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aux persécutions religieuses, dans ce sens qu'il est dû, dans' notre conviction, à la longue et scandaleuse impunité accordée à des désordres du même genre, tant qu'ils n'ont eu pour objet que des hommes faibles et persécutés.

le

Nous avons dit dans notre livraison d'avril, p. 190, que Nouvelliste Vaudois avait refusé d'insérer une réponse de M. Lenoir à une assertion du juge de paix de Payerne publiée par ce journal. Nous avons reçu indirectement sur ce fait des explications que nous sommes d'autant plus empressés à accueillir que, pour ce qui concerne la liberté religieuse, le Nouvelliste et les Archives ont constamment marché d'accord, et que ce journal est un grand bien pour le Canton de Vaud. Le Nouvelliste n'avait fait qu'insérer la lettre du juge de paix, et le fait sur lequel M. Lenoir réclamait, n'était pas de nature à être éclairci complètement. Il a suffi que M. Lenoir traversât la ville, entrât dans quelques maisons et fût accompagné de quelques amis, pour attirer la populace et pour paraître avoir affecté de sortir de Payerne en procession. D'un autre côté, M. Lenoir affirme qu'il n'a pas affecté de se montrer, et qu'il n'a point recherché l'éclat. Mais il paraît que, sans le rechercher, il ne l'a peut-être pas assez évité. La question est ainsi vague et difficile à décider ; peu importante en elle-même, elle ne porte pas sur un fait précis, et de nature à être complètement vérifié. D'ailleurs, si nous sommes bien informés, le Nouvelliste, en refusant d'insérer une lettre qui ne pouvait évidemment mener à aucun résultat, a déclaré à M. Lenoir qu'il se ferait un devoir, après que les faits auraient été juridiquement constatés, de faire connaître tous ceux dont M. Lenoir pourrait désirer la publication.

On nous écrit aussi que M. le juge de paix de Payerne s'est très bien montré depuis que l'affaire de M. Lenoir a été portée devant les tribunaux, et que le jour du jugement, entre autres, il a traversé toute la ville à côté de lui, pour empêcher qu'il ne fût insulté par le peuple. Nous nous plaisons à faire connaître ce fait, bien simple en lui-même, mais en même temps digne d'éloges, lorsque surtout on le compare à ce qui s'est passé jusqu'ici. Il est du reste une nouvelle preuve que lorsque les au

torités locales le veulent bien, elles peuvent, dans le Canton de Vaud comme ailleurs, contenir l'effervescence de ces petites passions populaires, et que lorsqu'elles ne le font pas, c'est qu'elles ne le veulent pas, et qu'elles demeurent ainsi responsables de désordres et d'iniquités qu'il ne tenait qu'à elles de prévenir.

Qu'on ne se méprenne pas sur nos sentimens; nous prenons la défense des dissidens, non parce qu'ils sont séparés de l'Eglise nationale de leur pays, mais parce qu'ils sont persécutés. Nous pensons qu'ils avaient le droit de se séparer, et que toute tentative pour mettre obstacle au libre exercice de leur culte est une persécution; et nous leur tendons la main comme à des frères en la foi qui nous est commune, la séparation n'étant au fond qu'une affaire de discipline. Nos vues sur la séparation, considérée abstraitement et en principe, n'ont pas varié ; nous ne l'approuvons qu'en cas d'absolue nécessité, et un grand nombre de Pasteurs du Canton de Vaud sont une preuve que l'on peut être Ministre fidèle et zélé de Jésus-Christ dans le sein de l'Eglise nationale. Amis de la liberté religieuse, par où nous entendons la liberté de culte, aussi bien que la liberté de conscience, nous combattons l'intolérance; et lorsque, sous prétexte de la dissidence, nous voyons attaquer les doctrines fondamentales de l'Evangile, et chercher, avec plus d'habileté que de bonne foi, à faire confondre un mouvement religieux avec la politique à laquelle il est entièrement étranger, nous prenons la défense de nos frères persécutés et des doctrines qu'ils professent, en tant que ces doctrines sont celles que proclame la Confession de foi helvétique, et que cette Confession est dans notre conviction fondée sur la Parole de Dieu.

Nous avons, depuis la publication de notre dernière livraison, reçu l'adhésion à la déclaration du 4 mai, de MM. D. MAUREL, Pasteur président du consist. de Bolbec. J. SOHIER, Pasteur à Montivilliers, près le Hàvre. COLANY-NÉE, Pasteur à Lemé. LARCHEVÊQUE, Pasteur à Walincourt. H. LEVAVASSEUR, dit DURELL, Pasteur à Quiévy.

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

FERDINAND CAULIER.

Le juste est mort, et il n'y a personne qui y prenne garde (Es. LVII, 1). Ce reproche du Prophète est souvent encore trop mérité. Nous désirons ne pas l'encourir à l'égard du Chrétien fervent, modeste et ignoré qui fait le sujet de cet article. Devant le Seigneur, le pâtre et le monarque, le savant et l'ignorant sont sur la même ligne ; il n'y a entre eux d'autre différence que celle qu'y met leur foi, leur amour de Dieu, leur charité et leur sainteté. Ferdinand Caulier était un simple paysan; mais ce paysan était un monument remarquable de la grace de Dieu, et il reluit maintenant, comme le soleil, dans le royaume de son Père. (Matth. xin, 43 ). C'est pour rendre témoignage à cette grace admirable, et pour l'édification et l'encouragement de nos lecteurs que nous publions les notes qui suivent. Nous les tenons de diverses sources, et pensant qu'elles présenteraient plus d'intérêt en leur laissant leur forme originale, nous n'y faisons d'autre changement que de retrancher les répétitions qui devaient naturellement s'y trou

ver.

