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gands va rendre compte de tous les maux qu'elle préparait en voulant nous enlever l'auteur de toutes nos prospérités'; il faut éclairer de toutes parts les ténèbres d'un complot inouï dans les annales des peuples civilisés, et qui intéresse l'existence de tous les gouvernemens.

» On est frappé de terreur en songeant qu'un poignard dans la main d'un scélérat obscur pouvait abattre un grand homme, et mettre en deuil tout l'empire dont il est l'appui! Mais on se rassure en comptant tous les périls où la fortune vous a secouru, et qui ne feront pas la moindre partie des merveilles de votre histoire.

» Les mers les plus infidèles ont respecté votre retour; seul dans une barque, avec le génie qui vous protégé, vous avez passé sans crainte au milieu des flottes ennemies! Des mains exécrables préparent contre vous des machines qui lancent la destruction et la mort, et les flammes du volcan allumé pour vous perdre expirent à vos pieds! Enfin, l'œil de ce même génie, qui veille sans cesse autour de vous, découvre dans les conseils de Londres une conspiration nouvelle, dont les auteurs, à peine descendus en France, sont saisis et enchaînés!

Tous les crimes seront inutiles contre une vie si miraculeusement protégée; rien n'interrompra vos desseins, citoyen premier consul! Vous suivrez tranquillement le cours de vos destinées, qui semblent entraîner celles de l'univers. La nouvelle époque du monde que vous devez fixer aura le temps de recevoir de vous son éclat, son influence et sa grandeur!

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RÉPONSE du premier consul aux discours du Sénat, du Corps législatif et du Tribunal.

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Depuis le jour où je suis arrivé à la suprême magistrature, un grand nombre de complots ont été formés contre ma vie. Nourri dans les camps, je n'ai jainais mis aucune impor tance à des dangers qui ne m'inspirent aucune crainte,

» Mais je ne puis me défendre d'un sentiment profond et pénible lorsque je songe dans quelle situation se trouverait aujourd'hui ce grand peuple si le dernier attentat avait pu réussir; car c'est principalement contre la gloire, la liberté et les destinées du peuple français que l'on a conspiré.

» J'ai depuis longtemps renoncé aux douceurs de la condition privée; tous mes momens, ma vie entière sont employés à remplir les devoirs que mes destinées et le peuple français m'ont imposés.

» Le ciel veillera sur la France, et déjouera les complots des méchans. Les citoyens doivent être sans alarmes; ma vie durera tant qu'elle sera nécessaire à la nation. Mais ce que je

XVIII.

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veux que le peuple français sache bien, c'est que l'existence sans sa confiance et sans son amour serait pour moi sans consolation, et n'aurait plus aucun but, »

MOTIFS d'un projet de sénatus-consulte tendant à suspendre les fonctions du juri dans tous les départemens de la République pendant les années 12 et 13; exposés par le conseiller d'etat Regnault (de Saint-Jean d'Angely).- Séance du 6 ventose an 12.

« Sénateurs, le gouvernement anglais fait à la France une guerre d'une espèce inouïe, une guerre inconnue dans l'histoire des nations, une guerre qui, grâce au ciel et pour l'honneur de l'humanité, ne trouvera pas d'imitateurs, comme elle n'a pas trouvé de modèles.

» Quand on croit que le chef de l'empire et de l'armée est prêt à marcher au champ d'honneur pour combattre l'Angleterre, les ministres anglais entourent d'embûches le palais du consul, sèment de poignards la route qu'il doit parcourir.

L'empêcher d'arriver est pour eux le plus sûr moyen de l'empêcher de vaincre ; et ce sont des assassins qui forment l'avant-garde de leur armée.

Mais la prudence a signalé, la vigilance a découvert, la justice a saisi une partie des sicaires et de leurs complices.

Un filet d'airain attend sur tous nos rivages ceux que leurs vaisseaux, leurs capitaines promènent de côtes en côtes pour les y vomir. Un œil infatigable suit la trace de ceux qui se cachent encore sur le sol français, et l'équitable providence remettra tôt ou tard tous les coupables sous la puissance de la nation dont ils méditaient la ruine.

