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V. La preuve que les prétentions des papes sur les jugements des métropolitains furent désavouées au neuvième siècle par les papes mêmes, résulte :

1o. Des exemples cités dans ce livre, d'Ebbon et d'Agobard, évêques métropolitains, déposés par des conciles nationaux, sans intervention du pape et sans réclamation de sa part;

2o. D'une lettre du pape Adrien Ier à Tilpin, métropolitain de Reims; elle porte « que personne ne pourra le déposer sans «< un jugement canonique et même par aucun jugement, sans <«<l'aveu du pontife romain, si quelqu'un a appelé de ce juge<«<ment au saint siége. »

Ces expressions un peu obscures s'entendent cependant; elles soumettent le métropolitain au jugement canonique ordinaire, et s'il ne peut être déposé après ce jugement sans l'aveu du pontife romain, c'est en vertu du droit d'appel au saint siége.

D'ailleurs l'aveu du pontife romain est tout autre chose que le jugement du pontife romain; le choix de ces expressions conserve entières les dispositions du concile de Sardique;

3°. Des lettres d'Hincmar; elles disent formellement « qu'Eb<«< bon venant à Rome après sa déposition y fut regardé comme «< condamné; »

4°. D'une lettre du pape Nicolas Ier qui approuve la conduite de son prédécesseur à l'égard d'Ebbon, portant que « le « siége apostolique a dû traiter Ebbon comme les autres évê<«<ques l'avaient traité, que Sergius avait cru devoir suivre ce qui << est ordonné dans le grand concile de Nicée, qu'il faut se con« former à la sentence régulière des évêques de chaque diocèse.»

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CHAPITRE Ier.

De l'origine des biens de l'église.

I. Les principes établis au commencement de ce chapitre sont fondés sur les préceptes consacrés par la religion; il n'est pas nécessaire de les appuyer de preuves littérales. On s'arrêtera donc à la preuve précise que dans l'empire romain et dans l'empire franc les titres des propriétés ecclésiastiques se fondèrent sur les lois politiques et civiles de l'état. Cette preuve

résulte :

1o. Des écrits de saint Augustin; ils enseignent que « c'est « en vertu du droit humain que chacun possède ce qu'il pos« sède, parce que Dieu s'est servi du droit humain, des lois, « des rois de la terre pour distribuer au genre humain les propriétés temporelles ; »

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2o. Des écrits d'Hincmar de Reims et des Actes du concile national de Douzi; ils reconnaissent et adoptent les maximes de saint Augustin sur la nature des titres des biens de l'église.

II. La preuve que les propriétés ecclésiastiques furent régies par les lois de l'état dans l'empire romain, ressort indirectement des autorités qui viennent d'établir que les lois de l'état avaient formé ces propriétés; la même preuve résulte spécialement :

1o. Des écrits de saint Ambroise; ils témoignent que « les «< champs de l'église paient le tribut au prince, » et que l'église ne doit pas le refuser;

gum possidentur possessiones... Noli dicere possessiones tuas ; quia ipsa jura humana renunciasti, quibus possidentur possessiones. (Extr. des Actes du concile de Douzi, de l'an 871, chap. 10. Supplément de Sirmond, p. 247.)

I.—1o. Unde quisque quod possi-ergo tibi et possessioni? Per jura redet? Nonne jure humano? Nam jure divino, Domini est terra et plenitudo ejus. Jure tamen humano dicis : hæc villa mea est; hæc domus mea; hic servus meus est. Jure ergo humano, jure imperatorum: quare? quia ipsa jura humana per imperatores et reges sæculi Deus distribuit generi humano. (Extr. de l'épitre 48 de saint Augustin.)

2o. Sanctus Augustinus... dixit: ... Noli dicere, quid mihi est regi? Quid

II. Si tributum petit (princeps) non negatur; agri ecclesiæ solvunt tributum. (Extr. des écrits de saint Ambroise. Code Théodosien, liv. xv1, tit. 2, loi 8, t. VI, p. 32.)

2o. De deux lois du code Théodosien; elles montrent que les biens des églises payaient les impositions ordinaires de l'empire romain quand elles n'en étaient pas dispensées par des lois particulières.

3o. D'une loi du code Théodosien et des écrits de saint Jérôme et de saint Ambroise qui adoptent cette loi; ils montrent que la puissance publique restreignait à son gré, sous l'empire romain, dans la main des églises, la faculté d'acquérir.

