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l'administration le droit de régler le service des postes ainsi qu'elle le juge convenable et par suite celui de déterminer, comme elle l'entend, la vitesse de la marche des malles-postes; enfin, qu'il est de principe. que les lois générales ne trouvent d'application que dans les matières qui ne sont pas réglées par des lois spéciales.

Ce jugement a été dénoncé par le minis. tère public à la censure de la Cour de cassation.

Le demandeur fondait son recours :

1o Sur ce que, contrairement au texte de l'article 475, no 4, du Code pénal, qui est général et absolu, le tribunal avait admis une exception en faveur des courriers des malles-postes, sans qu'aucune loi spéciale, ni aucun arrêté porté en exécution d'une loi, autorisât une semblable dérogation;

2o Sur ce que l'administration des postes, qui a le droit de régler la marche de ses voitures d'après les besoins du service, ne peut déroger à une loi de police;

3o Sur ce qu'en supposant même qu'elle fut investie de ce pouvoir, rien ne démontrait qu'elle en aurait fait usage pour consa crer en faveur de ses courriers une dérogation à l'article 475, n° 4, précité.

Il ajoutait que l'article 475, no 4, se compose de deux parties qui ne doivent pas être confondues.

La première partie se suffit à elle-même; elle se rapporte exclusivement aux chevaux ou bêtes de trait, attelés ou non attelės; tandis que la seconde partic suppose l'existence de règlements spéciaux ayant pour objet le chargement, la rapidité ou la mauvaise direction des voitures, et n'a d'autre but que d'autoriser les administrations publiques à porter pour certaines localités, pour des cas particuliers, ou pour des voitures d'une certaine catégorie, des mesures plus sévères que ne le comportait la première partie; tel est par exemple l'arrêté du 24 novembre 1829 sur les messagerie's.

Par ces mots, faire courir un cheval, ou une bête de trail, etc., dans l'intérieur d'un lieu habité, le législateur n'a pas voulu astreindre les conducteurs à faire constamment marcher leurs chevaux au pas, mais il a seulement voulu leur défendre de les faire galoper, ou faire courir au grand trot, dans toutes les agglomérations quelque peu considérables d'habitations, ainsi que dans les villes, bourgs, villages et hameaux.

Le demandeur appuyait cette interprétation sur un arrêté rendu pour la ville de

Paris, du 7 fructidor an iv, et sur la doctrine de Chauveau et Hélic.

Il ajoutait que cette disposition étant générale et s'appliquant aussi aux chevaux et bêtes de trait, quelles que soient la nature et la destination des voitures auxquelles ils sont attelés, il faudrait, pour admettre une exception à cette règle en faveur des mallespostes, une disposition bien formelle, d'au-. tant plus que les motifs de sécurité, qui ont fait prendre cette mesure de police, existent pour toutes les voitures indistinctement, donc aussi bien pour les voitures publiques que pour celles des particuliers, lorsqu'il n'existe pas de règlements spéciaux à leur égard.

Il est vrai que la jurisprudence française n'applique pas aujourd'hui aux courriers des malles-postes le n° 4 de l'article 475 du Code pénal, mais c'est en vertu de deux ordonnances du gouvernement français de 1827 et 1837, nommément en vertu de cette dernière dont l'article 37 dispose formellement que les règles ayant pour objet la police des voitures publiques, et les arrêtés des administrations locales, sont sans application aux malles-postes, et qu'elles ne sont soumises qu'aux règlements de l'administration spéciale qui les dirige. (Voy. Journal du Palais, vo Postes, no 894 et suivants.)

En Belgique, au contraire, l'arrêté du 24 novembre 1829 ni aucun autre document législatif quelconque n'a décrété comme les ordonnances françaises que le service des postes ne serait soumis qu'aux règlements de l'administration spéciale qui le dirige.

Cependant le jugement attaqué décide que l'administration des postes a le droit de régler le service des malles-postes, comme elle le juge convenable, de manière qu'il rentre dans ses attributions de déterminer comme elle l'entend la vitesse de la marche des malles-postes.

Il se fonde sur le décret des 24-30 juillet 1793, visé et rappelé dans un arrêté royal du 18 décembre 1832: mais ce décret de 1793 n'a jamais été publié en Belgique, et la circonstance qu'il se trouve visé dans l'arrêté du 10 décembre 1832 ne peut tenir lieu de publication. D'ailleurs, en attribuant à l'administration des postes le pouvoir de régler la vitesse de la marche des mallespostes, ce décret n'a pas conféré à cette administration le pouvoir de se mettre audessus des lois de police, ni de négliger les mesures de police consacrées par les lois, dans l'intérêt de la sécurité publique.

