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Le capitaine rapporteur de la garde civique de Saint-Josse-ten-Noode avait fait poursuivre devant le conseil de discipline, 1° le sieur Rycks, capitaine, un lieutenant et deux sous-lieutenants, pour avoir manqué à la théorie du 15 février 1852, quoique dùment convoqués par ordre du colonel du 4 du même mois;

2o Le sieur Bernard, sergent, deux autres sergents et un fourrier, pour avoir manqué à la théorie du 29 du même mois, quoique dûment convoqués.

Mais ils avaient tous été acquittés par deux jugements du 10 mars suivant, par le motif que la théorie ne constitue point un service obligatoire, et ne pouvait être exigé d'eux; qu'au surplus il n'existait point à cet égard de règlement comme à Bruxelles.

Sur le pourvoi du capitaine rapporteur ces deux décisions ont été annulées sur les conclusions conformes de M. l'avocat géné ral Faider.

Il a dit :

Par deux ordres du jour, en dates du 4 el du 29 février, le colonel commandant de la garde civique de Saint-Josse-ten-Noode porta à la connaissance de la légion qu'il y aurait théorie obligatoire pour les sousofficiers et pour les officiers de la légion respectivement les dimanches 15 et 29 février 1852. Les convocations eurent lieu en

conséquence. Les défendeurs manquèrent à ce service, ils furent cités devant le conseil de discipline sur les procès-verbaux dressés à leur charge par le colonel, pour avoir manqué à la théorie, quoique régu lièrement convoqués, ce qui constituait la contravention prévue par l'article 83 de la loi du 8 mai 1848. Les prévenus ont excipé de ce que la théorie n'est pas un service obligatoire, et par les jugements dénoncés, du 10 mars 1852, cette défense fut accueillie et les prévenus acquittés, parce qu'une Convocation pour assister à une théorie ne constitue pas un service obligatoire dans le sens de l'article 87 de la loi, doctrine d'auLant plus applicable, ajoute le conseil, qu'il n'existe pas pour la garde civique de SaintJosse-ten-Noode un règlement comme à Bruxelles.

Le système des jugements dénoncés nous semble fondamentalement faux et fort mal motivé. D'une part, l'article 87 ne saurait

justifier le refus d'un service qui rentre évidemment dans les limites de la loi et dans les obligations essentielles de la garde civique; pour un tel service l'obéissance provisoire et passive est certainement due, sauf réclamation; d'autre part, la théorie est évidemment un exercice obligatoire prévu et prescrit par l'article 85, de sorte que le refus d'obéissance est ici un manquement direct et d'autant plus blàmable qu'il émane d'officiers et de sous-officiers qui devraient donner l'exemple de la déférence hiérarchique.

Nous avons, dans l'affaire Keymeulen, exprimé notre opinion sur l'interprétation de l'article 87; nous avons rappelé sur ce point les paroles pleines de sens de l'honorable procureur général de cette Cour; la nécessité de l'obéissance y est démontrée et elle a été consacrée par vos arrêts du 3 décembre 1849 (Bull., 1850, p. 41) et du 1er mai 1849 (Bull., 1849, p. 211). Lorsque vous avez décidé que tel service exigé n'était pas obligatoire, et que le garde convoqué avait pu s'y refuser, il s'agissait de faits évidemment en dehors du service de la garde civique ou dú but de son institution. Mais de quoi s'agit-il ici? De l'instruction des officiers et des sous-officiers. Dira-t-on que cette instruction n'est pas une obligation imposée par la loi, une nécessité proprésence des articles 34 et 85 de la loi, en clamée par elle? Nul n'oserait le soutenir en présence même des documents législatifs dont il a été donné lecture.

Déjà par votre arrêt du 23 juillet 1849 (Bull., 1849, p. 443) vous avez reconnu que les cadres peuvent être astreints à une instruction spéciale dans les limites de l'article 83; déjà par un autre arrêt du 17 février 1850 (Bull., 1851, p. 106) vous avez reconnu que les officiers ne peuvent se prévaloir de l'examen qu'ils ont subi pour se dispenser d'assister aux exercices. L'esprit qui a dicté ces décisions est facile à saisir : Vous avez voulu assurer l'exécution de l'article 83 de la loi, article essentiel, puisqu'il a pour objet l'instruction de la garde civique, instruction sans laquelle les corps armés de la milice bourgeoise, loin d'être une garantie, deviendraient un embarras, loin d'inspirer le respect et la crainte, ne mériteraient que le ridicule et le mépris. Partant de là, nous disons que tout ce qui tend à assurer militairement l'instruction de la garde civique, dans tous les grades, est un service proprement dit; que c'est un service personnel et obligatoire (article 78); que

