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la loi de 1854 se montre bien plus rigoureuse que ne l'était celle du 8 juin 1850 (sur la déportation), relativement aux condamnés à la déportation simple (1); car cette loi (art. 3) leur concédait « l'exercice des >> droits civils dans le lieu de la déportation; » et elle ajoutait (même article) qu'il pourrait «< leur être remis, » avec l'autorisation du gouvernement, tout ou partie » de leurs biens; » et ce n'était que « sauf l'effet de >> cette remise » qu'on refusait aux actes faits dans le lieu de la déportation la puissance « d'engager ou >> affecter l'ancien patrimoine ainsi que les biens échus » par succession ou donation. » Sur ce point, nous l'avouons, nous ne saurions concevoir la sévérité de la loi nouvelle. Pourquoi donc le gouvernement, qui peut accorder au condamné l'exercice de tout ou partie des droits civils, n'aurait-il pas le droit de l'autoriser aussi à retirer quelque portion de ses biens de France pour lui servir à se procurer des moyens d'établissement et des instruments de travail agricole ou industriel? et comment concevoir que ces valeurs ou objets quelconques ne puissent être loués, échangés ou engagés suivant les cas? Aussi, dans le projet de loi sur l'exécution de la peine des travaux forcés (devenu la loi du 30 mai 1854), autorisait-on (art. 12) la remise de certains biens à la libre disposition du

(1) Ce qui est la déportation ordinaire et proprement dite. L'autre espèce de déportation, dite dans une enceinte fortifiée, remplace la peine de mort abolie en matière politique (art. 1 de la loi de 1850).

condamné, sans distinguer si la condamnation était prononcée à perpétuité ou à temps. Et c'est ensuite l'adoption de l'article 4 de notre loi qui a fait changer (par une rédaction restrictive) cet article 12 de la loi du 30 mai (1), loi votée le 3 mai et après la loi du 31 mai sur l'abolition de la mort civile (votée le 2 mai), bien que l'ordre de date entre les deux lois ait été renversé lors de la sanction et de la promulgation.

Sans doute, comme le dit le rapporteur de la commission du Corps législatif, sur la loi du 31 mai, « on comprend la diversité du mode d'administration » des biens des deux mondes (2). » Mais ce que l'on ne comprend guère, c'est que dans aucune circonstance et pour aucun motif, des objets de l'une des administrations ne puissent en être distraits et réunis à l'autre. D'ailleurs on peut très-bien supposer qu'une succession légitime s'est ouverte au profit du condamné dans le lieu même où il subit sa peine ou qu'une donation, autorisée par le gouvernement, lui a été faite dans le même lieu. Or, le texte de l'article 4 s'applique d'une manière malencontreuse à ces sortes de biens.

Nous ne nous arrêterons pas ici sur la formule bien plus malheureuse encore de l'article 6 de notre

(1) On y lit maintenant : « Le gouvernement pourra accor>> der aux condamnés aux travaux forcés à temps, etc. >>

(2) Allusion aux établissements créés dans diverses possessions françaises (V. art. 1o de la loi du 30 mai 1854).

Ioi (1). Cet article a été préparé sans doute dans de trèsbonnes intentions et pour épargner les rigueurs des articles 3 et 4 aux condamnés à la déportation, sous l'empire de la loi intermédiaire du 8 juin 1850. Mais les termes en sont si généraux et si absolus qu'ils enlèvent nettement aux très-anciens condamnés à la déportation (ceux qui ont été frappés avant la loi de 1850), le bénéfice du retour à la vie civile, écrit en principe dans l'article 5, et qui profiterait ainsi exclusivement aux condamnés à la mort ou aux travaux forcés à perpétuité; résultat absurde et contraire à ce qui a été expliqué devant le Corps législatif, et sur la portée générale de l'article 5 et sur l'intention bienfaisante qui a dicté l'article 6 (2). Certes l'histoire de la législation ne présente guère de fautes de rédaction d'une énormité pareille. Et si jamais il a été bon de faire une loi interprétative ou explicative, c'est assurément dans le cas dont il s'agit.