Le décret de 1793 n'a investi l'administration des postes que d'un pouvoir réglementaire limité par les prescriptions légales qu'elle doit respecter, à moins qu'un texte formel ne l'en ait affranchie.

Ce qui le prouve, c'est que lorsque le législateur a voulu soustraire le service des postes à certaines mesures gênantes, il s'en est exprimé clairement. Ainsi il l'a fait dans la loi du 29 août 1790, et dans l'arlicle 159 de l'arrêté royal du 30 juillet 1845, d'après lesquels les règlements départementaux, ou provinciaux et locaux, qui tracent des mesures de police concernant la circulation des voitures ne peuvent être rendus applicables aux malles postes.

Mais dans l'espèce il ne s'agit pas de semblables règlements, mais de l'application d'un texte de loi aussi absolu dans ses termes que dans ses motifs, et devant lequel l'administration doit céder, puisque nulle part on ne rencontre de disposition légale qui lui permette de s'y soustraire.

Le service postal a été réorganisé en Belgique par des arrêtés royaux en date des 6 avril 1841 et 30 juillet 1845, qui forment en quelque sorte un système complet de législation, dans lequel un principe aussi exorbitant que celui consacré par le jugement attaqué aurait certainement trouvé sa place, si en réalité l'administration des postes était en droit de l'invoquer.

En supposant d'ailleurs que l'administration ait eu le droit de déroger à une dis position légale en faveur des courriers des malles postes, rien ne prouve qu'elle ait fait usage de ce droit pour consacrer en leur faveur une dérogation à l'article 475, no 4, du Code pénal précité.

En vain, produit-on le tableau annexé à l'arrêté du 19 novembre 1847, qui détermine le temps endéans lequel le courrier doit faire le trajet entre Mons et Chimay, el argumente-t-on de ce que ce temps est calculé à raison d'autant de minutes par kilomètre; car il n'en résulte pas nécessairement que le trajet ne peut pas être parcouru dans le temps prescrit tout en observant la première partie de l'article 475, no 4, précitée, d'autant moins que cet article n'est pas prohibitif d'un trot ordinaire dans les lieux habités, et que d'ailleurs il n'est dit nulle part que le trajet partiel de chaque kilomètre doit se faire en un nombre égal de minutes.

Enfin, la colonne d'observation de ce tableau ne fait qu'indiquer la moyenne qui

a été adoptée comme base du calcul, et rien ne forme obstacle à ce que, soit à cause des difficultés du terrain, soit pour toute autre cause, le courrier emploie un temps plus long à parcourir certains kilomètres déterminės, sauf à imprimer une rapidité d'autant plus grande à sa voiture, dans les parties de la route où les obstacles n'existent pas.

M. l'avocat général Faider a conclu à la cassation dans les termes suivants :

Le jugement dénoncé constate en fait que le défendeur Linskens, en sa qualité de courrier de dépêches, a, le 26 juillet 1851, en traversant la grand'place de Mons, sur la grand'route, pour se rendre au bureau de l'administration des postes où il devait remettre ses dépêches, fait courir au galop le cheval attelé à la malle-poste qu'il conduisait. Le ministère public requérait l'application de l'article 475, no 4, ainsi conçu : Seront punis de... ceux qui auront fait ou laissé courir les chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture, dans l'intérieur d'un lieu habité. Le tribunal de Mons a décidé que cet article n'est point applicable à un courrier de malle-poste, lequel est affranchi de l'observation des lois et règlements relatifs à la rapidité des chevaux et voitures. Les moyens de cassation ont été exposés par M. le conseiller rapporteur, et nous croyons pouvoir nous y rallier.

Nous comprenons la nécessité de la promptitude et de l'exactitude dans le service des malles-postes; nous comprenons que l'on use à l'égard des courriers d'une certaine tolérance; nous ne blâmerions point l'autorité si elle se montrait indulgente; mais nous ne pouvons admettre, en droit, que l'on érige en exception légale et générale ce qui ne pourrait être à la rigueur qu'une tolérance. Une fois une contravention constatée et établie, une fois la justice appelée à faire l'application d'une loi pénale à cette contravention, la loi doit être appliquée sans exception, lorsque l'exception n'est pas écrite dans la loi même. Or, l'exception et la loi qui donne à l'exception un caractère absolu et légal, nous ne l'avons pas trouvée.

