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Cinquième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de la ville de Chartres, des 17 mai et 13 septembre derniers, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, ledit jour 17 mai, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autre biens nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procèsverbal de ce jour, ensemble treize procès-verbaux d'estimations et évaluations desdits biens, faits les 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 29 novembre dernier, vus et vérifiés par le directoire du district de Chartres, et approuvés par celui de département d'Eure-etLoir, le 3 décembre présent mois.

« Déclare vendre à la municipalité de Chartres, district de Chartres, département d'Eure-etLoire, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d'estimations et évaluations, montant à la somme d'un million trois cent trente-neuf mille quatre cent quarante-sept livres quinze sols onze deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. »>

M. Heurtault- Lamerville, аи nom du comité d'agriculture et de commerce. Le 8 mai dernier, l'Assemblée a rendu un décret sur les moyens à prendre pour établir l'uniformité des poids et mesures, et pour déterminer les rapports entre les anciennes mesures et les nouvelles. Ce décret portait, entre autres dispositions, que chaque municipalité enverrait à l'Académie des sciences un modèle de ses poids et mesures. L'Académie des sciences a pensé que, pour rendre les effets de votre décret plus prompts et plus certains, il suffisait de faire venir des différents départements les mesures principales. Nous vous proposons une disposition à cet égard. L'Acadé mie des sciences vous a encore envoyé une instruction préliminaire qui sera adressée à toutes les municipalités. Le comité a reconnu que ce travail remplissait parfaitement vos vues. Voici le projet de décret qu'il vous propose :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'agriculture et de commerce, et sur les observations de l'Académie des sciences, désirant faciliter l'exécution de son décret du 8 mai dernier, sanctionné par le roi le 22 août, considérant qu'une partie des mesures existantes dans les municipalités, priocipalement pour les grains, sont irrégulières; que quelques-unes peuvent avoir été altérées par le temps, et n'être plus conformes aux titres en vertu desquels elles ont été établies; que ce serait consacrer des erreurs ou des infidélités que de fixer le rapport de semblables mesures, et que le fait se trouverait en beaucoup de lieux en opposition avec le droit, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

«Les directoires de département se feront adresser, par les directoires de district, un étalon de différentes mesures, de poids et mesures linéaires et de capacité en usage dans le cheflieu du district, avec le rapport constaté authentiquement et par titres ou procès-verbaux en bonne forme, de ces mesures principales avec

toutes les autres mesures en usage dans l'étendue du district.

Art. 2.

« Aussitôt que ces mesures et les pièces qui doivent les accompagner auront été rassemblées dans le chef-lieu du département, l'envoi en sera fait au secrétariat de l'Académie des sciences, en évitant les doubles emplois, dans le cas d'égalité authentiquement reconnue entre les mesures de plusieurs districts.

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Le présent décret sera adressé sans délai aux assemblées administratives de département. >> (Ce décret, mis aux voix, est adopté sans aucun changement).

M. Malouet, au nom des comités diplomatique, d'agriculture et de commerce, et de marine. L'objet dont j'ai à vous rendre compte est une pétition des patrons-pêcheurs de Marseille (1) relativement à des contestations subsistantes entre eux et les pêcheurs catalans établis dans le même port. Ils appuient leur demande des considérations d'intérêt public les plus imposantes pour des législateurs. Leurs adversaires ont aussi des droits à votre justice comme jouissant de leurs établissements et de l'exemption du service des classes sur la foi des traités. La communauté des pêcheurs de Marseille est une des plus anciennes de l'Europe (2). Les pêcheurs, à qui les Hollandais doivent la prospérité de leur marine, ne présentent aucun monument semblable à l'institution sage et utile des prud'hommes du port de Marseille. Ces prud'hommes, chargés de la juridiction des pêcheurs, se sont transmis par l'usage des lois qui sont un code complet, sanctionné par les comtes de Toulouse, code qui contient tout l'art de la pêche, dans lequel toutes les contestations sont prévues, toutes les règles de la navigation définies. Les efforts qu'ont faits plusieurs fois les pêcheurs catalans pour se soustraire à cette juridiction est un des objets de la contestation. Les guerres de Louis XIV ayant épuisé la classe de vos gens de mer, l'approvisionnement de Marseille offrit une perspective à ces étrangers. L'une des spéculations qui les engagea à venir s'établir dans ce port fut l'espérance de se soustraire, en leur qualité d'étrangers, au service des classes. C'est par cette même raison qu'il y a aujourd'hui autant de pêcheurs français à Barcelone que de Catalans à Marseille. La liberté de la pêche pour les sujets des deux nations a été respectivement stipulée par l'un des articles du pacte de famille, article qui porte que les pêcheurs étrangers seront soumis à toutes les lois, statuts et pragmatiques qui sont établis pour les pêcheurs nationaux; mais combien peu d'hommes demeurent fidèles à leurs obligations!... Les Catalans se sont refusés à payer les droits perçus par les pêcheurs français sur le produit de la vente des poissons pour les frais de la juridiction des prud'hommes; de là une foule de querelles et de procès.