c'est du moins un service à la réquisition duquel tout garde doit obéir (article 87); que ce service rentre essentiellement dans la nature des obligations imposées par la Joi aux citoyens; que ce service n'a rien d'étranger au but même de l'institution qui est le maintien de l'ordre et des lois, la conservation de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire (article 1er); qu'au contraire ce service est la première nécessité d'organisation comme le premier devoir du garde; que par conséquent il n'était pas permis ici aux défendeurs de refuser le service; qu'ils étaient tenus d'obéir, sauf réclamation devant les supérieurs au colonel qui les convoquait.

D'après ces considérations nous sommes autorisé à soutenir que les défendeurs étaient obligés d'obéir; que la nature du service requis leur en faisait une loi; que le refus d'obéissance constituait une infraction punissable.

Nous soutenons de plus que la théorie, annoncée et prescrite par ordre du jour du colonel pour le dimanche 15 et pour le dimanche 29 février 1852, constitue un service obligatoire, et rentre dans les termes généraux de l'article 83 de la loi. « Les « gardes, porte cet article, sont exercés au "maniement des armes et aux manœuvres « au moins douze fois par an; » ainsi les exercices peuvent être aussi nombreux que l'exige l'instruction, pourvu qu'ils aient lieu le dimanche et que chacun d'eux ne dure pas plus de deux heures; on peut à la rigueur ordonner cinquante-deux exercices el ces exercices peuvent durer cinquantedeux fois deux heures ou cent et quatre heures. Il n'est dit nulle part que tous les gardes seront exercés en même temps, le même jour, le même nombre d'heures; au contraire on tient compte de l'instruction acquise; les gardes suffisamment instruits sont dispensés des exercices; les gardes ignorants peuvent être exercés plus souvent que les autres; les gardes en un mot peuvent être classés en plusieurs catégories suivant le degré de leur instruction.

Les officiers et les sous-officiers peuvent et doivent être rangés dans une classe à part. Chargés de commander les mouvements et les exercices, ils doivent en savoir plus que les simples gardes. Ayant recherché et obtenu l'honneur de commander, ils doivent avoir ce que nous appellerons la pudeur de leurs épaulettes ou de leurs galons, ils doivent connaître leur métier, le chef doit étre certain qu'ils le connaissent, et il est naturel

que les exercices soient pour eux plus fréquents que pour les simples gardes : c'est ce qui a lieu dans l'armée; c'est ce que la nécessité, toujours réservée dans les lois, commande dans la garde civique. Or, qui osera soutenir, avec quelque espoir de succès, que la théorie n'est pas comprise dans les termes de la loi (maniement des armes et manœuvres)? Qu'est-ce que la théorie? La théorie s'entend des principes de la manouvre; voilà ce que disent l'Académie et la pratique militaire: ceci rentre-t-il ou ne rentret-il pas dans les termes de la loi comme dans les nécessités du service? Déjà vous avez catégoriquement jugé l'affirmative, par votre arrêt du 25 juillet 1849, pour les cadres des sous-officiers, et vous ne pouvez pas, ce nous semble, juger autrement pour les officiers mêmes. Et nous devons le dire : nous ne comprenons point par quel abus de raisonnement les décisions attaquées ont pu dire qu'une théorie ne constitue pas un service obligatoire; un pareil principe outrage à la fois la loi et la nature des choses. A-t-on jamais soutenu que l'officier ne dut point savoir la théorie; et peut-on soutenir que la théorie n'est pas l'une des obligations du sous-officier et de l'officier lorsque le chef de la garde juge à propos de la prescrire?

La théorie est de l'essence du service des officiers et des sous-officiers; il est donc conforme à la nature des choses de l'enseigner. La théorie est un exercice qui se rattache étroitement au maniement des armes et aux manoeuvres; elle rentre donc dans les termes de la loi; il est donc conforme à la loi de l'enseigner. Dans tous les cas, la théorie n'est pas défendue par la loi et elle est commandée par la nature des choses; c'est donc le cas de rappeler la maxime: ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché (art. 5 de la déclaration des droits de 1791), principe qui (d'après Merlin, Questions, vo Avantages aux héritiers présomptifs, 2) forme l'une des bases de la législation moderne; c'est donc le cas de dire que le colonel, en ordonnant par ordre du jour une théorie obligatoire, posait un acte conforme à ses devoirs, qui rentrait dans la nature du service qu'il dirige, auquel les inférieurs étaient tenus d'obéir. Ceci nous semble d'une évidence irréfutable et suffit pour justifier l'opinion que nous exprimons.

