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saisi subitement d'une douleur de côté, se tondit les cheveux, fit pénitence et rendit l'esprit. Ses biens furent portés au fisc; on lui trouva de grands trésors d'or et d'argent et beaucoup et joyaux, dont il n'emporta rien que le préjudice qu'il avait fait à son

ame.

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Les envoyés qui étaient allés en Espagne revinrent sans en rapporter rien de positif, parce que Leuvigild était toujours en guerre contre son fils aîné. Dans le monastère de Sainte-Radegonde une jeune fille, nommée Ditiola, nièce de saint Sauve, évêque d'Alby, mourut de la manière que je vais dire. Elle était tombée malade, et les autres sœurs la servaient assidûment. Lorsqu'arriva le jour où elle devait se séparer de son corps, vers la neuvième heure, elle dit aux sœurs : « Voilà que je me sens mieux; je n'éprouve plus aucune douleur, je n'ai plus besoin que vous « vous empressiez autour de moi et demeuriez à me soigner; allez-vous-en pour que je puisse plus aisé« ment me laisser aller au sommeil. » A ces paroles, les sœurs quittèrent pour un instant sa cellule et revinrent peu de temps après; elles demeuraient debout devant elle, attendant qu'elle leur parlât, lorsqu'étendant les mains et demandant à je ne sais qui sa bénédiction, elle dit : « Bénis-moi, ô saint et serviteur du « Dieu très-haut! Voilà aujourd'hui la troisième fois « que tu souffres pour l'amour de moi; pourquoi, ô << saint! supportes-tu, en faveur d'une pauvre femme «< malade, des injures si multipliées ? » On lui demanda à qui elle adressait ces paroles; mais elle ne répondit rien, et, après un court intervalle, elle poussa un grand éclat de rire et rendit l'esprit. Et voilà qu'un

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possédé, qui était venu à l'exaltation de la sainte croix pour en obtenir sa guérison, se prit à s'arracher les cheveux, et, se jetant à terre, disait : « Malheur! mal<«< heur, malheur à nous qui avons souffert un tel << dommage! S'il nous avait été du moins permis de plaider d'abord notre cause et de savoir pourquoi <«< cette ame nous a été enlevée! » Ceux qui étaient présens lui ayant demandé ce qu'il voulait dire, il répondit : « Voilà que l'ange Michel a pris l'ame de cette «fille et l'a conduite au ciel, et notre prince, que « vous appelez le Diable, n'en a pas eu la moindre << part. » Le corps, lorsqu'il eut été lavé, parut éclatant d'un blanc de neige, en sorte que l'abbesse ne put trouver sous sa main aucun linceul qui le surpassât en blancheur. Cependant, après l'avoir enveloppé dans des linceuls propres, on le porta à la sépulture. Une autre fille de ce monastère eut une vision, qu'elle raconta aux sœurs. Il lui sembla, dit-elle, qu'elle était en voyage parce qu'elle avait fait vou de se rendre à pied à une fontaine d'eau vive; comme elle n'en savait pas la route, elle rencontra devant elle un homme qui lui dit : « Si tu veux arriver à la fontaine d'eau « vive, je marcherai devant toi pour t'en montrer le «< chemin. » Elle lui rendit grâces et suivit cet homme, qui marcha devant elle. Marchant ainsi, ils arrivèrent à une grande fontaine dont les eaux brillaient comme de l'or, et dont les herbes, semblables à toutes sortes de pierres précieuses, rayonnaient de toute la lumière du printemps. L'homme lui dit : « Voilà la fon<< taine d'eau vive que tu as cherchée avec tant de tra« vail. Désaltère-toi à son courant, afin qu'il surgisse « pour toi une fontaine d'eau vive dans la vie éter

« nelle. >> Comme elle buvait avidement de cette eau, voilà qu'elle vit de l'autre côté venir l'abbesse qui, l'ayant dépouillée de ses vêtemens, la couvrit d'habits royaux, brillant de tant d'éclat d'or et de pierres précieuses qu'à peine serait-il possible de le comprendre. L'abbesse lui disait : « Ton fiancé t'envoie ces présens.>> Cette vision toucha le cœur de la religieuse, et, peu de jours après, elle pria l'abbesse de lui faire préparer une cellule pour y vivre en réclusion. La cellule fut très-promptement préparée. L'abbesse lui dit : « Voilà « la cellule, maintenant que desires-tu? » La religieuse lui demanda qu'il lui fût permis de s'y renfermer. La chose lui ayant été accordée, elle y fut conduite par les vierges rassemblées, avec des chants et des flambeaux allumés, et sainte Radegonde qui la tenait par la main. Elle dit adieu à toutes, et les ayant embrassées l'une après l'autre, elle fut recluse dans la cellule; on boucha la porte par où elle y était entrée, et là elle vaque à l'oraison et à la lecture.