Le conseil d'Etat intervint en 1786, et décida que les Catalans seraient soumis à la juridiction des prud'hommes, et qu'ils payeraient les droits sur le produit de la vente de leurs poissons, mais par abonnement, el à un taux inférieur à celui

(1) Voyez la séance du soir du 28 octobre 1790, Archives parlementaires, t. XX, p. 74.

(2) Voyez ci-après, p. 326, le Mémoire sur la police de la pêche française, présenté à l'Assemblée nationale par les députés des patrons-pêcheurs de Marseille.

des droits perçus sur les pêcheurs français; ils se refusèrent à l'exécution de cet arrêt et portérent leurs plaintes à l'airauté; mais l'arrêt fut confirmé. Cependant les pêcheurs marseilla's persistèrent dans leurs plaintes; lorsqu'après avoir servi glorieusement la patrie ils venaient reprendre leurs bate ux et leurs filets, ils voyaient avec peine des étrangers jouir,au milieu de la guerre, des faveurs de la paix et s'exempter du service public... Le mémoire qui a été publié par les prud'hommes de Marseille, que vous avez admis à la barre, contient encore d'autres griefs. Ils prétendent que la pêche à la ligne, usitée par les Catalans, est préjudiciable à la reproduction des poissons; qu'ils détruisent pour les appâts douze mi le quintaux de petits poissons qui serviraient à la nourriture des pauvres, pour ne tirer que huit mille quintaux de gros poissons pour les riches. Ils ajoutent qu'ils facilitent la contreband, qu'ils font passer chaque année dans leurs pays 600,000 livres de numéraire; enfin ils demandent qu'ils exécutent littéralement les traités, qu'ils se soumettent à toutes les charges du régime local, ou qu'ils soient exclus du port de Marseille.

Les Catalans répondent qu'ils sont utiles à la ville de Marseille, en ce qu'ils établissent une concurrence qui fait diminuer le prix du poisson, qu'ils entretiennent l'émula ion, qu'ils consomment à Marseille la plus grande partie du produit de leur commerce. Quant à l'impôt auquel on veut les soumettre, ils prétendent que c'est une contribution injuste qui ne tourne point au profit de l'Etat, et que, loin de les forcer de l'acquitter, elle doit être supprimée pour tous, et qu'on doit leur rendre compte des sommes qu'ils ont payees. -Les trois corps administratifs de Marseille sont d'avis que les pêcheurs français doivent obtenir de votre part la protection qu'ils réclament pour soutenir la concurrence avec les étrangers, et que, par conséquent, les Catalans doivent être soumis à toutes les charges locals. Quant au classement de cs derniers, vos comités n ont pas cru devoir interpréter ni étendre le sens des traités; ils vous proposent le projet de décret suivant...

(Le rapporteur donne lecture d'un projet de décret en huit articles.)

MM. Mougins et Castellanet présentent des observations sur le projet de decret.

M. Bouche. La juridiction des prud'hommes de Mareille s'étend à quatorze lieues de côtes et à trente et même à quarante lieues en mer. Les pauvres pêcheurs sont o ligés de chercher cette juridiction bin loin pour les contestations les plus minutieuses. Je den ande que la juridiction des prud'hommes de Cassis soit rétablie; les pêcheurs de ce port n'auront plus le désavantage d'être souvent jugés par leurs parties.

