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les erreurs de droit ou de fait qui avaient donné lieu aux inscriptions, notre système électoral admettant l'examen le plus étendu et la discussion complète des titres invoqués. Ce raisonnement, nous le partageons sans réserve et sans hésitation; et si la Cour de cassation n'a pas eu jusqu'à ce jour à examiner et à décider la question de chose jugée dans les termes où elle se présente aujourd'hui, nous sommes persuadé qu'elle ajoutera l'autorité de son arrêt à celle de deux arrêts de Cours royales de France dont Dalloz accepte la doctrine: « Supposons, dit « ce jurisconsulte, que deux électeurs, dis« putant la priorité de rang, unc décision « l'ait fixée, pourraient-ils renouveler la « discussion lors de la publication de nouuvelles listes, quoique nul changement dans « leur état n'ait eu lieu? La négative peut « être défendue par des raisons spécieuses, « mais l'affirmative doit être adoptée d'une « manière absolue; seulement les tribunaux « feraient justice, par des dommages-inté

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rêts, de tracasseries mal fondées, etc. (1). » Cette doctrine se fonde en France sur deux arrêts rendus sur les conclusions conformes du ministère public, et qui décident que l'exception de chose jugée, soit en faveur d'un électeur indùment rayé, soit contre un électeur indùment admis, est absolument incompatible avec le système de la révision des listes, laquelle nécessite la discussion des titres (2).

Cette doctrine se fonde encore sur le vœu de la loi que nous trouvons ainsi défini dans une importante circulaire du ministre de l'intérieur de France du 9 mai 1846 (rapportée à sa date dans les lois annotées de Carette): « Le vœu de la loi, c'est que <«<les listes soient complètes et sincères, « complètes, en admettant tous ceux qui ont « droit d'y être portės; sincères, en excluant tous ceux qui ne remplissent pas les con«ditions de la loi. »

(1) Voy. Dalloz, Nouveau Répertoire, vo Chose jugée, no 299.

(2) Voy. Amiens, 15 novembre 1828 et Agen, 14 novembre 1828 (Sirey, 1829, 2, 3 et 4). Dans la seconde espèce, le préfet avait refusé de porter l'électeur sur la liste de 1827; en 1828, sur la nouvelle réclamation de l'électeur, le préfet décida que la question ayant déjà été jugée, il n'était pas en son pouvoir d'y revenir; la Cour d'Agen réforma la décision du préfet et ordonna l'inscription de l'électeur : Tout arrêté anté«rieur ne peut être un obstacle à ce que les a droits politiques d'un citoyen soient de nou« veau vérifiés, dit la Cour, s'il en était autre

Tel est aussi au vrai le système de la loi électorale belge : elle veut l'indigénat, l'âge, le cens, l'intégrité; elle veut la réalité des conditions et non point la fiction; elle veut la qualité de Belge par la naissance ou la grande naturalisation, et une fausse appréciation sur cet élément fondamental ne peut résister devant la réalité mieux établie; elle veut l'âge ou la majorité réelle; elle n'admettrait point, par exemple, pour l'électeur communal la fiction de l'émancipation; elle veut la réalité des bases d'impôt, comme l'a décidé votre mémorable arrêt du 28 juin 1847 (affaire Ouwerx); elle ne permet pas que l'on soit électeur par la vertu d'une simple quittance du receveur des contribu tions; elle ne veut pas qu'un condamné ou un failli soit électeur, eûl-on mème décidé par erreur qu'il n'a jamais été condamné ou failli. En un mot, l'essence du droit politique c'est l'indigénat, l'âge, la fortune, l'intégrité (civitas, ælas, fortuna, integritas); du moment que l'une ou l'autre de ces conditions indivisibles fait défaut, la capacité électorale s'écroule toute entière -cadit in particulâ, cadit in toto. Et la loi a pris soin d'assurer la constante sincérité des listes en ordonnant leur révision annuelle et leur publication; en autorisant les réclamations de tout individu jouissant des droits civils et politiques et la formation de listes supplémentaires; en consacrant l'initiative, soit des colléges électoraux, soit des commissaires de district, soit des gouverneurs. Sans doute, la loi a donné aux listes électorales une certaine fixité; elle les a soustraites à une constante et dangereuse incertitude; elle a consacré le principe de la permanence qui crée pour ou contre le citoyen la présomption légale, mais provisoire, de capacité ou d'incapacité; mais cette permanence n'est établie par l'article 6 de la loi que sauf les radiations et inscriptions qui peuvent avoir lieu lors de la révision an