» Ainsi le crime est reconnu : déjà un grand nombre de prévenus sont saisis; d'autres le seront encore, et le peuple attend, la loi commande, le gouvernement veut leur jugement.

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"} Le crime est reconnu : sa réalité n'est plus mise en doute; et ce n'est pas à vous, sénateurs, qui les premiers en avez entendu, qui venez d'en entendre encore les preuves; qui, partagés entre l'indignation contre les complots et la joie de les voir avortés, vous êtes empressés d'exprimer ce double sentiment; ce n'est pas à vous qu'il est besoin de démontrer l'existence de la conspiration.

Mais devant quels tribunaux seront traduits les prévenus? devant quels tribunaux les formes pourront-elles assurer et la promptitude de l'expédition, et la publicité de l'instruction, et la liberté de la défense, et l'impartialité des juges, et l'équité de la décision?

La compétence des tribunaux se décide par la qualité des accusés ou par la nature du délit.

Quand on veut appliquer à la circonstance actuelle ce principe incontestable, plusieurs difficultés se présentent ; et dans un cas si grave c'est devant vous, sénateurs, c'est devant le grand conseil de la nation que le gouvernement nous a chargés de les exposer, de les discuter, parce que c'est à vous qu'il appartient de les résoudre.

» Ici se présente la partie la plus pénible de notre tâche: nous devons vous parler des prévenus pour déduire de leurs qualités, de leurs titres, de feurs fonctions, à quel tribunal its appartiennent.

» Les premiers qui s'offrent à nous sont les restes non pas de ces hommes que l'orgueil ou l'intérêt, le ressentiment ou le préjugé armerent contre leur patrie, mais de ces hommes qui n'eurent jamais de patrie, qui furent toujours prêts à vendre leurs bras au crime, et dont le vol, le brigandage et l'assassinat sont le métier favori, les exploits habituels.

» De ce nombre sont les Georges, les Picot, les Coster Saint-Victor, et tous leurs semblables.

» Aux termes de la législation actuelle, ces hommes sont justiciables d'une commission militaire; et cette assertion est trop peu susceptible d'être contredite pour avoir besoin d'être 'appuyée par des citations.

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reau,

Pichegru lui-même devrait être traduit devant cette commission, et jugé comme les brigands dans l'association desquels il a achevé de dégrader son nom et de souiller sa gloire. » Mais un autre prévenu appellerait d'autres juges: Modont il est si douloureux de placer le nom auprès des noms flétris que je viens de prononcer, Moreau était en activité de service; il était général en chef; il en recevait le traitement; il faisait partie de l'armée; et, puisqu'il faut le rappeler ici, son accusation, d'après les pièces que vous connaissez, ne peut porter un titre moins grave que celui de correspondance avec l'ennemi.

» En ce cas les lois sont précises.

» Le paragraphe 6 de l'article 2 du titre III du code pénal militaire porte ces mots:

« Tout militaire ou autre individu attaché à l'armée et å » sa suite qui entretiendrait une correspondance dans l'ar»mée ennemie sans la permission par écrit de son supérieur sera réputé coupable de trahison. »

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« L'article er de la loi du 4 fructidor an 5 dit:

Lorsqu'un général d'armée sera prévenu d'un délit spé»cifié au code pénal militaire il sera traduit, dans le délai

» de dix jours, devant un conseil de guerre pour y être jugé » suivant les formes prescrites par la loi du 13 brumaire der

>> nier. >>

» Les articles de la loi qui suivent contiennent l'organisation de ce conseil de guerre spécial.

» Le général Moreau, prévenu de correspondance avec les ennemis de l'Etat, avec des conspirateurs, avec celui-là même qu'il signala, qu'il accusa jadis comme tel, est donc, aux termes du code pénal militaire, prévenu de trahison.

Comme prévenu de trahison, il pourrait être traduit devant un conseil de guerre, et jugé par un général en chef président, trois généraux de division et trois généraux de brigade, sur la poursuite d'un commissaire ordonnateur faisant fonctions de commissaire du gouvernement, et au rapport d'un adjudant général ou chef de brigade.