M. Malouet. J'adopte cette motion. Les corps administratifs de Marseille vous out exposé la nécessité de réduire la juridiction trop étendue des prud'hommes de Marseille. Je vous propose de rédiger le décret en ces termes :

L'Assemblée nationale s'étant fait rendre compte des pétitions et mémoires des patronspêcheurs de Marseille et autres pêcheurs etrangers établis dans cette ville et autres ports français de la Medi erranée, ouï ses comités de marine, de commerce et diplomatique, a décrété ce qui suit :

« Art. 1°r.

<< Toutes les lois, statuts et règlements sur la police et les procédés de la pêche, particulièrement les règlements sur les faits et procédés de la pêche en usage à Marseille, autres que ceux du 29 décembre 1786 et du 9 mars 1787, seront provisoirement exécutés, l'Assemblée se réservant, après la revision desdites lois, statuts et règlements, de former un nouveau code des pêches; et attendu qu'on a renouvelé, sur les côtes de Provence et de Languedoc, un procédé de pêche anciennement proscrit et sensiblement préjudiciable à l'industrie des pêcheurs et à la reproduction du poisson, ledit procédé connu sous le nom de la pêche aux boeufs, l'Assemblée nationale confirme les défenses prononcées par les précédentes lois, sous les peines y portées.

Art. 2.

« Les pêcheurs catalans continueront à jouir, d'après les conventions subsistantes entre la France et l'Espagne, de la faculté de pêcher sur les côtes de France, et de vendre leur poisson dans les ports où ils aborderont, en se conformant aux lois et règlements qui régissent les pêcheurs nationaux; en conséquence, lesdits pêcheurs catalans et autres étrangers domiciliés ou stationnaires à Marseille et sur les côtes de Provence, seront soumis comme les nationaux à la juridiction des prud'hommes dans les lieux où il y en a d'établies (celle de Marseille est maintenue) et obligés de se faire inscrire au bureau des classes où il leur sera délivré un rôle d'équipage contenant le nombre d'hommes dont sera armé chaque bateau pêcheur; ceux sous pavillon français pourront être composés par moitié d'étrangers; et ceux sous pavillon d'Espague, pourront aussi être composés par moitié de Français.

Art. 3.

« Seront également soumis les pêcheurs catalans et autres étrangers, comme les nationaux, au payement de la contribution dite de la demi-part, lorsqu'ils viendront vendre leurs poissons dans les marchés français.

Art. 4.

«La parité de charges et d'obligations entre les nationaux et les Catalans, assurant aux uns comme aux autres une parité de droits dans l'exercice de leur profession, les pêcheurs catalans, domiciliés à Marseille, jouiront en commun pour l'étendage de leurs filets, des terrains appartenant à la communauté des pêcheurs, seront appelés à ses assemblées et délibérations, et pourront être élus prud'hommes aux mêmes titres et conditions que les nationaux.

Art. 5.

« Les assemblées de la communauté des pêcheurs, pour toutes les élections et pour la reddition des comptes de recette et dépense de la communauté, seront tenues en présence d'un officier municipal et du procureur de la commune ou de son substitut, lequel aura le droit de requérir ce qu'il avisera pour constater l'authenticité des comptes, et parvenir à la liquidation des dettes de la communauté.

Art. 6.

« Les délibérations de ladite communauté pour

l'administration des revenus, et les contestations qui surviendraient sur le fait des élections, seront soumises à la décision du directoire du district, et, en dernière instance, à celle du directoire du département.

Art. 7.

"Tous les patrons pêcheurs, propriétaires d'un bateau monté de quatre hommes au moins, le patron et le mousse compris, ne pourront être soumis à aucun service public hors de l'enceinte du port et de la rade qu'ils habitent.

Art. 8.

« Le roi sera prié de donner ses ordres au ministre des affaires étrangères, pour concerter avec la cour d'Espagne les moyens d'attacher au service de l'une et l'autre nation, les gens de mer français et espagnols, domiciliés ou stationnaires sur les côtes de France et d'Espagne.