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ment, les droits politiques toujours imprescriptibles pourraient être à jamais perdus par « une mauvaise défense ou par la négligence d'un individu; un pareil système ne saurait a avoir de fondement dans nos lois,» Dans l'espèce jugée par la Cour d'Amiens, il s'agit au contraire d'un individu porté sur la liste de 1827 et rayé en 1828. Ces décisions ont d'autant plus d'autorité qu'elles ont été rendues sous l'empire de la loi du 2 juillet 1828, laquelle, comme le reconnaît l'arrêt de la Cour de cassation belge du 20 décembre 1852 (Bull., 1832, 1, 19), a servi de type à notre loi électorale.

nuelle. Une fois la période de révision ouverte, la permanence cesse, les droits sont soumis à vérification, et il est de principe que dans cette vérification le collége échevinal doit faire d'office tout ce qu'il pourrait faire s'il était saisi de la contestation (Delebecque, no 336), c'est-à-dire qu'il doit d'office réparer les erreurs qu'il constate ou qu'il découvre comme si elles lui étaient dénoncées par un tiers intervenant ou par les intéressés eux-mêmes.

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La révision des listes a pour objet, elle doit donc avoir pour effet de les ramener à la réalité et d'en retrancher toute personne en qui n'est point l'essence du droit électoral; avec la révision s'ouvre un droit nouveau, d'une part, pour le citoyen, indument exclu d'une liste, de s'y faire inscrire, d'autre part, pour l'autorité ou le tiers réclamant, de faire exclure le citoyen indùment inscrit; ce droit réciproque et certain, dont le principe de permanence suspend l'exercice, naft chaque fois qu'il y a lieu à révision; il va donc sans dire, et ceci suffirait pour terminer le procès, que toute décision sur une inscription ou sur une radiation n'a de durée que celle de la permanence des listes et ne saurait fonder un droit irrévocable, une chose jugée assimilée à la vérité, puisque cette vérité ne saurait être ni celle d'une fiction, ni celle d'une présomption, mais celle de la réalité qu'il est toujours possible, qu'il est nécessaire, qu'il est obligatoire d'atteindre, de constater et de consacrer dans la nouvelle liste; c'est bien en matière électorale qu'il est permis de rappeler cette maxime veritas est fundamentum judiciorum, et le principe que toute présomption (et la chose jugée n'est qu'une présomption) est d'étroite interprétation: præsumplio cedit veritati, quia veritas prævalet præsumptioni. « Il est, disait Jaubert, dans la nature des présomptions qu'elles cèdent à la preuve, sauf les exceptions admises par la loi. » Et la loi, article 1350, considère comme présomption légale celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits, telle que l'autorité que la loi attribue à l'autorité de la chose jugée. Et l'article 1551 pose les conditions rigoureuses et constitutives de la chose jugée, de cette exception qu'il est interdit au juge de suppléer en matière ordinaire, et que dans le doute il faut écarter, comme l'enseignent Voet et Toullier (t. 10, p. 157).

