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» pièces seront faites par lui... » Rien n'est plus positif que ce texte : le principe que l'avoué n'a le droit de copie de pièces que lorsqu'il y a instance, est donc en défaut.

› Ce principe, en effet, ne peut se soutenir raisonnablement. La personne qui veut intenter un procès s'adresse à un avoué; avant d'entamer ce procès elle prend son avis: c'est même pour ce motif que le décret du 16 février (art. 68) accorde aux avoués un droit de consultation. Si l'on se décide à entamer la contestation, l'avoué est chargé de rédiger l'exploit introductif d'instance. Il prête donc son ministère à la partie avant d'être légalement constitué. Voilà pourquoi le tarif lui accorde facultativement et concurremment avec l'huissier le droit de copie de pièces, quoiqu'il n'ait pas encore d'instance.

» Voici ce que dit à cet égard Pothier :

. Pareillement lorsqu'un procureur qui s'est constitué procureur pour » une partie qui a donné une demande, se trouve porteur de l'exploit de › demande qui lui a été remis par l'huissier, le procureur est censé établir » son pouvoir par cet exploit dont il est porteur, à moins que la partie n'ait ⚫ pareillement dés avoué l'huissier et fait juger bon et valable son désaven > contre l'huissier.

Si l'huissier désavoué justifiait que c'est par l'ordre du procureur qu'il » a donné l'exploit, putà, parce qu'il se trouverait écrit en tout ou en partie de la main du procureur ou de l'un de ses clercs, il serait fondé à › demander au procureur qu'il l'indemnisât du désaveu.» ( Du Mandat, n° 127.)

» On a donc toujours reconnu que l'exploit introductif d'instance pouvait réellement être l'ouvrage de l'avoué.

Lorsqu'il est son ouvrage, il est naturel que la copie de pièces se fasse dans son étude, et par conséquent qu'il en ait l'émolument.

. On verra que les raisons sont les mêmes pour les actes d'exécution. Nous allons voir que cette raison, si décisive relativement à l'exploit d'ajournement, ne l'est pas moins relativement aux exploits de toute autre nature, et notamment à l'égard de ceux que l'on fait pour l'exécution forcée des jugemens et des actes.

» Remontons en effet à l'esprit de la loi.

» Les avoués sont certainement des mandataires ad lites; mais suit-il de là que le législateur ne doive reconnaître de mandat dans la personne de l'avoué que lorsqu'il y a un procès pendant ?. Nous ne le pensons pas, et, à cet égard, il faut entrer dans quelques explications. Le Code de pro cédure a tracé les règles des procédures d'exécution. Dans quelquesunes de ces procédures, le ministère des avoués est nécessaire ; mais il ne l'est qu'à une certaine période de la procédure. Par exemple, en matière de saisie-immobilière, on débute par un commandement; ce n'est que trente jours après ce commandement qu'il est procédé à la saisie, et l'avoué n'est constitué que par le procès-verbal de saisie. Suit-il de là que le saisissant ne soit censé charger l'avoué qu'après le procès-verbal de saisie? Non, une telle supposition serait contraire à la raison et à l'expérience. Dans l'usage, le saisissant charge l'avoué dès le début, parce que cet officier devant avoir la conduite de l'affaire, il est naturel que ce soit lui qui la dirige à dater de son origine. En conséquence, le saisissant remet son titre à l'avoué ; celui-ci en fait faire la copie qui doit être signifiée en tête du com

mandement; c'est lui qui rédige le commandement, l'huissier ne fait que le signifier. Si le débiteur forme opposition au commandement, l'avoué connaît l'affaire et est tout prêt à défendre à cette opposition. C'est ainsi que les choses se passent et que rationnellement elles doivent se passer..

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On pourrait appliquer les mêmes raisonnemens à la saisie-arrêt. La procédure de saisie-arrêt commence par une opposition entre les mains du tiers (art. 559 C. P. C.). Lorsque l'on fait cette opposition, il n'y a pas encore d'instance, et l'instance ne s'entame que par la demande en validité (art. 563).............. N'est-il pas évident cependant que le créancier, qui fait procéder à une saisie-arrêt, charge son avoué de sa confiance et de ses pièces avant de former la demande en validité ? qu'il confie à cet avoué la rédaction de l'opposition à former entre les mains des tiers-saisis? Il y a d'autant moins de doute à cet égard que, quand la saisie-arrêt est formée sans titre, il faut une permission du juge que l'on n'obtient que sur une requête signée de l'a

voué....

Le mandat ad litem, que la partie donne à l'avoué, doit donc nécessairement, dans beaucoup de cas, précéder l'instance. Voilà pourquoi, relativement au droit de copie, le tarif n'a pas dû distinguer entre le cas où il y aurait procès pendant, et celui où il ne le serait pas encore. La distinction est impossible, et elle donnerait lieu dans la pratique à mille difficultés.