(Les huit articles qui précèdent sont successivement mis aux voix et adoptés.)

(Le même rapporteur, d'après quelques observations qui lui out été faites, a proposé un article additionnel en faveur de la ville de Cassis; cet article, qui a été décrété, est ainsi conçu :)

Art. 9.

« L'Assemblée nationale, prenant en considération la pétition de la ville de Cassis, pour le rétablissement, dans son port, de la juridiction des prud'hommes, dont elle jouissait anciennement, décrète que ladite juridiction y sera rétablie, et qu'il sera accordé sur les côtes de la Méditerrannée de pareils établisements à tous les ports qui en feront présenter la demande par les municipalités et corps administratifs des lieux. >>

(L'ensemble dù décret est mis aux voix et adopté.)

M. Vernier, rapporteur du comité des finances. Messieurs, vous avez entendu les détails des débordements de la Loire, de l'Allier et du Cher: j'ai à vous entretenir des désastres qu'ont causé ces rivières à leur source. Dans le département de la Haute-Loire, l'inondation a été subite sur une étendue de quinze lieues. Voici une lettre du district de Monistron, écrite à un des députés du département: « J'ai remonté la Loire et les autres rivières voisines; je n'ai trouvé que des ruines, des arbres, des maisons renversés. J'ai vu les malheureux habitants occupés à chercher dans la vase et le limon leurs provisions anciennes. Voilà, me disaient-ils, ce qui nous reste pour nourrir nos femmes et nos enfants. Nous n'avons d'autre espoir que dans la sensibilité de l'Assemblée nationale. »

Vous avez accordé des secours à d'autres départements qui ont beaucoup moins souffert : le comité vous propose de donner 15,000 livres de plus à ce département et à celui du Puy-deDôme qui a été peut-être plus maltraité encore. Le projet de décret du comité des finances est mis aux voix et adopté dans les termes suivants :

« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète qu'il sera provisoirement accordé une somme de 45,000 livres à chacun des départements de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme, pour être employé aux sécours les plus urgents et aux réparations les plus pressantes des dégâts occasionnés par les chutes d'eaux qui ont grossi subitement dans leurs sources, la

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M. Vernier présente, au nom du même comité, trois autres rapports: le 1er est relatif à l'accusation intentée contre le maire d'Argenteuil pour s'être opposé, soi-disant à la perception des impôts, et avoir propagé des principes co traires à la Constitution. Il se trouve que le fait est faux; que les directoires de district et département ont rendu le meilleur té noignage de ce fonctionnaire public - Le 2o a pour objet d'accorder provisoirement aux oratoriens de Salens une pension de 1200 livres jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu. Le 3° concerne les frais de la médille frappée à l'occasion de la journée du 4 août, aux fins de ne point les faire peser sur la nation et de les faire payer aux membres de l'Assemblée sur leurs premiers mandats.

Les trois projets de décret du comité des finances sont mis aux voix et adoptés, sans débat, dans la forme suivante :

Premier décret.

• L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des fina ces, sur une imputation faite au sieur Collas, maire d'Argenteuil, par Jean-Baptiste Avis Desfontaines, brigadier au recouvrement des impositions royales, dans son procèsverbal du 21 juillet 1790, de s'être opposé à la perception des deniers publics, et d'avoir parlé d'une manière peu respectueuse du Corps légistif, décrète, d'après l'avis du district et département, et sans avoir égard audit procès-verbal, qu'il n'y a pas lieu à inculpation contre le maire d'Argenteuil; qu'elle est satisfaite du zèle qu'il a constamment apporté, ainsi qu la municipalité dudit lieu, au mai tien et à l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale. »

Deuxième décret.

