grégoire XIII et Sixte V ont renouvelé cette bulle, en la mettant sous leur nom; ils changé ou ajouté de nouveaux cas et de nouvelles clauses. Enfin Paul V, en 1610, lui a donné la forme qu'on y remarque aujourd'hui ; et Urbain VIII, qui l'a fait publier en 1627, n'y a rien changé.

La consommation de cette œuvre était digne de Paul V sa bulle excommunie les hérétiques, les schismatiqués, les pirates, les corsaires, tous ceux qui appellent des bulles et des brefs des papes au futur concile, sans exception de personne; les princes qui mettent de nouveaux impôts sur les peuples sans la permission du pape; ceux qui font des traités d'alliance avec le Turc et les hérétiques; ceux qui appellent aux juges séculiers des torts et griefs qu'ils auront reçus de la cour de Rome : elle comprend dans l'excommunication les parlemens, les procureursgénéraux et les autres magistrats qui s'opposent à l'exécution des bulles.

Ces dispositions monstrueuses ont été publiées tous les ans, dans le Roussillon, jusqu'au mois de mars 1763, que M. de Cappot, avocat - général au conseil supérieur de cette province, a enfin remontré, dans un réquisitoire, l'abus. énorme que la puissance ecl'abus.énorme clésiastique faisait d'une autorité imaginaire qu'elle s'attribue, et le danger des impressions que la lecture et la publication de cette bulle font sur les esprits des peuples, dont elle est capable d'alarmer les cons

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