Le jugement dénoncé ne l'indique pas : aux motifs de sûreté des personnes qui ont dicté la loi pénale, le jugement oppose des raisons de convenance et de service qui justifieraient l'exception à cette loi : au texte précis et général de la loi, le jugement oppose des lois et des arrêtés auxquels il donne un sens que nous n'y rencontrons

pas. Quelques explications vont justifier, pensons-nous, notre appréciation.

Le jugement dénoncé dit que la loi du 24 juillet 1793, visée en Belgique dans l'arrêté royal du 10 décembre 1832, ordonne que les voitures chargées de dépèches feront au moins deux lieues à l'heure el que leur marche ne sera jamais interrompue ni le jour ni la nuit, si ce n'est le temps nécessaire pour l'exécution du service. Le jugement ajoute que, d'après cette législation, l'administration a le droit de régler le service des postes ainsi qu'elle le jugera convenable. Ces prémisses posées, le jugement en déduit, comme conséquencé légale, qu'il rentre dans les attributions de l'administration de déterminer comme elle l'entend la vitesse de la marche des mallespostes. Après avoir posé ces principes, le tribunal correctionnel de Mons constate qu'aux termes de l'arrêté ministériel du 19 novembre 1847, il n'est accordé qu'un temps très court pour parcourir la route de Chimay à Mons que le défendeur est appelé à desservir; et il observe que l'arrêté ne faisant point de distinction entre les lieux habités et non habités, il est peu probable que cette distinction ait été prise en considération dans ses calculs.

Nous ne pouvons, nous ne devons pas nous contenter ici d'une probabilité : la loi accorde-t-elle à l'administration des postes le droit de soustraire ses courriers aux lois de police et d'ordre public? Et l'administration a-t-elle ici usé de ce droit? Nous répondons négativement à ces deux questions.

D'abord, supposant que l'administration ait ce droit, nous croyons pouvoir dire qu'elle n'en a pas usé les arrêtés invoqués, les documents du procès ne le prouvent pas. Nous voyons bien que le ministre accorde à son courrier un maximum de sept heures quarante-cinq minutes pour parcou rir la route de Mons à Chimay et de six heures quarante-cinq minutes pour le retour de Chimay à Mons; nous voyons bien que le temps de route a été calculé à raison de huit minutes par kilomètre, ce qui suppose, nous le reconnaissons, une grande rapidité; mais résulte-t-il de ce qu'une distance a été calculée à raison de huit minutes par kilomètre, que l'on soit obligé de parcourir en huit minutes chacun des espaces de mille mètres qui composent la route entière? Il serait absurde de le prétendre; ce qui est vrai, c'est que d'un bureau à l'autre, il est accordé un temps minimum et que le

mode de parcours est réglé, entre les bureaux, soit par la nature du terrain, soit par la qualité des lieux, suivant les obstacles naturels ou légaux que la force des choses ou des lois oppose à la marche des courriers, si bien que les courriers doivent compenser par une rapidité plus grande en certains endroits les ralentissements forcés de la marche. Nous pouvons donc dire que le courrier n'a pas été, en réalité, affranchi terdisent, dans les parties populeuses, node l'obligation de respecter les lois qui intamment dans les villes, une rapidité telle que la sûreté des personnes serait compromise et que les accidents deviendraient imminents.

Mais en principe, l'administration pourrait-elle, en prescrivant une rapidité exagérée ou insensée à ses courriers, les soustraire aux lois de police? Nous laissons de côté ce que notre hypothèse a d'absurde; nous nous bornons à la considérer au point de vue des lois qui régissent le service de la poste aux lettres. Que dit le jugement dénoncé? La législation laisse à l'administration le droit de déterminer comme elle l'entend la vitesse de la marche des malles-postes; en détermi nant cette vitesse, elle n'a point distingué les lieux habités et ceux qui ne le sont pas ; donc le courrier est affranchi de l'obligation de se soumettre à l'article 475 du Code pénal. Ce raisonnement ne nous semble ni logique ni légal : d'abord, de ce que l'administration se tait sur les lieux habités, il faut au contraire conclure qu'elle a entendu rester dans le droit commun et respecter le lois de sûreté; ensuite, de ce que l'administration a le droit de régler la marche des malles-postes, de fixer les heures d'arrivée et de départ, de régulariser le service en tenant compte des obstacles naturels et légaux et en favorisant, dans ces termes, la promptitude des correspondances, il ne s'ensuit pas légalement qu'elle puisse créer, au profit de ses courriers, une exception qu'aucune loi n'a admise à coup sûr, si ce pouvoir d'exception a été conféré à l'administration, il doit résulter d'un texte précis et non point, comme le pense le tribunal de Mons, d'une déduction plus ou moins rigoureuse.