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, considérant que le collège des pères de l'Oratoire établi à Salins, ne peut se soutenir sans des secours extraordinaires, et que, par la suppression des jésuites, les biens qui appartenaient à cette société dans le ressort de ce département avaient été vendus sans procurer aucun secours audit collège, quoique le roi, par ses lettres patentes du 30 juillet 1766, eût réservé expressément de s'expliquer sur l'emploi qui serait fait des revenus des biens des jésuites pour l'éducation de ses sujets de Fanch-Conté, décrète que sur les fonds libres de la caisse de régie des bénéfices et d'administration des biens provenant des jésuites dans la ci-devant province de Franche-Comté, il sera prov soir ment acordé à la ville et au collège des pères de l'Oratoire de Salios, la somme de 1,200 livres par an, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu définitivement à l'emploi du revenu provenant des biens des jésuites dans ladite province. »

Troisième décret.

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, ordonne, en exécution de ses décrets des 4 août 1789 et 30 septembre 1790,

que les médailles en cuivre qui doivent être frappées, en mémoire de l'abandon de tous les privilèges, seront exécutées jusqu'au nombre de douze cents, y compris les cent trente qui sont déjà frappées; qu'à cet effet les coins, ainsi que les médailles, actuellement déposés aux archives de l'Assemblée nationale, en seront retirés pour être remis à la Monnaie et aux artistes chargés de l'exécution, jusqu'à l'entière perfection de l'ouvrage. Ces médailles seront distribuées à chacun de MM. les députés; après quoi les coins seront brisés en présence de commissaires; ordonne, en outre, que le prix de ces médailles sera payé par une retenue faite sur le montant des premiers mandats à délivrer à chaque député.

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M. le Président annonce qu'il vient de recevoir à l'instant, de la part du ministre de la justice et garde des sceaux, l'extrait d'une lettre écrite à M. de Montmorin, par M. le Prince, évêque de Spire, avec plusieurs pièces qui y sont jointes.

(L'Assemblée en ordonne le renvoi aux comités diplomatique et de féodalité.)

M. le Président annonce encore à l'Assemblée que les membres qui doivent composer le comité central dont elle a décrété hier l'établissement sont MM. d'André, Regnaud (de Saint-Jeand'Angély), de Folleville, Bouche, de Richier et de Crillon le jeune.

M. de Folleville propose de débaptiser ce comité et de l'appeler désormais comité de l'ordre du jour.

(Cette motion n'a pas de suite).

M. Ricard, député de Castres, demande et obtient un congé de trois semaines pour raison de santé.

M. le Président lève la séance à trois heures.

ANNEXE

A LA SÉANCE de l'AssemBLÉE NATIONALE DU 8 DÉCEMBRE 1790.

MÉMOIRE SUR LA POLICE DE LA PÊCHE FRANÇAISE présenté à l'Assemblée nationale par les députés des patrons-pêcheurs de Marseille. Juridiction sur la pêche de Marseille.

Parmi les juridictions établies à Marseille, il en existe une dont l'origine est aussi ancienne que cette ville, pour juger en dernier ressort tous les différends et contestations sur les faits relatifs à la pêche, entre tous pêcheurs établis en ladite ville, ou fréquentant les mers de MarEéille, qui s'étendent depuis le cap de l'Aigle jusqu'à la Couronne inclusivement (1).

Cette juridiction est exercée par quatre prud'hommes élus dans une assemblée générale des patrons-pêcheurs convoqués à la fin de chaque année, et tenue en présence du lieutenant et du procureur du roi au siège de l'amirauté.

(1) La Couronne est un cap dans la Méditerranée.

Ces quatre prud'hommes, choisis parmi les pêcheurs, ne peuvent remplir leurs fonctions qu'après avoir été installés par les officiers municipaux, et avoir prêté serment entre leurs mains.

I. - Ils ont un auditoire et salle commune où ils tiennent leurs audiences publiques, le dimanche à deux heures.

Rien de plus sommaire que la procédure usitée et constamment suivie de siècle en siècle.

Le pêcheur qui a quelques plaintes à former contre un autre, pour contravention à la police de la pêche, ou quelque demande à lui faire à l'occasion de la profession, s'adresse à l'un des gardes ou valets des pêcheurs; et en mettant deux sous dans une boite qu'on nomme de saint Pierre, et destinée aux pauvres, il le charge de citer son adversaire, le dimanche suivant. Le défendeur, avant d'être écouté, met aussi deux sous dans cette boîte, et ce sont là tous les épices et vacations. Cela fait, les parties disent leurs raisons aux prudh'hommes assis sur leur tribunal, en manteaux et rabats; ils les écoutent, les interrogent, entendent les témoins lorsqu'il y a lieu, et presque toujours ils concilient les parties. Toute cette instruction ainsi que les jugements se passent en public, les portes sont ouvertes aux étrangers, aux curieux, et quoique la foule soit considérable, il est hors d'exemple qu'on ait manqué aux prud'hommes qui ont toujours été en vénération à Marseille (1).