Qu'importe après cela l'objection que l'on pourrait tirer de ce que tels officiers ou sous-officiers auraient subi l'examen prescrit par l'article 54. Cet article a trait à une con

dition d'aptitude, à une vraie condition d'éligibilité ou de maintien dans le grade; aussi cet article est-il placé sous le titre V, relatif aux élections et aux nominations. Mais autre chose est cet examen sommaire portant sur des connaissances déterminées par un règlement d'administration, autre chose l'exer cice dont parle l'article 83 et qui comprend, suivant nous, la théorie: l'article 85 est placé sous le titre VIII, du Service, et les exercices, au minimum de douze par an, sont affaire de service et tiennent fondamentalement à l'existence même de la garde civique. D'ailleurs, l'interprétation que nous établissons ici, vous l'avez consacrée par l'arrêt déjà cité du 23 juillet 1849; l'arrėt même considère que les quelques mots d'appréciation énoncés à la chambre ne peuvent invalider cette doctrine en présence des termes généraux de l'article 85. Si la théorie a pu été prescrite par un règlement, c'est qu'elle est conforme à la loi.

Inutile, pensons-nous, de nous arrêter à l'objection qui consisterait à dire que l'article 83 ne concerne que les gardes, qu'il est étranger aux officiers et aux sous-officiers: l'absurdité d'une pareille interprétation serait palpable. Le mot garde, dans le sens générique, comprend tous les membres de la garde (articles 35, 50, 55, 86, 87, 90); lorsque la loi a voulu distinguer les officiers ou les sous-officiers, elle l'a fait (articles 59, 60, 70, 71, 94); lorsqu'elle a voulu parler des simples gardes, elle s'est exprimée nettement et spécifiquement (article 62, § 1er). Et certes, elle n'a pas distingué lorsqu'elle a dit que le service est personnel et obligatoire et que tout garde est tenu d'obeir: ces règles fondamentales embrassent bien certainement la généralité des hommes composant, à tous les degrés, la garde civique.

Nous n'avons pas compris, jusqu'ici, l'uti lité ou la signification du considérant dans lequel les jugements attaqués font mention du règlement de Bruxelles. En quoi ce règlement fortifie-t-il le système du conseil qui a prononcé ces jugements? Est-ce peutêtre que l'absence d'un règlement pour Saint-Josse-ten-Noode autorisait, aux yeux du conseil, les défendeurs à manquer à un service fondé sur la loi? Une pareille hérésie serait étrange que le commandant de la garde civique de Bruxelles ait organisé par un règlement spécial la théorie de ses officiers, soit; nous l'en louons volontiers: mais parce que ce règlement existe et est respecté à Bruxelles, sera-t-il permis ailleurs de refuser le service, de refuser un service que

nous croyons fondé sur la loi? Mais l'existence du règlement de Bruxelles nous aurait fourni l'argument précisément contraire à celui qu'en ont déduit les jugements attaqués nous aurions dit que si, à Bruxelles, la théorie est organisée par un règlement qui y est appliqué et observé, c'est que la théorie est dans la loi, car on doit considérer le règlement comme conforme à la loi : c'est donc la loi en définitive qui est mise en mouvement, à Bruxelles par un règlement, à Saint-Josse-ten-Noode par les ordres du jour du colonel; la seule différence, et elle est regrettable, c'est qu'il y a à Saint-Josseten-Noode des officiers et des sous-officiers qui s'arment de faux prétextes pour se soustraire à leur devoir.

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ARRET.

LA COUR; Sur l'unique moyen de cassation tiré de la fausse interprétation et de la violation des articles 87, 83 et 93 de la loi du 8 mai 1848:

Attendu que l'art. 87, statuant en termes généraux, que tout garde requis pour un service est tenu d'obéir sauf à réclamer devant le chef de corps, entend parler de tout service rentrant dans le but de l'institution et n'abandonne pas aux inférieurs l'appréciation de la légalité du service requis;

Attendu que la théorie dont la connaissance est indispensable aux officiers et sousofficiers est évidemment comprise dans l'expression générale de service dont se sert l'article 87 précité;