III. La même preuve pour l'empire franc ressortira de toute la suite de cet ouvrage, où l'on verra les évêques, abbés et abbesses défendre et réclamer les biens de l'église devant tous les tribunaux séculiers, suivant les formes établies par les lois de la monarchie, et se soumettre aux jugements de ces tribunaux; où l'on verra enfin les rois et les placités généraux former des lois sur les droits de la propriété ecclésiastique comme sur les droits de la propriété séculière.

2o. Placet,... præscribere, a quibus specialiter necessitatibus ecclesiæ urbium singularum habeantur immunes Ne prædia usibus cœlestium secretorum dicata sordidorum munerum fasce vexentur: nulla jugatione, quæ talium privilegiorum sorte gratulatur, muniendi itineris constringat injuria... Postremo, nihil præter canonicam inlationem... ejus functionibus adscribatur. (Extr. d'une loi de Théodose. Code Théodosien, liv. xvi, tit. 2, loi 40, t. VI, p. 79.).

transferatur... Quando... obierit, nullam ecclesiam, nullum clericum, nullum pauperem scribat heredes. (Extr. d'une loi des empereurs Valentinien, Théodose et Arcade. Code Théodosien, liv. xvi, tit. 2, loi 27, t. VI, p. 60.)

Pudet dicere, sacerdotes idolorum, mimi, et auriga... hæreditates capiunt, solis clericis ac monachis lege prohibetur: et non prohibetur a persecutoribus, sed a principibus christianis. Nec de lege conqueror, sed doleo cur meruimus hanc legem.

Privatæ successionis emolumenta recentibus legibus denegantur, et nemo conqueritur. Nou enim putamus injuriam, quia dispendium non dolemus... Scribuntur testamenta mini

Id ab unaquaque provincia censuimus expetendum, quod ab hisdem nuper esse promissum tua sublimitas indicavit... Quæ dispositio... initio indictionis octave... sumere debebit exordium sacrosancta Thessalonicensis ecclesia civitatis excepta: ita_stris templorum, nullus excipitur tamen, ut aperte sciat, propriæ tantummodo capitationis modum beneficio mei numinis sublevandum: nec

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prophanus: ... soli ex omnibus clerico commune jus clauditur... Quod sacerdotibus prophanis legaverit christiana vidua, valet: quod ministris Dei, non valet. Quod ego, non ut querar, sed ut sciant quod non querar, comprehendi. (Extr. d'une épître de saint Jérôme à Népotien. Code Théodosien, liv. xvi, tit. 2, t. VI, p. 49.)

CHAPITRE II.

De la formation de la propriété ecclésiastique dans l'empire romain; de la nature et de l'extension de cette propriété dans l'empire franc.

I. Une loi de Constantin prouve ce que nous avons avancé sur la liberté que ce prince accorda aux particuliers de transporter leurs biens-fonds aux églises et monastères. Le pouvoir absolu des empereurs modifia arbitrairement les règles admises par le premier empereur chrétien, pour restreindre ou pour étendre à l'égard de certaines personnes la faculté de donner des biens. Mais sans nous arrêter à suivre ici les variations de la législation impériale, la notoriété historique nous suffit pour prouver que les églises, et nommément les églises des Gaules, possédaient de vastes domaines sous l'empire romain avant la conquête des Francs.

On va voir dans la preuve suivante que les lois franques garantirent aux églises gauloises des propriétés foncières qu'elles possédaient avant la conquête, et dans la suite de ces livres, les Actes des conciles des Gaules des quatrième et cinquième siècles, cités sous d'autres rapports, fourniront des preuves surabondantes de l'existence des biens-fonds des églises gauloises avant l'établissement de la monarchie franque.

II. La preuve des dispositions par lesquelles les lois franques garantirent aux églises toutes leurs propriétés, déclarant qu'elles ne pourraient les perdre que par prescription ou aliénation légitime, et interdisant à tous les citoyens, et au roi même, la faculté de prendre arbitrairement les biens de l'église, résulte :

1o. D'un édit de Clotaire II qui rappelle les plus anciennes maximes de la monarchie, et d'un capitulaire de Louis-le

I. Habeat unusquisque licentiam, sanctissimo catholicæ.. decedens, bonorum quod optavit relinquere. Non sint cassa judicia. Nihil est quod magis hominibus debetur, quam ut supremæ voluntatis ... liber sit stilus. (Extr. d'une loi de Constantin. Code Théodosien, liv. xvi, tit. 2, loi 4, t. VI, p. 23.)

