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de huit peintres, cinq sculpteurs, cinq architectes, trois graveurs en taille-douce, un graveur en pierres fines, et de trois compositeurs de musique qui composaient en 1809 et 1810 l'école impériale des Beaux-Arts à Rome. Eloigné du ton emphatique de l'éloge qui, au lieu d'encourager les jeunes talens, les enivre d'eux-mêmes, M. le secrétaire perpétuel ne montre que les devoirs qu'ils ont à remplir, les espérances qu'ils donnent et le but qu'ils doivent atteindre. Il faut lui savoir gré d'adopter cette manière qui est en même tems dans les convenances de ses fonctions et dans celles de la raison. Dans tous les arts de l'imagination, il est rare que l'éloge et la critique soient mesurés.

La classe des Beaux-Arts de l'Institut a sollicité le ministre de l'intérieur de mettre un terme aux contrefacteurs qui moulent et contremoulent impunément les ouvrages des sculpteurs et des graveurs en médailles : elle a payé le tribut de ses lumières au même ministre pour l'établissement d'une nouvelle école de dessin en faveur des ouvriers d'un des quartiers les plus industrieux et les plus peuplés de la capitale, et sur l'encouragement à donner à un graveur qui pourrait exécuter en petit sur la pierre et sur le bronze des portraits qui deviendraient des monumens historiques qu'on néglige trop de perfectionner et même de produire. M. Le Breton rappelle à ce sujet la gravure sur pierres fines qui a été cultivée dans tous les siècles où les arts ont pros-péré et qu'on semble oublier totalement.

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Entre plusieurs instrumens nouveaux, tels que la basse et contrebasse guerrières inventées par M. Dumas, et dont on doit espérer des résultats heureux, le mélodion de M. Diez, la Classe des Beaux-Arts de l'Institut a éminemment distingué l'orgue expressif de M. Grenié. C'est une découverte du plus grand intérêt, et qui réunit la simplicité et pour ainsi dire la perfection. On savait, dit M. le secrétaire perpétuel, étendre presqu'à l'infini les effets » de l'orgue. Il avait conquis presque tous les instrumens; > mais il semblait, par sa conquête même, condamné à ne » leur parler qu'en maître, et les touchantes émotions, la » la grâce, lui étaient refusées. Il reçoit de M. Grenié le droit de charmer et d'attendrir. L'Institut et l'école impériale de musique (le Conservatoire ) l'ont jugé de même. Suit une analyse claire et précise de cet instrument.

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Des perfectionnemens apportés au piano-forte par M. Schmidt, à la clarinette par M. Muller, musicien de le chapelle de l'empereur de Russie; des ouvrages de théorie

ou d'histoire musicale par MM. Choron, la Salette, Fayolla et de Brack, attestent que la quatrième Classe de l'Institut 'a eu, cette année, sous les yeux la preuve, ainsi que l'a dit son secrétaire perpétuel, « que la musique semble l'art dont on s'occupe le plus d'étendre le domaine, de perfectionner les méthodes et les instrumens.»

Passant ensuite aux corps d'ouvrages qui se publient sur les arts, et qui sont un moyen de juger du goût d'une nation, M. Le Breton a cité, en les caractérisant, l'histoire de l'art par M. Dagincourt; la description de Cons tantinople, la galerie de Florence, qui s'achève, la galerie du Musée Napoléon, par Filhol; les liliacées de Redouté, les ouvrages classiques publiés par Percier et Fontaine, Balthard, Vaudoyer, Landon; les ouvrages descriptifs de Solvyns, Humboldt, Willemin, Beaunier et Rathier, Milbert, Castellan : il annonce celui que M. Langlez va publier sur les monumens dé l'Inde, et un voyage pittoresque dans le nord de l'Italie, par M. Bruun Neergard, • avec des gravures d'après les dessins de feu Naudet; enfin un petit ouvrage de théorie sur le bon goût, où la 、 beauté de la peinture considérée dans toutes ses parties, par M. Lens d'Anvers, correspondant de l'Institut.

Passant ensuite par une transition touchante et anim au devoir imposé aux secrétaires perpétuels de l'Institut, de rendre un hommage public à la mémoire des membres décédés, M. Le Breton a fait l'éloge suivant de M. Chaudet,

ANTOINE-DENTS CHAUDET était né à Paris, le 31 mars 1763, de parens pauvres, et c'est ici que commence son éloge, car le premier usage qu'il fit de sa raison, fut d'apprendre qu'il n'avait rien à espérer que de lui-même. Les jeux de son enfance présagèrent sá vocation: il s'amusait à modeler d'instinct de petites figures en terié glaise. Un peu plus tard il restait dans une sorte d'extase d'admiration devant les statues, trop souvent médiocres, qui meublent nos jardins, comme on le vit dans la suite contempler les chefsd'œuvre de l'art, pour s'en inspirer.

Il s'inscrivit à l'âge de quatorze ans parmi les élèves de l'Académie. L'heureuse révolution que l'influence de Vien avait opérée dans la peinture, n'avait point encore régénéré l'art statuaire; mais en se soumettant au goût de l'école, Chaudet suivit, autant qu'il le put, de meilleurs exemples que quelques sculpteurs commençaient à offrir à la jeunesse studieuse. Cependant, lorsqu'il remporta le grand prix, en 1784, sur le sujet de Joseph vendu par ses frères ›

docile à l'esprit du tems, et peut-être aussi pour ne pas aliéner ses juges, il composa son bas-relief dans la manière de l'école. On y voyait des arbres, un pont et de petits garçons avec des chevaux. « J'y aurais mis de la pluie, disait-il assez plaisamment, si le pro > gramme l'eût ordonné. Il est vrai qu'alors on

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(1) La Samaritaine. Ce tableau est dans le Musée Napoléon.