IX. Observations relatives aux droits politiques. Les droits politiques, y compris ceux d'électorat et d'éligibilité, sont aujourd'hui affranchis de toute condition d'impôt ou de cens. Il faut donc corriger ce que nous disions à ce sujet dans diverses notes et observations sur le premier volume de Proudhon (V. p. 105, 113, 114, 116, 117, etc.).

(1) « La présente loi n'est pas applicable aux condamnations » à la déportation pour crimes commis antérieurement à sa >> promulgation. »

(2) Ce qui est d'ailleurs conforme au principe de la nonrétroactivité des lois pénales. Voyez ci-dessus, p. 3.

Il n'est plus douteux aujourd'hui que la qualité de citoyen ne soit acquise à l'âge de vingt et un ans accomplis; car depuis 1848, toutes les lois ont reconnu le droit de voter à cet âge pour la nomination, soit des députés, soit des membres des conseils généraux, d'arrondissement et municipaux. Voyez notamment, à cet égard, parmi les lois en vigueur, l'article 12 du décret organique du 2 février 1852 pour l'election des députés au Corps législatif (1). Ajoutez l'article 7 de la loi du 5 mai 1855, sur l'organisation municipale. L'âge de vingt-cinq ans au moins a toujours été exigé pour faire partie des assemblées politiques ou administratives, et, à diverses époques, il a même été insuffisant pour entrer dans les assemblées politiques (2). Mais aujourd'hui l'âge de vingt-cinq ans suffit toujours, même pour être admis à l'assemblée élective la plus importante de toutes, c'est-à-dire au Corps législatif (3).

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Le Sénat (V. note sur Proudhon, t. I, p. 17) a été rétabli dans la Constitution actuelle (art. 19 à 33). Ce que nous avons dit (Ibid., p. 116) sur la

(1) « Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Fran» çais âgés de vingt et un ans accomplis, etc. »

(2) Par exemple, dans la Chambre des députés. V. aussi ce que dit Proudhon de l'ancien Sénat, etc., t. II, p. 273 et suiv.

(3) Art. 26 du décret du 2 février 1852, sur l'élection au Corps législatif: « Sont éligibles, sans condition de domicile, >> tous les électeurs âgés de vingt-cinq ans. » Le même âge est exigé pour l'éligibilité aux conseils d'un ordre inférieur, y compris le conseil municipal (V. loi du 5 mai 1855, art. 8).

nomination des maires et des adjoints doit être rectifié en conformité de l'article 57 de la Constitution du 14 janvier 1852, portant que « les maires seront >> nommés par le pouvoir exécutif, et pourront être pris hors du conseil municipal. » Cette disposition. s'étend naturellement aux adjoints. C'est ce que dit aussi l'article 2 de la loi sur l'organisation municipale, du 5 mai 1855. Le même article porte que les maires et adjoints << doivent être âgés de vingt-cinq ans accom»> plis, et inscrits dans la commune au rôle de l'une >> des quatre contributions directes. » Cette dernière condition est remarquable dans l'organisation politique actuelle. On veut que les maires et les adjoints se rattachent à la commune par des rapports moins fugitifs que la simple habitation de six mois, seule condition exigée de l'électeur pour figurer sur la liste communale (art. 13 du décret précité de 1852, et 7 de la loi de 1855).

TEXTES LÉGISLATIFS RELATIFS AU TITRE PREMIER.

Loi du 22 mars 1849 qui modifie l'article 9
du Code.

ARTICLE UNIQUE. L'individu né en France d'un étranger sera admis, même après l'année qui suivra l'époque de sa majorité, à faire la déclaration prescrite par l'article 9 du Code civil, s'il se trouve dans l'une des deux conditions suivantes :

4° S'il sert ou s'il a servi dans les armées françaises de terre ou de mer;

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