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soit par un 'ministre délégué spécialement à cet effet. Le discours de la Couronne, en ce qui touche l'exposition de la situation politique du pays et les projets annoncés pour l'avenir, est arrêté en conseil des ministres et mis sous la responsabilité morale du cabinet.

Aussi l'adresse en réponse au discours du roi est-elle précédée de l'examen général de la politique suivie par les ministres dans l'état actuel de nos usages parlementaires, la discussion de l'adresse est l'épreuve solennelle de la politique et de la vitalité d'un ministère.

Le roi a le droit de proroger les chambres, c'est-à-dire de clore la session qui s'ouvre et se termine aux mêmes époques pour les deux chambres. La clôture se fait par une ordonnance du roi communiquée aux chambres par un ministre, et après la lecture de laquelle toute délibération serait inconstitutionnelle. La loi du 13 août 1814 (1) [tit. 2, art. 4] reconnaît aussi un droit de prorogation ou d'ajournement qui se réduit à suspendre pendant un certain temps la session commencée. La Charte se tait sur ce droit de suspension, dont l'exercice a eu lieu une fois depuis 1830, et dont l'usage demande la plus grande circonspection. Ce droit ne peut jamais être employé pour arrêter les discussions commencées à la tribune : ce serait violer la liberté nationale.

Le roi a la haute prérogative de dissoudre la chambre des députés : c'est un appel au pays, aux colléges électoraux, qui peut être fait par la royauté, soit quand il y a opposition formelle entre le vœu de la majorité de la chambre et la politique suivie par le ministère, soit quand il y a absence de majorité réelle, soit quand l'existence de la chambre approchant du terme quinquennal, il y a utilité à renouveler par anticipation la chambre élective, afin de présenter avec plus de sécurité des projets de lois

(1) Cette loi est intitulée Règlement concernant les relations des chambres avec le roi et entre elles. —- A la fin, il est dit que le règlement discuté, délibéré et adopté dans les deux chambres, sera publié et enregistré pour être exécuté comme loi de l'État. — C'est celui qu'on observe encore, sauf une disposition de cérémonie sur le droit des députés de s'asseoir devant le roi; la permission du chancelier est tombée en désuétude depuis 1830.

ou des vues gouvernementales qui demandent l'appui du temps et d'une majorité durable.

La royauté qui nomme les pairs de France n'a pas le droit de dissoudre la chambre des pairs: autrement l'existence de celle-ci, livrée à l'arbitraire, n'aurait aucune dignité, et partant aucune valeur. Mais le nombre des pairs n'est pas fixé le roi a le droit de l'augmenter et peut exercer par sa prérogative une influence réelle sur une majorité qui serait hostile au gouvernement représentatif. Ce droit, quoique illimité en soi, est limité par la nature des choses. Une sage réserve est imposée à la Couronne par le besoin de conserver à un corps, composé de supériorités sociales, son caractère d'illustration, et le principe de sa puissance politique, qui est surtout une puissance intellectuelle et morale.

Quant à la confection de la loi, le roi a le droit de proposition, mais il partage l'initiative avec les chambres. Il ne peut intervenir directement dans la discussion, car il n'y aurait plus de discussion libre : par la même raison les ministres, les commissaires appelés à soutenir des projets de lois spéciales, les orateurs des deux chambres ne peuvent faire intervenir le nom du roi dans la discussion.

Le roi seul sanctionne et promulgue les lois [18]. - Il sanctionne en apposant sa signature au projet de loi adopté par les deux chambres. Cette approbation est la part.complémentaire attribuée à la royauté dans l'exercice de la puissance législative. L'initiative du projet de loi a a pu être

prise par

l'une des deux chambres; la discussion a pu modifier par amendement le projet présenté d'abord au nom de la Couronne; il faut donc que la loi ou les modifications soient adoptées par celle des trois branches du pouvoir législatif qui n'a pu encore faire connaître sa volonté. Du droit d'accorder naît celui de refuser la sanction, refus qui s'exprime par la formule le roi avisera; ou le roi veut en délibérer [L. 13 août 1814]. Le veto purement suspensif, dans la Constitution de 1791, reposait sur la prédominance accordée à l'assemblée législative pour la confection de la loi; la Charte a établi l'égalité dans l'action générale des

branches du pouvoir législatif : le droit de sanction s'unit donc au droit de proposition soit pour le compléter, soit pour le remplacer, quand l'initiative n'est pas venue de la

Couronne.