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(2) Ce tableau est chez S. Ex. le ministre de l'intérieur.

Mais il existait alors un inconvénient grave, qu'on a omis de réparer dans la réorganisation des écoles et dans les encouragemens donnés d'ailleurs aux arts avec tant de libéralité : les élèves, après avoir fini leur tems d'étude en Italie, rentraient en France avec des titres de gloire déjà anciens, mais sans travaux assurés, et s'ils ne rencontraient pas de ces hasards heureux qui dépendent du patronage individuel des hommes en place, ils pouvaient tomber subitement du triomphe dans la misère : c'est un écueil qui a été funeste à plus d'un talent. M. Chaudet avait lieu de le craindre, lorsque les travaux du Panthéon vinrent l'y dérober.

Au reste, le groupe qu'il a fait pour la décoration du péristyle de ce temple est un de ses meilleurs ouvrages: il est plein de sentiment et de pensée. Il exprime l'émulation de la gloire. La France sous la figure de Minerve, montre la couronné de l'immortalité à un adolescent qui s'efforce de l'atteindre. Le jeune homme foule aux pieds le serpent de l'envie. Son expression, l'attitude de la déesse, la manière dont les figures se groupent font sentir au spectateur, encore plus qu'ils ne la lui expliquent, l'idée que l'artiste a voulu rendre.

Ce groupe ne fut pas apprécié par tout le monde, comme il l'est aujourd'hui on n'était point encore entièrement revenu à la belle simplicité, et des artistes, habiles d'ailleurs, mais qui tenaient, sans s'en apercevoir, à l'ancienne manière, commirent l'erreur de le croire au-dessous d'un autre ouvrage, placé sous le même péristyle, et qui est loin de jouir de la même estime,

Chaudet éprouva, dans les dernières années de sa vie, une autre injustice à laquelle il se montra plus sensible : ce fut quand on refusa à son Edipe le prix d'encouragement accordé à la sculpture, exposée au salon de 1801. Cet ouvrage est, je le répète, un de ses plus beaux titres de gloire; car il est difficile de concevoir une composition mieux pensée pour l'art statuaire et une idée mieux exprimée. Un berger vient de détacher l'Edipe, nouveau né, de l'arbre où il était suspendu par une courroie qui lui traversait le talon. Il tient cette jeune victime dans ses bras avec l'expression de l'intérêt dû à un malheur si précoce. Le chien du berger partage la sensibilité de son maître, et la révèle en quelque sorte; il lèche la blessure du pied de l'enfant, et par la manière dont il se groupe, il présente, en prenant part à l'action, un support nécessaire pour l'exécution en marbre, moyen que l'on ne trouve le plus souvent que dans des accessoires plus ou moins gauches, et qui-nuisent à l'intérêt du sujet.

Mais ces contrariétés qu'on rencontre dans toutes les carrières

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n'abattaient point l'ame de Chaudet, qui était forte et constante. Il ne se plaignit jamais, et réfuta les mauvais jugemens par de beaux ouvrages.

La statue de Sa Majesté l'Empereur, placée dans la salle du Corps législatif, le bas-relief de la cour intérieure du Louvre, l'aimable groupe de Cyparisse se succédèrent rapidement et vinrent fixer leur auteur au rang des premiers statuaires modernes.

La statue de Sa Majesté réunit toutes les convenances : le style en est héroïque; mais c'est un héros législateur, placé dans le sanctuaire des lois. L'attitude et l'expression en sont nobles, quoique simples. Le mélange de nud et de draperie est sagement combiné pour donner le caractère monumental, sans copier les costumes antiques, ni aucune des statues votives connues. La sérénité convenable au Législateur et au Monarque compose l'expression de la figure.

Le bas-relief de la cour du Louvre porte un autre caractère, qui était aussi dans le talent de M. Chaudet, savoir, la grâce et l'élégance. Il représente la poésie avec ses deux plus illustres chantres Homère et Virgile. On y reconnaît l'imagination aimable et la pureté du goût de M. Chaudet.

Mais c'est principalement dans le groupe de Cyparisse qu'on retrouve toute la finesse de conception et la délicatesse de sentiment qui est répartie entre ses autres ouvrages. Le berger Cyparisse, favori d'Apollon, et à peine adolescent, tient dans ses bras un faon qu'il a blessé, et semble vouloir le consoler par ses caresses. La sensibilité se joint encore ici au mérite de la pensée : on dirait que le statuaire a été inspiré par le génie de Théocrite. Dans l'exécution, l'artiste a triomphé des plus grandes difficultés de l'art, en rendant avec pureté les formes et les contours de la jeunesse, qui, dans un pareil sujet. offrent le mélange de la grace féminine avec la vigueur naissante de l'autre sexe. Cette charmante statue, qui appartient encore à la veuve de M. Chaudet, est un monument que nous devons désirer de conserver en France pour l'honneur de l'école, et qui transmettra la gloire de son auteur aux siècles futurs.

Après cette élite des ouvrages de M. Chaudet, nous lui trouverions encore un assez grand nombre de titres pour une belle réputation. Ses statues de la Paix (3) et de Cincinnatus (4), le bas-relief dont il › a décoré le plafond de la première salle du Musée Napoléon, et qui

(3) Cette statue (de grandeur naturelle), qui a été exécutée en

argent, est placée dans le Palais Impérial des Tuileries.

(4) N'est encore qu'en plâtre, dans la salle du Sénat.

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