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exception, comme celle fondée sur la prescription, dans l'intérêt de la paix publique) que dans les matières électorales la chose jugée s'efface devant la réalité, et la présomption devant la vérité, du moment où la capacité électorale est soumise à une révision légale. Il n'est pas permis de dire que chaque année, à l'époque de la révision, il s'agit du même objet, de la même cause, de la même personne; personne et cause soit; mais quant à l'objet, nous le nions; l'objet du débat, en 1840 et 1843, était pour Lefebvre son inscription sur la liste de 1840 et sur la liste de 1843; l'objet du débat en 1852 est son inscription sur la liste de 1852; l'objet est différent, car ce n'est pas la liste de 1840 ou de 1845 qu'il s'agit de refaire ou de corriger au préjudice des décisions rendues en 1840 ou 1843; ces listes n'existent plus, elles ont épuisé leur effet, elles ne sont plus valables, puisqu'il en faut dresser d'autres, puisque les nouvelles listes doivent être affichées et soumises à un contrôle public, à une appréciation de nature à engendrer une sorte d'action populaire que la loi accorde à tout individu jouissant de ses droits civils et politiques, au collège échevinal, au commissaire de district, au gouverneur.

Si donc l'objet du débat n'est plus le même, comment lui appliquer la chose jugée. Si la chose jugée de 1840, si celle de 1843 ne portaient que sur la liste de 1840 et sur celle de 1843, comment la pourraiton étendre à la liste de 1852; car, remarquons-le bien, la députation permanente n'a de compétence que par rapport aux listes qui lui sont soumises, ou plutôt par rapport aux réclamations qui se rattachent aux listes de l'année, à celles qui ont été récemment refaites et affichées; l'appréciation des droits électoraux, de la capacité électorale, de l'indigénat, du cens, de l'âge, de l'intégrité, ne se fait par elle que par rapport à l'inscription sur une liste électorale déterminée et par rapport seulement à l'exercice des droits électoraux. A ce point de vue, la compétence des députations permanentes est essentiellement restreinte; quant à la durée de sa décision, elle est restreinte à la durée des listes; quant à l'effet de son appréciation, elle est restreinte à la qualité électorale, et quant à la chose jugée, elle ne crée une présomption que par rapport aux listes tant que ces listes ne sont point régulièrement corrigées.

Il résulte de là que la députation permanente peut toujours revenir sur une appré

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ciation de capacité ou de dignité électorale, si ce dernier mot est permis. Quelques exemples vont le démontrer l'article 5 de la loi refuse l'électorat aux condamnés à une peine afflictive ou infamante; supposez qu'une députation, induite en erreur par des arrêts déjà anciens, eût décidé que la peine de la brouette n'est pas une peine afflictive ou infamante et admis l'inscription d'un condamné de cette catégorie; dira-t-on que, mieux éclairée lors de la révision des listes, elle ne pourra pas prononcer la radiation de ce même individu? celui-ci pourra-t-il invoquer la chose jugée ? On sent combien la prétention serait absurde (1). Supposez une personne en état de cession de biens: si une députation l'admet au droit électoral après avoir décidé qu'elle a payé toutes ses dettes, dira-t-on qu'il y a là chose jugée, et que la députation ne pourra pas, l'année suivante, ordonner la radiation si on lui prouve que le débiteur n'est pas libéré? Nul ne saurait le prétendre, car s'il est vrai qu'il faut posséder la réalité des bases matérielles du droit électoral, c'est-àdire la réalité du cens, il sera vrai à plus forte raison qu'il faut posséder la réalité des bases morales de ce droit, c'est-à-dire la réalité de l'indigénat ou de l'intégrité, et si, comme semble le concéder le demandeur dans sa note d'appel, la révision annuelle peut porter sur l'appréciation du cens, si cette appréciation ne peut être enchaînée par la chose jugée des années antérieures, comment soutiendra-t-on qu'il en est autrement pour l'appréciation de l'indigénat, qualité et condition bien plus importantes suivant nous que la question du cens!