II. Quidquid ecclesia, clerici, vel provinciales nostri, intercedente

tamen justo possessionis initio, per triginta annos inconcusso jure possedisse probantur, in corum ditione res possessa permaneat. (Extr. d'une constitution de Clotaire II, de l'an 560, art. 13. Baluze, t. I. p. 9.)

Ut de rebus ecclesiarum quæ ab eis per triginta annorum spatium sine ulla interpellatione possessæ sunt, testimonia non recipiantur, sed eo modo contineantur sicut res ad fiscum do

Pieux; ils assurent irrévocablement aux églises les biens dont elles ont la possession trentenaire;

2o. D'une constitution de Clotaire II, et des lois bavaroise, allemande et ripuaire; elles s'élèvent contre ceux qui tenteraient d'envahir les biens de l'église ;

3o. D'une requête du peuple à Charlemagne; le peuple y déclare qu'il regarde les propriétés de l'église comme inviolables, il s'engage « à n'avoir aucune société avec ceux <«< qui auront osé enlever, envahir, dévaster, demander ou <<< recevoir des rois les biens de l'église » avant qu'ils n'aient satisfait; enfin, le peuple somme le prince avec la plus grande énergie d'employer la force exécutrice pour sévir contre les coupables;

4°. De plusieurs capitulaires; ils défendent de solliciter des

minicum pertinentes contineri solent. (Extr. d'un capitulaire de l'an 829, art. 8. Baluze, t. I, p. 665.)

2o. Ut oblationes defunctorum ecclesiis deputatæ, nullorum competitionibus auferantur, præsenti constitutione præstamus. (Extr. d'une constitution de Clotaire, de l'an 560, art. 10. Baluze, t. I, p. 8.)

Si aliqua persona contra res ecclesiæ injuste agere voluerit, vel de rebus ecclesiæ abstrahere voluerit... auri uncias tres, et illas res ecclesiæ reddat. (Extr. d'une loi des Bavarois, de l'an 630, chap. 1, tit. 1, art. 2. Baluze, t. I, p. 96.)

Si quis res alienas aut ecclesiæ malo ordine invaserit, et alius facienti violentiam repugnaverit, is nullum crimen admittit. (Extr. d'un capitulaire ajouté à la loi des Allemands, de l'an 630, art. 2. Baluze, t. I, p. 89.) Quod si quis de ecclesia aliquid vi abstulerit, cum suprascripta lege in triplum restituat. (Extr. de la loi ripuaire, de l'an 630, chap. 60, art. 8. Baluze, t. 1, p. 45.)

3o. Petitio populi ad imperatorem... Scimus res ecclesiæ Deo esse sacratas, scimus eas esse oblationes fidelium... Ut ergo omnis suspicio a nobis cunctis sacerdotibus, et omnibus... sanctæ Dei ecclesiæ fidelibus funditus auferatur, profitemur omnes... coram... vobis cunctisque sacerdotibus et populis circumstantibus, nec talia facere, nec facere volentibus consen

tire... Et hoc vobis omnibusque fidelibus sanctæ Dei ecclesiæ, et nostris, notum esse cupimus, quod quum his qui absque voluntate aut consensu vel datione rectoris illius ecclesiæ,... res ecclesiæ a regibus petere aut retentare, vel auferre aut invadere, vel vastare præsumpserint, nec in hostem nec ad pugnam ire, nec cibum sumere, nec... ad palatium aut in itinere pergere... nec ullam participationem cum eis, nisi pro emendatione, ante publicam emendationem et ecclesiæ satisfactionem... habere debeamus... Tales vero a nobis, si nos fideles habere vultis, segregate, et in ergastulum sub publica poenitentia redigite. (Extr. du huitième capitulaire de Charlemagne, de l'an 803. Baluze, t. I, p. 405, 406 et 408.)

4°. Præcipimus omnibus ditioni nostræ subjectis, ut nullus privilegia ecclesiarum vel monasteriorum infringere, resque ecclesiarum invadere, vel vastare, aut alienare, vel facultates earum diripere præsumat, nec sine precaria possidere pertenlet. (Extr. du premier capitulaire de Char lemagne, de l'an 803, art. 3. Baluze, t. I, p. 379.)

Placuit ne prædia... dicata Deoque tradita,... aliqua occasione vexentur, aut invadantur, sed sub immunitatis tuitione perpetua firmitate perdurent: similiter et homines earum, et omnia quæ eis subjecta esse noscuntur. Si quis contra hæc venerit, componat

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