S'il n'y a pas moyen de concilier les parties, s'il faut absolument les juger, on appelle d'autres patrons-pêcheurs exerçant la profession qui a donné lieu au litige, qu'on appelle experts ou sapiteurs, et qui ont voix consultative. Les prud'hommes opinent, et le premier prononce en idiome provençal avec cette formule: La loi vous condamne. La partie condamnée paye sur-lechamp, et si elle s'y refuse, on fait séquestrer son bateau et ses filets par les gardes, et la plus prompte expédition suit le jugement le plus simple (2). Les parties plaident en personne, et la chicane est inconnue dans ce tribunal de pairs. Leur code est dans leur cœur et dans la pratique qu'ils ont des procédés de la pêche, il s'est transmis d'âge en âge, et leurs archives renferment d'ailleurs les règlements auxquels ils ont recours au besoin (3).

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(2) Au mois de mars dernier, le patron Mas, catalan, ayant réclamé des filets qu'il avait perdus en mer, d'un patron français, ils lui furent restitués sur-lechamp, et le jugement prononcé enjoignit à tout pêcheur, en pareil cas, de les déposer sans retard à la salle de juridiction, à peine de 50 livres d'amende. Voyez la lettre du consul d'Espagne aux prud'hommes (1. B).

(3) Voyez le recueil en manuscrit relié.

(4) A et B. Voyez les deux réquisitions du bureau des classes de Marseille.

des dépêches, on trouve encore cette ressource auprès des prud'hommes (1).

3° Lors des désarmements à Toulon, le bureau des classes de Marseille est obligé d'occuper les matelots mis à terre sans secours, pour prévenir leur émigration, et c'est encore aux prud'hommes qu'ils s'adressent; ce sont eux qui les distribuent sur les bateaux et tartanes de pêche de Marseille: c'est là où ces malheureux matelots, aux dépens des pêcheurs marseillais, restent jusqu'à un autre armement, ou à ce qu'ils puissent s'embarquer sur des navires de commerce, et c'est là enfin où ces mêmes matelots trouvent leur subsistance et celle de leurs familles.

4. Ce sont les prud'hommes qui placent sur les bateaux, tartanes et autres bâtiments pêcheurs les volontaires-matelots pour les habituer à la navigation, et servir ensuite sur les vaisseaux de la marine royale (2).

5° S'il arrive un incendie dans le port, les prud'hommes obligent tous les pêcheurs d'aller au feu et fournissent à ce sujet, au moins 110 hommes (3).

6o Si les navires du commerce sont en danger, les prud'hommes sont encore chargés de fournir les secours les plus prompts (4).

7° Si un navire fait un signal de détresse, il trouve toujours près de lui des pêcheurs qui lui fournissent des pilotes, qu'on lui refuserait peut-être sans l'existence des prud'hommes et leur surveillance à tout ce qui peut intéresser l'utilité publique.

8° C'est à eux que le bureau de la santé s'adresse pour prévenir toute communication avec les navires venant des pays suspects (5).

Depuis l'heureuse révolution de la France, la municipalité a fait élever une garde dans le port de Marseille. La chambre de commerce en supportait les frais s'élevant, pour toute l'année, au delà de 18,000 livres. On y employait des matelots de toutes les nations; mais cet établissement éprouva bientôt un changement heureux, dû encore aux prud'hommes. Ils convoquèrent tous les patrons-pêcheurs, et offrirent, d'après leur vou, de faire cette garde gratuitement. La municipalité accepta les offres (6), et il en résulta ce double avantage d'épargner annuellement 18,000 livres à la chambre de commerce, et de placer dans des mains patriotiques et fidèles un dépôt, à la conservation duquel la France entière est intéressée. Chaque jour, les prud'hommes emploient à cette garde précieuse vingt-quatre pêcheurs marseillais; et c'est à la surveillance des uns et au patriotisme de tous, qu'est dû le zèle qui soutient ce service.