Les rapprochements que nous venons de faire sont d'autant plus concluants, que l'article 8 de la loi électorale fournit un argument qui suffirait à lui seul pour renverser le système du pourvoi. Que doit faire le collége électoral après avoir revisé et arrêté les listes? Il doit les publier en invitant les citoyens à réclamer, et de plus il doit, comme motifs de ses décisions ou de ses admissions, indiquer, en regard du nom de chaque individu inscrit : « le lieu et la date «de sa naissance, la date de la grande natu

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dire que la liste doit porter avec elle sa justification, ses motifs, ses preuves; le lieu de la naissance, c'est-à-dire l'indigénat; la date de la naissance, c'est-à-dire l'âge; le mon. tant des contributions, c'est-à-dire le cens ; et, lorsqu'il y a lieu, la date de la grande naturalisation, c'est-à-dire le seul fait législatif qui assimile l'étranger de naissance au Belge de naissance quant aux droits électoraux. Or, si l'on a sur les listes précédentes porté à tort Lefebvre comme ayant obtenu la grande naturalisation, il va sans dire que l'erreur reconnue peut et doit être réparée, eût-elle même été ratifiée par des arrêtés de la députation permanente. Et pourquoi? Parce que ces arrêtés, ne renfermant une appréciation que par rapport à des listes déterminées et essentiellement temporaires, n'avaient plus aucune autorité par rapport à des listes nouvelles qui n'existaient même pas lorsqu'ils ont été portés; ces arrêtés, lorsqu'ils ordonnent une radiation mal fondée, n'ont pas la force d'empêcher l'inscription sur une nouvelle liste revisée de l'individu mal à propos écarté, comment auraientils la force d'empêcher la radiation d'un individu mal à propos inscrit? Si le principe de chose jugée est vrai, il est absolu; s'il est absolu, il est commun aux réclamants et aux autorités chargées du contrôle; la réciprocité est ici le résultat de la vérité du principe; or, que dirait le demandeur si, ayant été considéré à tort comme étranger en 1840 et en 1843, on venait lui opposer en 1852 la chose jugée malgré la preuve de son indigenat? Que dirait, par exemple, un éligible au sénat qui, par erreur de fait ou de droit, aurait été écarté de la liste annuelle dressée en vertu de l'article 44 de la loi électorale, et qui, l'année suivante, se verrait arrêté dans ses réclamations et ses preuves par l'exception de chose jugée? et en sens inverse, serait-il possible de dire qu'un étranger indùment porté sur la liste des éligibles au sénat en vertu d'une décision contradictoire de la députation permanente, restera sur la liste en vertu de la chose jugée, bien qu'il soit reconnu qu'il n'est ni Belge, ni assimilé aux Belges par la grande naturalisation?

Poser ces questions, c'est les résoudre. Pour soutenir sa thèse le demandeur est obligé d'invoquer la chose jugée érigée en

et cette dernière appréciation a été consacrée par la haute Cour militaire par arrêt du 25 avril 1834.

présomption légale par la loi civile, et cette présomption, il la transporte, contrairement à tous les principes du raisonnement logique et juridique, dans le droit politique cela est inadmissible. D'une autre part, la présomption fondée sur la chose jugée est, en vertu de la loi civile, essentiellement relative, et elle n'est perpétuelle entre ceux pour lesquels elle existe que par une fiction fondée sur la nécessité de fixer les droits privés et de mettre fin aux procès; comment peut-on argumenter d'une chose jugée dont le vœeu, en droit civil, est la fixité, pour l'appliquer à une matière de droit politique dont le vœu est précisément le contraire de la fixité, c'est-à-dire la révision, l'appréciation, la rectification annuelle? Il faut convenir que le demandeur a complétement oublié le principe qui défend d'appliquer à un ordre de choses les lois créées pour régir un ordre de choses différent; qu'il nous soit permis de rappeler ici les termes très-généraux de l'article 1er de la loi du 25 juillet 1854 pour prouver à la Cour que le vœu de la loi électorale n'est pas la fixité fondée sur une présomption, mais la modification annuelle fondée sur la réalité; cet article définit en même temps les droits et les devoirs de l'autorité : « Lorsqu'en exécution de l'article 7 de la loi du 5 mars 1831, les << administrations communales, en procé« dant à la révision des listes électorales, rayeront les noms d'électeurs portés sur << les listes de l'année précédente, elles se«ront tenues d'en avertir ces électeurs par « écrit et à domicile au plus tard dans les « quarante-huit heures à compter du jour « où les listes auront été affichées, en les « informant des motifs de cette radiation ou « omission. » Voilà des termes absolus, généraux, où le juge n'a pas de distinctions à introduire, dont l'esprit même exclut toute distinction possible. L'autorité administrative a le droit, en revisant les listes, et d'y porter les électeurs nouveaux ou indùment omis, et d'en retrancher les électeurs anciens indùment inscrits; quels que soient les motifs, quels que soient les précédents, que les erreurs aient porté sur le cens, sur l'âge, sur l'indigénat, sur la moralité, il n'importe; les erreurs ne sont pas seulement réparables, elles doivent être réparées; c'est pour les réparer que la révision est faite, sauf le droit d'opposition ou d'appel des intéressés; et, il faut le reconnaître, le principe de la permanence des listes serait une absurdité, une monstruosité, s'il n'était pas tempéré par le principe de la révision annuelle qui permet le re