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Si le droit de proposition est partagé entre le roi et les chambres, le droit de sanction, au contraire, appartient au roi seul cela vient de ce que le roi ne pouvant prendre part à la discussion de la loi, le droit de sanction lui tient lieu du droit de discussion. Il ne faut pas toutefois en conclure que la signature du roi sera seule apposée à la loi. Le contre-seing d'un ministre est nécessaire pour tous les actes émanés de la royauté ; ces actes n'existent pour la société que par l'attestation qui résulte du contre-seing ministériel. L'usage du contre-seing remonte au règne de Louis XI, et a été reconnu comme nécessité constitutionnelle par l'assemblée nationale (Const. de 1791, tit. 3). C'est parce que la signature du roi était au XVe siècle facilement imitée par des faussaires que la règle s'est établie, dans l'ancien droit public de la France, que la signature du roi, dans tout acte de gouvernement, devait être contresignée. L'obligation du contre-seing est, dans le droit moderne, l'une des bases et des garanties de la responsabilité ministérielle. Mais tout contre-seing apposé par un ministre n'entraîne pas responsabilité. La responsabilité s'applique aux actes du pouvoir exécutif et non aux actes du pouvoir législatif c'est une distinction, une règle prise dans la nature des choses : la puissance législative ne peut pas faire un crime à un ministre d'une chose qu'elle a voulue, délibérée et acceptée. L'usage du contre-seing, antérieur dans l'histoire au principe de la responsabilité ministérielle, se lie donc à la responsabilité sans l'entraîner comme conséquence nécessaire.

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La promulgation des lois appartient au roi, mais ne dépend pas de sa participation à la puissance législative; elle se fait par l'insertion au Bulletin des lois, accompagnée du sceau royal et de la signature du ministre de la justice. C'est comme chef du pouvoir exécutif que le roi notifie la loi à la société dans les formes légales. La loi existe

avant la promulgation, puisqu'elle est achevée par la sanction royale, mais elle n'est exécutoire, elle n'acquiert la force coërcitive qu'en vertu de la promulgation et du mandement d'exécution adressé par le roi aux magistrats de l'ordre judiciaire et administratif. Il ne suffit pas que la publicité de droit s'attache à la loi par la promulgation, il faut qu'elle s'attache à la promulgation elle-même : l'art. 1er du Code civil, combiné avec l'ordonnance du 27 novembre 1816, établit un délai progressif en rapport avec les distances, afin de laisser aux autorités et aux citoyens le temps de connaître la loi et sa promulgation. La publicité de fait, qui aurait antérieurement existé n'entraînerait aucune conséquence légale. Après la promulgation par l'insertion au Bulletin des lois, après le délai d'un jour au siége de la promulgation, et, pour les départemens, le délai déterminé légalement selon la progression des distances, nul n'est censé ignorer ni la loi ni sa promulgation: cette présomption de droit tient lieu de la notification individuelle à tous les citoyens; notification impraticable. Dans les cas urgens, les formes ordinaires de la promulgation sont remplacées par une forme plus rapide, l'envoi direct des lois aux préfets qui les font immédiatement imprimer et afficher; elles sont exécutoires du jour de la publication (1).

La promulgation étant un acte du pouvoir exécutif, son omission peut être un cas de responsabilité ministérielle, car les intérêts du pays peuvent avoir gravement à souffrir de la non-promulgation d'une loi votée et sanctionnée; c'est le garde des sceaux, ministre de la justice, qui, spécialement chargé de faire connaître l'acte de promulgation, serait responsable de son omission.

II. CHAMBRE DES DÉPUTÉS. Les droits de la chambre des députés concernent:

Sa participation à la puissance législative et le contrôle qu'elle exerce sur les actes du pouvoir exécutif;

Son organisation comme chambre législative;

(1) Ord. 18 janvier 1817.

Les priviléges de ses membres, et ceux de la chambre, comme corps de l'État;

Et enfin quelques conditions attachées, dans l'intérêt public, à la qualité de député.

1° L'initiative des lois, possédée en commun avec les autres branches du pouvoir législatif, le droit de discuter librement, d'adopter avec ou sans amendement, ou de rejeter les projets de lois, le vote annuel de l'impôt, le vote annuel du contingent de l'armée, l'antériorité de dicussion et de vote sur la chambre des pairs pour le budget et toute loi d'impôt, tels sont les actes qui constituent la participation de la chambre à l'exercice du pouvoir ligislatif; et, sous ce rapport, la Charte a consacré complètement la doctrine de Montesquieu : « La puissance (( législative doit statuer d'année en année sur la levée << des deniers publics, sur les forces de terre et de mer : « autrement la puissance exécutrice ne dépendrait plus « d'elle. >>

Mais il est une autre prérogrative non moins importante, le droit d'examen et de contrôle à l'égard des actes du pouvoir exécutif: « Le corps des représentans, dit encore « Montesquieu, ne doit pas être choisi pour prendre quel« que résolution active, mais pour faire des lois ou voir si l'on « a bien exécuté celles qu'il a faites (1). » — Tous les actes du pouvoir exécutif tombent sous le contrôle de la chambre puisque tous les services sont passés en revue par l'examen et le vote du budget de l'État. Le droit de contrôle, attribué à la chambre, s'étend jusqu'au droit d'accusation contre les ministres, qui appartient exclusivement aux députés.

Une autre prérogative, qui associe encore l'action de la chambre à celle du pouvoir exécutif, c'est le droit de discuter les traités qui contiendraint quelque clause à la charge du trésor public, ou quelque aliénation du territoire national ou colonial, et de rejeter les clauses de cette nature. Le droit de la roya uté de faire les traités de paix, d'alliance et de commerce, ne s'exerce pleinement que dans les ma

(1) Esprit des lois, liv. II, ch. 6.

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