10° On doit également aux prud'hommes le don de 2,000 livres faits par les pêcheurs à la nation et une délibération qui soumet leur trésorier à porter ses rentrées à celui de la ville et à les échanger avec des assignats de 200 et 300 livres que la municipalité, ensuite de sa proclamation,

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retire des ouvriers, ce qui contribue à rétablir le même numéraire dans la caisse de la maison commune, et tend à augmenter la circulation des assignats et à soutenir le crédit public.

11° On doit enfin à ces mêmes prud'hommes la garde extraordinaire qu'ils ont fournie, à la demande du maire de Marseille, au port de cette ville sur le sort de laquelle on avait conçu des craintes et l'ordre qui y a régné la veille et le jour de la fédération (1).

Ces différents genres d'utilité, reconnus de tous les temps, ont aussi déterminé le gouvernement à confirmer (2) une juridiction nécessaire, et sur laquelle reposé le salut d'une classe de citoyens dont l'Etat ne peut se passer.

Véritablement, en 1776, partie de cette juridiction leur fut ravie. L'exercice, par rapport aux étrangers, leur fut suspendu par un arrêt du conseil, et la connaissance en fut renvoyée à l'intendant de Provence. Instruits de cet arrêt les pêcheurs de Marseille crurent qu'il était de leur devoir de manifester au conseil la surprise qui venait de lui être faite. Ils députèrent, à cet effet, deux prud'hommes à Paris. L'agrément de l'intendant leur était nécessaire, mais ils ne purent l'obtenir. A leur arrivée l'intendant de Provence, pour lors à Paris, les fit mettre en chartre privée dans leur appartement, par le ministre de la marine (M. de Sartine), avec ordre de vider la ville sous huit jours. Après cet acte d'autorité, ils ne leur fut plus permis de douter que l'arrêt de 1776 ne fût le fruit de l'intrigue du commissaire départi, avide d'attribution. Ils attendirent un temps plus heureux pour porter leurs justes réclamations. Dix années s'écoulèrent, et enfin, en 1786, par conséquent après le plus mûr examen, un arrêt du conseil reconnut l'insuffisance de l'intendant, proclama l'utilité de la police des prud'hommes, et leur restitua la partie de la juridiction dont l'exercice leur avait été suspendu.

Cet arrêt ne fut pas plus tôt affiché à Marseille, que les pêcheurs étrangers cherchèrent à en croiser l'exécution; ils s'adressèrent au siège de l'amirauté de Marseille, et quoique incompétent et inférieur, il leur accorda une surséance. Elle ne fut pas aussitôt connue que cassée le 18 novembre, par un arrêt du conseil, avec défense à cette amirauté d'en rendre à l'avenir de pareilles, à peine d'interdiction.

La nécessité de cette juridiction douce et paternelle, si ancienne et si souvent confirmée, ne saurait être plus certaine, et si elle a jamais été exposée à la censure, ce n'est que de la part des auteurs de cette attribution et de cette surprise meurtrière pour la profession de quelques pêcheurs étrangers, qui ne veulent connaître ni règle ni subordination, et contre lesquels l'intendant lui-même, pendant son attribution, fut forcé de sévir (3).

Ce n'est que de la part de ces étrangers qui ne restent qu'une partie de l'année à Marseille, qui la fuient pendant six mois consécutifs, avec un numéraire assez considérable, et qui, sans parler de plus de 10,000 quintaux de sardines que nous leur fournissons pour les appâts, et en fixant à

(1) Le 8 août 1790, ils ont fourni gratuitement quinze bateaux et une tarlane, pour transporter au château d'If 200 soldats du Vexin, avec leurs armes, bagages et lits.

(2) Voyez le dossier des lettres patentes et arrêts du conseil, intitulé: Titres justificatifs.

(3) Voyez le dossier de la procédure et ordonnance de l'intendant.

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