dressement des erreurs ou des illégalités.

C'est surtout en matière politique que l'intérêt public domine l'intérêt individuel; l'intérêt public veut que tous les électeurs soient inscrits, mais il veut que ceux qui n'ont pas ou qui n'ont plus le droit de l'être soient exclus. A ce point de vue, il est de principe que les droits politiques sont imprescriptibles; ils sont imprescriptibles pour et contre le citoyen belge, c'est-à-dire que nulle prescription ne peut ni conférer les droits politiques à ceux qui n'ont pas la capacité réelle, ni dépouiller de ces droits ceux qui ont en eux la même capacité. Aussi dit-on avec raison qu'en matière politique il n'y a pas de droits acquis; le droit acquis en matière électorale dépend du maintien des listes; la chose jugée qui servira de base à ce droit acquis dépend des mêmes listes; voilà. le principe dans ses termes les plus simples.

Mais, objecte le mémoire du pourvoi, à quoi servirait les décisions si on pouvait chaque année les voir annuler sans jamais obtenir une décision définitive? Et on soutient que le quid judicandum,c'est-à-dire la question d'indigénat de Lefebvre, a été précisément le quid judicatum, c'est-à-dire la chose jugée, et que dès lors Lefebvre est désormais définitivement déclaré Belge par la grande naturalisation. Les observations que nous venons de développer prouvent qu'il y a dans ces objections autant d'erreurs que de mots. Le quid judicandum était, en 1840 et en 1843, le maintien sur la liste électorale, la capacité électorale, sauf révision; le quid judicatum n'a donc pas eu d'autre caractère. L'indigénat de Lefebvre n'est pas plus établi en termes absolus que la question d'état d'un enfant n'est décidée en termes absolus lorsque l'état n'a pas été discuté vis-à-vis du contradicteur légitime; la décision est relative et temporaire, parce que le contradicteur n'était recevable et légitime qu'au point de vue d'une liste éleclorale déterminée: tantum judicatum quantum litigatum; de même, nous le répétons, dans une question d'état, la chose jugée ne sera que relative si ce n'est pas avec le contradicteur légitime que la discussion a eu lieu.

Mais à quoi, dit-on, servira une décision électorale si elle n'est définitive? Elle servira à faire maintenir l'électeur sans droit sur une liste tant que cette liste durera; elle aura ainsi tout l'effet que la loi lui donne; la loi ne veut pas qu'une telle décision soit définitive; au contraire elle ne lui reconnaît qu'un caractère essentiellement temporaire et révocable; en vertu de l'article 12, § 2,

de la loi électorale, chaque inscription indue sans distinction peut annuellement être dénoncée, et si elle peut être dénoncée, elle peut être rayée d'office, cela est certain, l'initiative étant conférée à l'autorité locale.