Quelques souvenirs sur Ferdinand Caulier.

Un honnête cultivateur, habitant d'un hameau près du village de N***, trouva en 1810, dans un coin de sa maison, une petite Bible qui y était depuis long-temps ignorée. Comme tous les autres habitans de la contrée, il était catholique romain et ne connaissait que de nom la religion réformée. Cet homme était pieux dans le sens que l'Église de Rome attache à ce mot. La découverte d'un livre religieux attira son attention. Il le lut assidûment avec sa femme, et bientôt un changement notable s'opéra dans leurs idées religieuses; mais ils en gardèrent le secret. Ce qui les frappa d'abord, ce fut le peu de res1829.-12° année.

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semblance qu'ils trouvèrent entre leur religion et celle de la Bible; et comme ils la lisaient dans la conviction qu'elle était la parole de Dieu, ce désaccord entre la doctrine qu'ils apprenaient à connaître et leur ancienne croyance ne manqua pas de les jeter dans le trouble, et de là, dans le soupçon que la voie dans laquelle on les menait pourrait bien être mauvaise. Plus ils lisaient leur Bible, et plus ce soupçon acquérait de force. Enfin il se change en certitude; ils ont lu avec attention le livre de Dieu, et ils n'y ont trouvé ni pape, ni clergé, ni messes, ni confession, ni purgatoire, ni etc.; la conscience leur crie qu'il faut sortir d'une Église qui les menait si mal; et pour la première fois, la cloche qui appelait leurs voisins à la messe ne les trouve plus dociles. L'éloignement qu'ils commencèrent dès lors à manifester pour le culte et pour les pratiques de l'Eglise romaine fut bientôt remarqué; leurs parens voulurent les premiers en connaitre les motifs, et quand ils eurent appris que ce changement étoit dû à la parole de Dieu, ils demandèrent à la lire aussi. La petite Bible passa dans leurs mains; ils la lurent, et au bout de peu de temps elle produisit sur eux la même impression. Bientôt ce précieux volume, l'unique peut-être qu'on eût pu trouver dans le pays, passa de main en main; et partout, sans autre secours que celui que Dieu accorde à sa vérité, il remportait les mêmes victoires. Le nombre des personnes qu'il détachait de l'Église romaine étant devenu considérable, elles concurent la pensée de se réunir. En 1811 un petit temple fut construit à frais communs, et dès lors cet intéressant troupeau, monument remarquable de la puissance de la parole sainte, commença d'être visité par le respectable pasteur Devisme père, dont les églises du nord chériront long-temps la mémoire.

Louis Caulier était du nombre de ceux qui quittèrent ainsi l'Église romaine. Il avait alors deux enfans, un fils et une fille qui avaient été soigneusement instruits dans la foi de cette Église, mais qui de leur propre mouvement, quoique dans un âge tendre encore, voulurent suivre leur père Le fils s'appelait Ferdinand. C'est lui qui est le sujet de cette notice.

Quoique l'attachement de ces nouveaux convertis à la religion de la Bible fût grand, et qu'il se trouvât chez eux plus de zèle qu'ailleurs, ils étaient cependant tous demeurés étrangers à ce qui fait l'essence du Christianisme, à cette nouvelle naissance de laquelle le Seigneur a prononcé que celui qui ne l'a pas éprouvée ne verra point le royaume de Dieu. Ils avaient bien vu leurs premières erreurs, mais ils n'avaient pas saisi le principal anneau de la vérité, telle qu'elle est en Jésus. Ils croyaient encore, nous ne dirons pas avec l'Église romaine ( il y aurait de l'injustice à n'imputer qu'à elle cette funeste erreur), mais avec tous ceux qui méconnaissent la chute de l'homme et la justice Dieu, ou qui les admettent sans en apercevoir les conséquences; ils croyaient encore que l'homme peut se suffire dans l'œuvre de son salut ; qu'il en doit être l'auteur, que c'est à lui de le mériter. Aussi, tandis que d'un côté la cause de la réformation faisait des progrès parmi eux, et que chaque année voyait grossir leur petit troupeau, de l'autre, la vie religieuse ne s'y développait point: l'amour du monde y régnait encore, à peu près comme aupara

vant.

Pasteur d'un très grand nombre d'églises répandues dans plusieurs départemens, M. Devisme ne pouvait que très rarement visiter celle-ci, l'une des moins importantes sous le rapport numérique, en sorte que son ministère ne put guère contribuer à faire pénétrer au sein de cette église la doctrine du salut par la foi au sang du Fils de Dieu. D'ailleurs, sa mort arriva quelques années seulement après la naissance de cette petite église.

il

Quelques serviteurs de Christ les visitèrent, mais sans faire chez eux de séjour; de sorte que rien ne fut changé à leur état. Il durait encore sur la fin de 1819, quand la Providence du Seigneur me conduisit chez eux. Dès ma première visite, me fut facile de reconnaître l'état religieux de ce petit troupeau et d'apercevoir quelle erreur j'aurais surtout à combattre. Je ne différai point de mettre la main à l'œuvre : mes prédications, mes entretiens particuliers, roulèrent surtout sur la justification du pécheur par la foi sans les œuvres de la loi.

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