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provenant de la suppression de la contribution extraordinaire des 45 centimes additionnels pour 191 millions 260,000 fr., de divers produits éventuels pour 12 millions 480,000 fr., et du retranchement d'une ressource extraordinaire de 232 millions 60,000 fr. procurée par l'emprunt du 24 juillet et par celui qu'avaient souscrit les porteurs d'actions du chemin de fer de Paris à Lyon.

D'une autre part, les recettes s'étaient augmentées de 245 millions 716,503 fr., résultant d'un produit présumé de 99 millions 250,000 fr. attendu de l'impôt sur les revenus mobiliers et des droits additionnels proposés sur les donations et successions, d'une amélioration d'environ 83 millions 873,000 f. sur les impôts et revenus indirects, d'un accroissement de 35 millions 41,000 fr. sur la réserve de l'amortissement, et de 9 millions de francs sur les versements de la Compagnie du chemin de fer du Nord.

La diminution des recettes de 1849 pouvait donc être évaluée à 194,002,229 fr.

Quant aux dépenses, elles étaient d'une part, diminuées de 219,985,329 fr., laquelle somme représentait toutes les réformes et réductions introduites ou projetées dans les différents services publics, notamment dans les ministères des Travaux publics, de la Guerre et de la Marine.

D'une autre part, elles étaient augmentées, par suite de l'accroissement de la dette publique, d'une somme de 41,493,952 fr.

La réduction des dépenses était ainsi, en résultat, de 178 millions 491,377 fr., et le découvert du budget de 1849, rapproché de celui de1848, présentait une augmentation finale de 13,510,852 fr.

Le budget des dépenses présentait des réductions notables. dans toutes les parties des services publics, à l'exception du budget de l'instruction publique et de celui des cultes qui s'étaient accrus de près de 5 millions, et de la dette flottante qui avait augmenté de 41 millions 493,952 fr. les charges de l'État.

Le budget de la guerre présentait une diminution de 76 millions 111,450 fr. L'effectif de l'armée qui, au 1er décembre de l'année précédente, était de 502,196 hommes et 100,452 che

vaux, se trouverait réduit de 121,372 hommes et 8,022 chevaux. Il ne serait plus, à la fin de cette année, que de 380,824 hommes et 92,410 chevaux, dont 78,000 hommes et 15,490 chevaux seraient employés en Algérie.

Le budget de la marine était diminué de 22 millions 73,029 fr. La flotte active se composerait de 10 vaisseaux, dont 2 à batteries flottantes; de 8 frégates, de 18 corvettes, de 24 bricks, de 12 transports et de 24 goëlettes et cutters montés par 20,000 matelots environ. Il y aurait en outre 2 vaisseaux et 5 frégates en disponibilité de rade et 8 vaisseaux et 10 frégates en commission de port.

Les bâtiments à vapeur appartenant à la flotte active se composeraient de 10 frégates, 12 corvettes et 34 avisos. Vingt et un bâtiments, dont 9 frégates, 6 corvettes et 6 avisos, resteraient en outre en commission de port.

Il y avait à peine trois semaines que le Cabinet du 10 décembre était en possession du pouvoir, et déjà ses adversaires dans la Chambre, le sommaient de réduire les dépenses et d'apporter un budget en équilibre. Ils lui demandaient compte des améliorations réalisées dans ce court espace de temps. Cette espèce de conspiration financière se manifesta par deux propositions déposées le 22 janvier. L'une, signée par quatre-vingts membres, avait pour but de renvoyer l'examen du budget à une commission de trente membres; l'autre, présentée par M. Billault, voulait que l'Assemblée, après avoir réglé immédiatement le budget des recettes par un décret spécial, invitât le ministère à apporter un budget des dépenses mis en rapport avec le chiffre des recettes, tel qu'il aurait été arrêté.

La première de ces propositions présentait, à ce qu'il parut plus tard, une rédaction plus étrange. Il y était dit que la commission serait chargée, non pas d'examiner, mais d'établir le budget. Or, M. le président de l'Assemblée prit sur lui de remplacer le dernier de ces mots par le premier, et c'est dans ces termes que la question fut votée, sur la déclaration de M. le ministre des Finances qu'il n'y avait là qu'une question de forme intéressant seulement l'Assemblée et non le Cabinet. C'était, en effet, l'annulation du comité des Finances. Mais qu'im

portait au ministère? Toutefois, après le vote, MM. Deslongrais et Larochejaquelein, ayant demandé qu'on s'entendit bien sur les termes, M. Gent, l'un des quatre-vingts signataires, dit que le mot établir avait été employé à dessein dans l'énoncé de la proposition. Le mot examiner, ayant seul été mis aux voix, le vote devait être considéré comme nul.

Quant à la proposition de M. Billault, M. le ministre des Finances déclara que, lorsqu'elle viendrait à discussion, il aurait de graves objections à faire valoir contre elle; mais il ne s'agissait. aujourd'hui que de la question d'urgence, et, comme le Cabinet était au moins aussi intéressé que l'Assemblée à ce qu'aucun retard ne fût apporté à l'examen du budget de 1849, M. Passy appuya la demande. L'Assemblée vota donc l'urgence, et une commission dut être nommée.