:

Voyons les textes sur lesquels le tribunal s'appuie sans pourtant en citer aucun. Quant à la loi de 1795, sans examiner si elle a été valablement publiée en Belgique, nous n'y trouvons aucune disposition de nature à consacrer l'exception admise par le jugement l'article 10 dit bien que les malles

feront au moins deux lieues à l'heure, mais convenons que cette disposition est peu concluante en présence des dispositions postérieures qui prescrivent une rapidité plus grande que celle qui est basée sur un minimum de deux lieues à l'heure ; rien donc à tirer de cette disposition. Peut-on argumenter de l'art. 74 de la loi de 1795? Cet article confère, en termes généraux, à l'administration le droit de diriger la marche des courriers selon qu'elle le jugera le plus convenable pour le bien du service, de fixer le nombre des relais, des chevaux et des postillons, etc. : rien encore que l'on puisse opposer aux termes généraux de l'art. 475 du Code pénal. La loi du 19 frimaire an VII, article 26, confère aussi au Directoire exécutif le droit de faire tous les règlements nécessaires d'ordre et de police, mais comment le Directoire exécutif a-t il compris cette délégation? Il suffit de lire l'arrêté du 1er prairial an VII, porté en exécution de cette loi, pour se convaincre que le gouvernement n'a pas dispensé les postillons ou les courriers de l'observation des lois : au contraire, nous lisons dans l'arrêté (art. 8 du 9) que la course d'une poste doit se faire, dans les localités ordinaires, dans une heure, terme qui a été réduit à quarantecinq minutes par l'article 4 de l'arrêté royal du 13 mars 1835; ne pourrait-on pas tirer de ces mots dans les localités ordinaires un argument plutôt favorable que contraire au système que nous soutenons, puisque les localités populeuses, autrement dit les villes, imposent parfois un ralentissement forcé?

Ce qui confirme cette appréciation, c'est l'article 25 de la loi du 19 frimaire an vii : « Le directoire exécutif est autorisé à fixer « l'indemnité que les maîtres de postes des << grandes communes seraient dans le cas « de réclamer pour l'espace que leurs chevaux ont à parcourir dans l'intérieur des<< dites communes. » Quel peut être le motif de cette indemnité, connu sous le nom de distances de faveur (voy. Hochstein, Diction. postal, vo Poste aux chevaux, no 8)? Evidemment la perte de temps occasionnée par le ralentissement et les obstacles inévitables dans les localités populeuses. Or, est-ce en présence d'une pareille disposition que l'on peut prétendre que l'administration a le droit d'autoriser les courriers à traverser à tout rompre les villes les plus peuplées?

Notons que le transport des dépêches par des mailes est confié aux maîtres de postes par l'arrêté royal du 10 décembre 1832, et que les lois qui régissent la poste aux chePASIC., 1852. Are PARTIE.

vaux s'appliquent au cas où les maîtres de postes transportent des dépêches comme aux autres cas.

En France, comme le fait remarquer le mémoire en cassation, la Cour de cassation jugeait que l'ordonnance du 27 décembre 1827, qui exceptait les malles-postes des règles relatives à la forme, à la dimension et au chargement des voitures publiques, ne s'appliquait pas aux faits relatifs à la sûreté publique et individuelle: il a fallu une ordonnance spéciale du 16 juillet 1828 pour établir que les malles-postes ne seraient. soumises qu'aux règlements de l'administration qui les dirigent. Sans examiner si pareille ordonnance aurait quelque force obligatoire dans notre pays, nous pouvons dire, en fait, qu'elle n'existe pas l'arrêté-règlement relatif aux messageries se borne à déclarer, article 122, que les dispositions qui concernent les cochers et postillons des messageries ze dérogent pas à ce qui est statué plus spécialement à l'égard des postillons de la poste aux chevaux; il en résulte, par exemple, que la défense imposée aux diligences, par l'article 71 du règlement de 1829, de galoper en route et d'aller autrement qu'au pas dans les rues étroites ou fort peuplées, pourrait ne pas s'appliquer aux malles postes, c'est-à-dire régir la poste aux chevaux; mais résulte-t-il de là que le galop est permis et peut être permis dans les villes aux malles-postes, même lorsqu'elles transportent des dépêches? C'est ce que nous ne saurions admettre en présence des dispositions que nous avons rappelées et qui ont précisément en vue les retards qui peuvent résulter du parcours dans les localités populeuses.