Il y a d'autres procédures d'exécution dans lesquelles le ministère des avoués n'est pas toujours nécessaire, mais dans lesquelles il le devient, lorsqu'il s'élève des incidens et des difficultés. Telle est la saisie-exécution. Il arrive fréquemment que le créancier charge un avoué de diriger ces sortes de poursuites, afin qu'éventuellement il soit prêt à faire ce qu'exigeront les circonstances pour lever les obstacles, et à représenter le créancier en justice. Alors, c'est l'avoué qui rédige, qui copie, qui emploie les huissiers.

On voit donc qu'à l'occasion de la qualité de mandataire ad lites qui appartient à l'avoué, les parties sont naturellement et presque nécessairement amenées à lui confier des affaires dans lesquelles il n'y a pas encore d'instance commencée, mais qui doivent ou inévitablement ou probablement en amener une. Là, comme en toute autre chose, l'accessoire suit le principal. Le principal, c'est le mandat ad litem ; l'accessoire, c'est la distinction d'une procédure qui n'est pas encore portée devant le tribunal, mais qui, nécessairement ou vraisemblablement, va y être portée.

C'est dans cet état de choses, fondé sur la théorie comme sur la pratique, que le tarif de 1807 est paru; et voilà pourquoi il n'a pas distingué entre le cas où il y a procès pendant, et celui où il n'y a pas encore procès pendant, mais où il existe seulement des poursuites susceptibles d'amener un procès. Le législateur a pensé qu'il ne fallait pas obliger la partie à scinder le mandat relatif à ces poursuites, qu'il fallait lui laisser la faculté de le confier tout entier à l'avoué; qu'alors l'avoué rédigerait les actes, que les copies de pièces se feraient dans son étude, et seraient certifiées par lui, et que, par conséquent, il serait juste, dans cette hypothèse, d'accorder à l'avoué le droit de copie. C'est, comme nous l'avons déjà dit, en vertu de ce même principe que le tarif a accordé expressément à l'avoué le droit de copie de pièces signifiées en tête de l'exploit d'ajournement.

Il peut arriver, au contraire (quoique ce soit certainement le cas le moins fréquent), que la partie accorde directement sa confiance à un huissier; qu'alors ce soit ce dernier qui rédige, qui fasse les copies,

qui les signe : dans cette hypothèse, le droit de copie lui appartient. Tout, dans cette matière, devait être et est, en effet, facultatif. Il ne faut pas entraver les affaires et gêner les parties par d'inutiles difficultés. Il ne faut pas que, lorsqu'un individu a remis des pièces à un avoué, on l'oblige à les faire passer par les mains d'un huissier pour que ce dernier en prenne copie. Il ne faut pas enfin que des conflits s'élèvent entre l'avoué et l'huissier, pour savoir à qui appartiendra le droit de copie.

» Dans l'espèce de l'arrêt du 24 août, il s'agissait d'une saisie-exécution; la copie du titre qui devait être signifiée avec le commandement avait été faite par un avoué; cet avoué avait rédigé le commandement. Notre respect pour les décisions de la Cour suprême ne saurait nous empêcher de dire qu'à notre avis le droit de copie aurait dû être attribué à l'avoué.

› Terminons en citant deux exemples propres à confirmer de plus en plus cette vérité, que la loi reconnaît les avoués comme mandataires officiels, même dans des cas où il n'y a pas de procès.

» Le premier consiste dans la règle posée par l'art. 932 C. P. C., que les opposans aux scellés peuvent être représentés par des avoués, qui n'ont pas besoin de produire de procuration, mais seulement le titre de leur partie, et que, dans les vacations autres que la première, l'avoué le plus ancien assiste de droit pour tous les opposans. Les avoués sont donc admis aux scellés dans un caractère public, bien qu'il n'y ait pas de litige existant.

> Le second exemple est puisé dans l'art. 143 du tarif de 1807, qui accorde un droit à l'avoué pour la composition de l'extrait de vente ou donation qui doit (aux termes de l'art. 2183 C. C.) être dénoncé aux créanciers inscrits par l'acquéreur ou donataire.... Voilà donc encore l'avoué appelé à agir dans son caractère public, bien qu'il n'y ait pas d'instance pendante.

> Doit-on s'étonner que le décret de 1807 ait pareillement autorisé l'a voué à faire et à certifier les copies de pièces, lors même qu'il n'y avait pas de procès entamé ? Nous avons établi combien cette disposition était sage. Elle est au surplus parfaitement claire, et doit recevoir son exécution. › Délibéré à Paris, le 16 novembre 1831.

» H. DE VATIMESNIL.

TROISIÈME PARTIE.