Attendu que l'article 54 de la loi précitée a uniquement pour objet la constatation de l'aptitude au service, des officiers, sousofficiers, sergents-majors et fourriers, et par suite leur maintien dans leurs grades, ou leur remplacement, mais qu'il n'y a rien d'où l'on puisse inférer, que celui qui est maintenu dans son grade puisse se dispenser d'assister aux exercices spéciaux qui le concernent, soit pour s'instruire davantage, soit pour instruire les autres;

Attendu que les obligations et l'obéissance passive des gardes étant écrites dans la loi, et la loi n'ayant pas subordonné son exécution à l'approbation du règlement de service mentionné dans son article 93, les défendeurs ne peuvent se prévaloir de l'absence de ce règlement, pour justifier leur refus de service;

Attendu que de ce qui précède il résulte, qu'en renvoyant les défendeurs des poursuites dirigées contre eux, le conseil de

discipline a expressément contrevenu aux articles de la loi du 8 mai 1848, ci-dessus cités à l'appui du pourvoi;

Par ces motifs, casse et annule le jugement rendu par le conseil de discipline de Saint-Josse-ten-Noode, le 10 mars 1852; condamne les défendeurs aux dépens de l'instance en cassation et à ceux du jugement annulé; ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les registres dudit conseil de discipline, et que mention en sera faite en marge du jugement annulé; renvoie la cause devant le même conseil composé d'autres juges, etc.

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Le sieur Lefebvre, rayé par le collége échevinal de Tournai de la liste des électeurs pour les chambres législatives, bien qu'il y eut figuré les années précédentes comme ayant obtenu la grande naturalisation, s'est pourvu en appel devant la députation permanente du conseil provincial du Hainaut ; mais, le 29 avril 1852, arrêté de cette députation, ainsi conçu :

« Vu la réclamation... etc.

« Revu les arrêtés des 22 mai 1840 ct 19 mai 1843;

"Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 3 juillet 1843, relaté dans la dépêche de M. le ministre de l'intérieur du 15 mai 1847, insérée p. 203 du Mémorial adminis tratif:

«Attendu qu'aux termes des lois en vigueur, la révision des listes électorales se compose d'une série d'opérations qui doi

vent se renouveler chaque année à une époque et dans les délais déterminés ; que cette révision ne comprend pas seulement le devoir, pour les administrations communales, de vérifier les listes d'après les faits nouveaux qui se produisent et fixent la position des électeurs, mais encore celui d'en éliminer, moyennant l'accomplissement de certaines formalités, les noms qui y figureraient par suite d'inscription indue;

« Attendu que le décret du 3 mars 1831, modifié par la loi du 1er avril 1843 spécialement, en se servant des expressions inscription indue, n'a pas fait de distinction et qu'il ne permet pas qu'on envisage d'une manière différente la position des électeurs selon que leur inscription aurait ou non été contestée et aurait fait l'objet de décisions obtenues dans les différents degrés de juri. diction établis en matière électorale;

« Attendu que le pouvoir, attribué à la députation permanente du conseil provincial, de statuer sur appel des décisions des administrations communales, est établi comme corollaire de l'attribution confiée aux autorités locales en ce qui concerne la révision des listes;

« Attendu que s'il est de principe rigoureux que les décisions de la députation permanente, en cette matière, constituent de véritables jugements, créent des droits pour des tiers et ne peuvent être réformés que de la manière indiquée par la loi, on doit néanmoins reconnaitre que le caractère d'inévocabilité qu'elles acquièrent, lorsqu'elles ne sont pas annulées par la Cour suprême, a, quant à leurs effets, pour limite nécessaire la durée même du temps pour lequel les listes électorales sont arrêtées, c'est-à-dire pour une année à partir de la révision qui en est faite annuellement;

« Attendu qu'admettre le soutenement du demandeur ce serait distinguer, contrairement à l'esprit et au texte de la loi, entre les décisions portant sur des points de droit et celles qui reposent sur des faits constatés; qu'en outre ce serait arriver à cette conséquence, contraire à tout principe, qu'une décision, fut-elle même basée sur une erreur, résultant d'une fausse interprétation de la loi, consacrerait pour les parties des droits irrévocables soustraits à tout examen, du moment qu'elle n'aurait point été attaquéc et réformée par une autorité statuant comme juridiction supérieure;

« Attendu que ce mode d'interprétation serait en opposition formelle avec le système de nos lois électorales qui admettent pério

diquement l'examen le plus étendu et la discussion des listes des individus inscrits sur les listes annuelles.