Vainement opposerait-on la loi du 29 août 1790 (Code Merlin, 1, 147) qui défend aux assemblées et directoires de département et de district, aux municipalités et aux tribunaux de donner des ordres pour la marche et l'organisation du service des postes aux lettres: il n'est nullement question ici de semblable empiètement sur les attributions de la régie des postes; il est question d'une disposition législative, d'un article du Code pénal de 1810 dont les termes comme les motifs sont généraux et auquel on n'oppose point de texte qui y déroge ou qui soit inconciliable: or, s'il est permis aux courriers des malles postes de faire galoper leurs chevaux sur les routes, de leur imprimer même le trot dans les lieux habilés, ce que comporte l'interprétation raisonnable de la loi, nul ne pourra faire

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admettre, suivant nous, qu'il sera permis, comme le constate le jugement attaqué, de faire courir son cheval au galop sur la grand'place de Mons: nous avouons que si la poste aux chevaux n'est pas soumise aux règlements contre le chargement, la rapidité ou la mauvaise direction des voitures (seconde partie du no 4 de l'article 475 du Code pénal), du moins elle n'est pas affranchie de la pénalité comminée contre ceux qui font courir des chevaux ou bêtes de trait dans un lieu habité le fait constaté rapproché de ces termes est évidemment punissable, puisque nous n'avons pas rencontré de dérogation à cette disposition législative.

Vainement argumenterait-on d'un arrêt de la Cour de cassation de France du 4 mai 1848 (J. P., 1848, 2, 265), qui semble avoir admis que la première partie du no 4 de l'article 475 ne saurait s'appliquer aux voitures, ou, en d'autres termes, aux chevaux attelės: il suffit, pour se convaincre de l'erreur de cette appréciation, de rapprocher cette partie de l'article du n° 14 de l'article 471 et du no 10 de l'article 475 : il est évident que dans toutes ces dispositions, les chevaux ou bêtes de trait attelés sont compris à fortiori dans la loi, puisque le danger ou le dommage est plus imminent ou plus grave si l'animal lancé au galop ou conduit à travers champ est attelé.

Pour définir les mots faire courir des bêtes de trait, le mémoire en cassation a rappelé l'arrêté du 7 fructidor an iv pour la ville de Paris: il y est porté défense de faire galoper ni courir au grand trol aucuns chevaux de selle ou de trait attelé ou non attelé: c'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'article 475, no 4, du Code pénal; et c'est précisément la contravention ainsi définie que cet article punit, car dans le sens ordinaire, courir veut dire aller de vitesse et avec impétuosité (Académie et Ch. Nodier), et nous ne croyons point qu'il soit permis aux courriers des malles-postes de Traverser ainsi les villes populeuses au risque d'occasionner des accidents qu'il ne suffit pas de pouvoir réparer, comme le fait entendre le jugement, mais qu'il faut prévenir, ce qui est précisément le but de l'article 475, no 4, du Code pénal.

D'après ces considérations nous concluons à ce qu'il plaise à la Cour casser le jugement dénoncé, etc.

ARRÊT.

LA COUR; -Vu la première partie du no 4 de l'article 475 du Code pénal, portant:

Seront punis d'une amende, etc., « ceux qui auront fait ou laissé courir des chevaux, bêtes de trait, de charges ou de monture, dans l'intérieur d'un lieu habité: »

Attendu que cette disposition est générale et s'étend ainsi indistinctement aux conducteurs des chevaux et bêtes de trait attelés ou non attelés, quelle que soit la nature et la destination des voitures auxquelles ils sont attelės;

Attendu qu'aucune loi n'a fait une exception à cette règle à l'égard des conducteurs des malles-postes;

Attendu que si l'administration des postes a le droit de régler la marche de ses voitures, d'après les besoins du service, toutefois elle ne peut déroger à une loi de police et il ne conste d'ailleurs nulle part qu'elle aurait voulu déroger en faveur des courriers des malles postes à la disposition de l'article 475 du Code pénal;

Attendu que le jugement attaqué a reconnu en fait que le défendeur, conducteur de la malle-poste entre Mons et Chimai, a, le 26 juillet 1851, fait courir au galop le cheval attelé à ladite malle poste, en traversant la grand' place de la ville de Mons, que ce fait constitue une contravention à la disposition du Code pénal précitée, et que néanmoins le défendeur a été déchargé des poursuites dirigées contre lui de ce chef;

Par ces motifs, casse et annule, etc., renvoie devant le tribunal correctionnel de Tournai siégeant sur appel en matière de simple police.

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