Toutefois, à y regarder de plus près, la proposition collective. qui détruisait le comité des Finances, donnait une singulière portée à la proposition de M. Billault. Il semblait que l'une fût le corollaire de l'autre, et que toutes deux constituassent une seule et unique machine de guerre.

Le budget de 1849 avait été présenté, dans le courant de décembre, par M. Trouvé-Chauvel; l'Assemblée en avait renvoyé l'examen au comité des finances, qui avait commencé ce vaste travail à l'aide des lumières acquises par quatre mois d'études sur le budget de 1848. M. Billault et ses auxiliaires voulaient aujourd'hui remplacer à la fois le ministre des Finances et le comité par une commission extraordinaire qui établirait un nouveau budget, sans s'arrêter à l'examen de l'ancien, et qui présenterait à la fois à la Chambre et le projet et le rapport. La commission commencerait par un budget des recettes très-réduit; puis, s'arrêtant au milieu de son œuvre, elle laisserait au Gouvernement la tâche impossible d'une immédiate réduction des dépenses nécessaires aux divers services. Telle était la combinaison inventée. Le comité, expression de la majorité, repoussait la proposition par les raisons suivantes. Premièrement, pensait-il, on voulait recueillir une grande popularité des réductions ou suppressions d'impôt dont on se proposait de prendre l'initiative. En second lieu, on mettrait le Gouvernement dans la fâcheuse alter

native ou de combattre énergiquement ces ruineuses réformes, ou de désorganiser les services et de se heurter contre d'insurmontables difficultés par des réductions de dépenses irréalisables. Enfin, on prolongerait d'autant l'existence de l'Assemblée. Si on ne pouvait dire que ce plan fût loyal, au moins était-il habile. Mais déjà, peut-être, le pays commençait à s'éclairer sur la moralité de ces calculs.

Et d'ailleurs, qui attaquait-on aujourd'hui ? Le budget ou le ministère ? Le budget! Mais n'était-il pas l'œuvre du Cabinet précédent, dont M. Trouvé-Chauvel était ministre des Finances. Ce qui avait paru irréprochable, proposé par l'administration des républicains de la veille, devenait inacceptable depuis que l'administration nouvelle en avait reçu l'héritage. Et encore, à qui convenait-il aujourd'hui de déclamer contre les lourds budgets? Les charges qui pesaient sur la France n'étaient-elles pas le fruit de dix mois de désordres. Diminuer indéfiniment les recettes, accroître démesurément les dépenses, tel avait été le système financier de ces mêmes politiques qui parlaient aujourd'hui d'équilibre financier.

Comment se faisait-il qu'on persistât à indiquer comme faciles des économies assez larges pour équilibrer le budget, tandis qu'on ne pouvait en formuler aucune. Pressait-on les réformateurs de sortir du vague, et de préciser quelque réforme pratique, il devenait impossible d'en tirer une réponse. On les voyait alors se rejeter sur ces expédients si chers aux utopistes, la réduction, par exemple, ou même la suppression de l'effectif militaire. On citait, à ce sujet, ce qui se passait de l'autre côté de la Manche. On parlait avec éloge de M. Cobden et de ses utopies prêchées dans les meetings. M. Cobden, disait-on, n'hésitait pas à demander que les dépenses militaires et navales de l'Angleterre fussent ramenées à ce qu'elles étaient en 1855, ce qui procurerait une économie annuelle de 250 millions. On se gardait bien d'ajouter qu'au moment même où M. Cobden prêchait ces séduisantes réformes, l'Angleterre augmentait ses dépenses navales. Telles furent les objections présentées contre la proposition de M. Billault. Cependant il fallait revenir sur le vote annulé par suite de la confusion des deux mots examiner et établir. M. Gent, au nom

de ses collègues, vint, le 24 janvier, déclarer que la proposition des quatre-vingts membres n'avait d'autre but que de faire nommer une commission chargée d'examiner le budget de 1849. Réduit à ces termes, le vote de la veille ne portait plus que sur le comité des finances; la prérogative du Pouvoir exécutif demeurait intacte.

Le rapport sur la proposition de M. Billault avait à décider sur la question d'urgence. L'organe de la commission, M. Dezeimeris, oubliant, sans doute, la question à résoudre, conclut à l'adoption de la proposition. C'était démasquer trop clairement le but de la proposition, et montrer, par cette précipitation malheureuse, qu'on ne pensait, au fond, qu'à renverser un ministère. A cet excès de zèle de la commission s'ajoutait une autre imprudence, à savoir, une accusation éloquente contre les dilapidations du budget monarchique. Était-ce bien à ceux-là même dont l'administration avait surchargé d'un déficit immense la fortune publique, de calomnier les prospérités de temps meilleurs? L'Assemblée vota seulement l'urgence, et cela sur la demande même de M. le ministre des Finances. Quant au fond, la proposition, conformément au règlement, fut renvoyée dans les bureaux pour un nouveau rapport.

C'est là qu'en était arrivé le couflit dans la Chambre, quand des événements d'une gravité singulière en amenèrent la solution.

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