» Entre les tribunaux que nous venons d'indiquer faudraitil choisir pour faire juger par l'un d'eux tous les accusés ?

» Faudrait-il diviser la procédure entre eux, et faire juger par chacun les prévenus qui semblent être de leur compétence respective, selon leurs qualités diverses, et malgré le titre commun de leur accusation?

» Dans le premier cas, pour choisir, par quels motifs faudra-t-il se décider ?

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Traduira-t-on le général Moreau devant le tribunal qui réclame Georges et ses brigands, Pichegru et les assassins que l'Angleterre a vomis avec lui sur nos côtes?

» Ou bien sera-ce devant un tribunal de généraux, devant un conseil de guerre destiné à ne prononcer que sur le sort des généraux en chef de l'armée française, de l'armée nationale, qu'on appellera les plus vils suppôts de la bande meurtrière de l'Angleterre?

» Dans le second cas, celui où l'on séparerait les prévenus du même délit pour traduire chacun d'eux, suivant sa qualité, devant le juge que cette qualité lui donne, comment prévenir ou réparer la diversité des jugemens sur des faits semblables? » Ici des juges sans appel, formant une commission militaire, trouveront le délit réel, prononceront, condamneront, et feront exécuter leur jugement à l'instant même.

» Là un conseil de guerre décidera; et son jugement, différent peut-être de celui de la commission militaire, sera peutêtre aussi soumis à la révision, cassé pour défaut de forme, et renvoyé devant un autre conseil, qui jugera encore autrement que le premier.

» Ces doutes, sénateurs, ces incertitudes, cès hésitations annoncent la circonspection du gouvernement, et accusent en

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même temps notre législation; ils indiquent une lacune que le gouvernement avait aperçue, une lacune qu'il aurait demandé au Corps législatif de remplir s'il n'avait pas espéré, s'il n'avait pas cru que le retour à l'ordre, que le silence des partis, que le besoin de la paix, que le sentiment de la gloire nationale ne laisseraient désormais à la République aucune trahison à redouter, aucune conspiration à juger.

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Il appartenait à l'Angleterre de tromper une si honorable espérance, et d'obliger la justice nationale à punir un crime pour lequel elle n'avait point préparé de tribunaux.

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Cependant on ne peut dans le moment présent faire créer par la loi ce tribunal national qui nous manque.

» Le gouvernement pouvait toutefois, et je l'ai prouvé en citant des lois positives, précises, claires, le gouvernement pouvait faire prononcer sur le sort des prévenus.

» Il pouvait traduire le général Moreau, et quelques autres attachés à l'armée, devant un conseil de guerre, et le reste des prévenus devant une commission militaire.

» D'honorables motifs, de sages réflexions l'ont retenu.

» Les membres du conseil de guerre, le commissaire du gouvernement doivent être nommés par le ministre de la guerre; et cette nomination de juges, postérieure à l'accusation, a été, non pas pour la justice du gouvernement, mais, si je puis le dire, pour sa délicatesse, une première cause de répugnance.

» Une autre non moins puissante est née des formes usitées aux conseils de guerre.

» Plusieurs pensent qu'elles ne donnent pas à l'instruction la même solennité, à la discussion la même lenteur, à la défense la même latitude, à l'examen la même maturité que celles prescrites aux tribunaux civils ; et le gouvernement désire que les prévenus jouissent de ces avantages dans toute leur étendue.

» Un autre moyen était offert au gouvernement, et il suffisait de sa seule autorité pour l'employer.

» Il pouvait ériger le tribunal de la Seine en tribunal spécial: aux termes de l'article 1er de la loi du 18 pluviose an 9, un simple arrêté suffisait pour l'organiser sous ce titre, et, d'après les articles 10 et 11 de la même loi, le titre de l'accusation établissait sa compétence sur des individus prévenus, aux termes de ces articles, d'assassinat prémédité, d'embauchage, et de machinations hors de l'armée.

» Mais une partie des raisons que je viens d'exposer, concernant la traduction des prévenus devant un conseil de guerre, s'applique à leur traduction devant un tribunal spécial.

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