En fait : Attendu que le sieur Lefebvre réclamant, né Français, a été naturalisé par arrêté royal du 19 septembre 1815, c'est-à-dire après l'expiration du délai pendant lequel l'article 10 de la loi fondamentale de 1815 accordait au roi la faculté de conférer les droits absolus de l'indigénat qui équivalaient à la grande nafuralisation exigée par l'article 1er du décret du 3 mars 1831, pour l'exercice des droits d'électeur pour les chambres législatives;

<«< Attendu que l'inscription du nom du sieur Lefebvre sur la liste électorale des années précédentes n'est point un titre dont il puisse se prévaloir aujourd'hui que l'on conteste la validité de cette inscription;

« Attendu conséquemment que le récla mant manque de l'une des conditions essentielles exigées par la loi ;

« Arrète : La réclamation précitée n'est pas admise. »

Le sieur Lefebvre ayant déféré cette décision à la Cour de cassation en invoquant la chose jugée, M. l'avocat général Faider, qui portait la parole à l'audience, a conclu au rejet du pourvoi en ces termes :

Par décision rendue le 22 mai 1810, sur la réclamation du demandeur, la députation permanente du conseil provincial du Hainaut décida que Lefebvre, né Francais, naturalisé par arrêté royal du 19 septembre 1818, devait jouir du bénéfice de la grande naturalisation et être porté sur les listes électorales pour les chambres législatives. Par une seconde décision rendue le 19 mai 1843 sur l'appel du sieur Midavaine, la même députation, se référant à l'appréciation faite en 1840, maintint Lefebvre sur les listes électorales.

En 1852, le collége des bourgmestre et échevins de Tournai, procédant à la révision des listes électorales en vertu des articles 6 et 7 de la loi, décida que Lefebvre n'avait point obtenu la grande naturalisation et que dès lors, aux termes de l'article 1, no 1, de la loi, il ne pouvait continuer de figurer sur les listes en conséquence sa radiation fut prononcée. Celle radiation est fondée sur la doctrine consacrée par l'arrêt de la Cour de cassation du 3 juillet 1843 (Bull., p. 462) qui décide, in terminis, que les lettres d'indigénat que le roi Guillaume était autorisé

par l'article 10 de la loi fondamentale à accorder, pendant un an après la promulgation de cette loi, conféraient seules, comme la grande naturalisation d'aujourd'hui, la plénitude de la jouissance des droits politiques.

Le collège échevinal de Tournai reconnaissait donc que l'inscription de Lefebvre sur les listes électorales était le résultat d'une fausse interprétation et d'une fausse application de la loi; éclairé par votre arrêt, il rectifiait une erreur qu'il relevait sur la liste soumise à la révision légale ; il déclarait Lefebvre sans qualité pour être électeur pour les chambres législatives.

Lefebvre interjeta appel devant la députation permanente, laquelle, se référant à l'arrêt du 5 juillet 1845, constatant en fait que le demandeur, né en France, n'avait été naturalisé qu'en 1818, maintint la radiation la décision de la députation sur ce point, qui forme le fond du débat, ne parait pas susceptible d'être contestée; aussi Lefebvre ne la conteste pas : il s'était borné, comme il se borne devant la Cour, à invoquer la chose jugée par les arrêtés de la députation de 1840 et de 1843, et il tire de cette chose jugée une fin de non-recevoir contre la radiation prononcée par le collége échevinal.

Il y avait à mon profit, dit Lefebvre dans sou mémoire d'appel, chose souverainement jugée; j'ai un droit acquis incommutable : mon inscription reposât-elle sur une erreur portant sur le droit même, ajoute-t-il, ne peut avoir pour objet que la vérification du cens. En ce qui concerne la qualité de citoyen, il n'entrait pas dans les attributions du collège échevinal de la discuter; le demandeur abrége en disant que le système contraire au sien est tellement absurde qu'il n'y a pas lieu de s'y arrêter davantage. Dans son mémoire en cassation, le demandeur développe le même système et il invoque les articles 1350 el 1351 du Code civil pour fonder la violation de la loi; il soutient qu'il y avait en 1852 identité d'objet, de cause et de personne avec les décisions de 1840 el de 1843; que dès lors la décision attaquée doit être annulée, puisqu'elle a violé les articles précités en méconnaissant la chose jugée.

La décision allaquée a considéré que l'irrévocabilité des décisions en matière électorale, c'est-à-dire l'effet de la chose jugée, c'est-à-dire encore le droit acquis de l'électeur, avait pour limites nécessaires la durée des listes électorales sans distinguer

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