Cette année-là sortit de ce monde l'empereur Tibère, laissant parmi tout son peuple un grand deuil de sa mort. Il était éminent en bonté, toujours prêt à l'aumône, juste dans ses arrêts, très-prudent à juger, ne méprisant personne, et embrassant tous les hommes dans sa bienveillance; et comme il les chérissait tous, il était chéri de tous. Lorsqu'il fut tombé malade, il désespéra de sa vie; il fit appeler l'impératrice Sophie et lui dit : «< Voilà que je sens que le temps de ma vie « est accompli; je veux choisir, d'accord avec vous, <«< celui qui doit gouverner la république ; il faut élire << avec soin l'homme à qui je remettrai ma puissance.

'Ce fut en 582, et non en 583 que mourut l'empereur Tibère.

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Elle choisit un certain Maurice, disant : « C'est un << homme actif et habile; il a souvent combattu les «< ennemis de la république et a obtenu la victoire. » Ce qu'elle disait, afin qu'après la mort de Tibère Maurice s'unît à elle en mariage. Mais Tibère, instruit du choix qu'avait fait l'impératrice, donna ordre de parer sa fille des ornemens impériaux; et ayant fait appeler Maurice, il lui dit : « Voilà que, par le con<< sentement de l'impératrice Sophie, tu viens d'être «< nommé à l'Empire. Pour t'y affermir, je te donne « ma fille. » La jeune fille étant arrivée, son père la remit à Maurice, en lui disant : « Reçois mon empire << avec cette jeune fille; règne heureusement, et n'ou«blie jamais l'amour de la justice et de l'équité. Maurice ayant reçu la jeune fille, la conduisit à sa maison; on célébra la cérémonie du mariage, puis Tibère mourut. Après les vacances d'usage, Maurice, couvert du diadème et de la pourpre, se rendit au Cirque où il fut salué des acclamations du peuple, lui distribua des présens, et fut confirmé dans la possession de l'Empire.

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Le roi Chilpéric reçut ensuite des envoyés de son neveu Childebert, à la tête desquels était Ægidius évêque de Rheims. Introduits auprès du roi, lorsqu'on leur eut permis de parler, ils dirent : « Ton neveu << notre seigneur te demande à tout prix de conserver « l'alliance que tu as faite avec lui; il ne peut avoir << de paix avec ton frère qui, après la mort de son père, <«<lui a enlevé une partie de Marseille, retient les fugi« tifs de son royaume, et refuse de les lui remettre en«<tre les mains. Ton neveu Childebert veut donc con<< server entière l'affection qui est maintenant entre

<< vous. » Et le roi dit : « Mon frère s'est rendu cou

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pable en beaucoup de choses, car si mon fils Childebert veut examiner les choses selon la raison, il <«< reconnaîtra bientôt que son père a été tué avec la <«< connivence de Gontran. » Lorsqu'il eut ainsi parlé, l'évêque Ægidius lui répondit : « Si tu t'allies avec ton

néveu, et que ton neveu s'allie avec toi, vous ferez « marcher une armée, et aurez bientôt pris de lui la «< vengeance qui vous est due. » S'étant donc liés par des sermens, ils se donnèrent mutuellement des ôtages, et se séparèrent. Chilpéric se fiant donc en leurs promesses fit marcher son armée et vint à Paris, où son séjour causa une grande dépense aux habitans. Le duc Bérulphe avec les gens de Tours, de Poitiers et de Nantes, marcha sur les confins du territoire de Bourges. Didier et Bladaste, à la tête de toutes les troupes des provinces qui leur étaient confiées, l'environnèrent d'un autre côté, et dévastèrent cruellement les pays qu'ils eurent à parcourir. Chilpéric ordonna à l'armée qui venait le joindre, de traverser Paris. Il le traversa lui-même à la tête de cette armée, et marcha vers le château de Melun, livrant tout aux flammes et à la dévastation. L'armée de son neveu n'arrivait point, quoique les chefs et les envoyés de Childebert fussent auprès de Chilpéric; il envoya des messagers aux ducs Bérulphe, Didier et Bladaste, et leur dit : « Entrez dans le territoire de « Bourges, et quand vous serez parvenus jusque dans « la ville, exigez le serment de fidélité. » Les habitans de Bourges se précipitèrent, au nombre de quinze mille, du côté du château Mélian, et là combattirent contre le duc Didier. Il se fit un grand carnage, et il

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