LOIS ET ARRÊTS.

COUR ROYALE DE CAEN.

1o Contrainte par corps.- Etranger. -Ordonnance de référé. — Appel.

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1 Est de trois mois le délai pour interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal civil autorise l'arrestation provisoire d'un étranger. (Art. 809 C. P. C. 2. L. 10 septembre 1807.)

2o Le president du tribunal devant lequel un étranger incarcéré demande à être conduit en référé, peut, au lieu de statuer lui-même, renvoyer les parties à l'audience.

30 N'est pas nulle l'arrestation provisoire d'un étranger que l'huissier a refusé de conduire en référé devant le président, surtout si cet étranger n'en a fait la demande qu'après le procès-verbal d'écrou.

4 L'étranger qui a souscrit en pays étranger et au profit d'un étranger une lettre de change passée plus tard à l'ordre d'un Français, peut être incarcéré à la requête de ce dernier, quoiqu'il soit en état de faillite ouverte, si toutefois, au lieu de remplir les formalités exigées d'un failli, il a voulu soustraire sa personne et ses biens aux poursuites de ses créanciers.

5o L'étranger qui a souscrit en pays étranger et au profit d'un étranger un effet de commerce que celui-ci a endosse à un Français, peut, si celui-ci le traduit devant les tribunaux français, être admis a prouver que cet endos n'a été donné que pour le soustraire à ses juges naturels, et le faire arrêter en France.

(Williams Prior C. Bloqué.)

Le sieur Williams Prior, anglais, avait souscrit à Londres une traite au profit des sieurs Hesketh, anglais comme lui. Peu de temps après, il tomba en faillite et vint s'établir en France. Les sieurs Hesketh présentèrent la traite aux commissaires de sa faillite, qui les admirent au passif. Ensuite ils l'endossèrent au profit du sieur David Bloqué, français. Celui-ci présenta requête au président du tribunal de Pont-Audemer, afin de faire incarcérer

provisoirement Williams Prior. L'autorisation fut accordée et l'incarcération eut lieu. Après le procès-verbal d'écrou, Williams demanda à être conduit en référé devant le président : l'huissier s'y refusa par le motif que cette demande aurait dû être faite avant l'entrée dans la prison. Mais le référé cût lieu le lendemain, et le président, au lieu de statuer, renvoya les parties devant le tribunal, où Williams Prior soutint que son arrestation était nulle: 1o parce que l'huissier avait refusé de le conduire en référé; 2° parce que le titre en vertu duquel elle était opérée avait été créé au profit d'un étranger et transmis par un endossement simulé à un Français; 3° parce qu'il était en faillite et que par conséquent on ne pouvait plus exercer contre lui la contrainte par corps. Jugement qui annulle l'emprisonnement. Appel de ce jugement par David Bloqué. De son côté, Williams Rrior appelle de l'ordonnance autorisant son arrestation. David Bloqué lui oppose que l'appel de cette ordonnance aurait dû être interjeté dans la quinzaine de la signification, et développe les moyens indiqués dans l'arrêt suivant.

ARRÊT.

La Cour, Considérant que le délai pour porter appel est en général de trois mois et qu'il ne peut être différent que pour les cas particuliers indiqués par la loi;- Considérant que l'art. 8og du Code de procédure civile, qui exige que l'appel des ordonnances de référé soit interjeté dans la quinzaine, n'est pas applicable aux ordonnances que le juge ale droit de rendre pour autoriser l'arrestation provisoire d'un étranger, suivant les dispositions de l'art 2. de la loi du 10 septembre 1807; -Considérant en effet que cette arrestation provisoire est une mesure conservatrice autorisée par une loi spéciale, et que le délai pour porter appel de l'ordonnance qui l'a autorisée est celui fixé par la règle générale, et non celui déterminé par une disposition particulière qui y est étrangère; -Considérant que l'appel de l'ordonnance du 7 novembre ayant été interjeté dans les trois mois est dès-lors recevable;

Considérant, relativement à l'ordonnance du 4 décembre qui a renvoyé les parties devant le tribunal de Pont-Lévêque, que le juge n'a fait aucun grief à Williams Prior, en ne statuant pas seul sur le référé, et que la jurisprudence a autorisé les magistrats à renvoyer devant le tribunal les contestations qu'ils ne croient pas devoir résoudre seuls sur un référé;

Considérant que Williams Prior n'a demandé à être conduit devant le juge pour être statué en référé, relativement à son emprisonnement, qu'après avoir été mis en prison, et lorsqu'on allait signer l'écrou qui était déjà rédigé, ainsi que cela résulte du procès-verbal de l'huissier;- Considérant d'ailleurs que l'arrestation de Williams Prior, ayant eu lieu en vertu de la loi du

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