La règle 207, de Reg. jur. : res judicata pro veritate accipitur, a une puissance absolue dans les limites tracées par la loi; elle n'a aucune valeur hors de ces limites; lorsque la res judicata n'est que DÉCLARATIVE elle a une valeur relative quoique incommutable, c'est-à-dire que, dans les termes du débat auquel le jugement met fin, elle vaut vérité; mais il est contraire à son essence d'être étendue. Il en est autrement lorsqu'elle est CONSTITUTIVE; alors elle vaut vérité vis-à-vis de tous; ainsi l'arrêt d'adoption, l'arrêt de réhabilitation, l'arrêt de déclaration d'état rendus en présence du contradicteur légitime sont des choses jugées fondées sur une réalité et constituent les qualités et les droits d'une manière générale; dans ces cas, les arrêts de justice sout en quelque sorte des actes de pouvoir souverain. Rien de semblable dans les arrétés des députations en matière électorale; les députations ont une mission spéciale, une autorité restreinte, une puissance limitée, et la res judicata qu'elles créent a pour limite naturelle et nécessaire, comme le reconnait avec raison la décision dénoncée, la durée des listes électorales (').

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ARRÊT.

LA COUR; Attendu que d'après l'article 7 de la loi électorale du 3 mars 1831 modifié par la loi du 1er avril 1843, les colléges des bourgmestre et échevins doivent faire tous les ans, du 1er au 15 avril, la révision des listes des citoyens de leurs communes qui, d'après ces lois, réunissent les conditions requises pour être électeurs;

Attendu que ce devoir et le pouvoir qui lui est corrélatif se reproduit tous les ans ; d'où il résulte que ces colléges ne peuvent empiéter sur les droits que leurs successeurs auront d'examiner comme eux chaque année si les citoyens portés sur les listes ou qui voudront s'y faire porter réunissent les conditions requises pour être électeurs; qu'ainsi lorsqu'il se présente une question à examiner dans la révision des listes, le collège des bourgmestre et échevins ne peut la décider que dans les limites de ses pouvoirs annuels et exclusivement pour la liste de cette année;

(1) Verba judicis reducuntur ad intellectum juris et materiæ subjectæ, et talis ejus scilicet

Attendu que les arrêtés des députations des conseils provinciaux qui décident sur appel en matière électorale sont soumis aux mêmes principes; qu'en effet, si la députation confirme la décision du collège des bourgmestre et échevins, c'est la décision de ce collége qui s'exécute telle qu'elle est, et par conséquent limitée à la liste de l'année dont elle s'est exclusivement occupée; si au contraire la députation réforme la décision du collége, elle fait et ne peut faire que ce que le collége aurait dû faire, et par conséquent ne décide que pour la liste de cette année, n'ayant ni juridiction ni pouvoir sur les listes des années postérieures qui ne lui sont pas soumises;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les décisions de la députation du conseil provincial du Hainaut, du 22 mai 1840 et du 19 mai 1845, n'ont eu l'autorité de la chose jugée que par les listes électorales de 1840 et 1845, el que par conséquent elles ne peuvent dispenser à toujours le demandeur né en pays étranger de la grande naturalisation qu'il n'a pas et qu'il devrait avoir pour être électeur d'après l'article 1er, no 1, de la loi du 5 mars 1851, et l'article 5 de la loi du 1er avril 1843;

Par ces motifs, rejette, etc.

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Aux termes du règlement communal d'Ixelles, sur le service de l'abattoir de cette commune, la vente de la viande fraîche de bêtes abattues hors de la commune ne donne lieu qu'à des peines de simple police. (Règlement communal d'Ixelles du 9 août 1850, articles 2, 12, 66; loi du 29 avril 1819, article 9, §§ 2 et 3.)

Lorsque la Cour de cassation annule la décision d'un tribunal correctionnel, parce qu'il a incompétemment retenu la connaissance d'une affaire de simple police, le juge dessaisi ne pouvant plus éventuellement connaître de la même affaire en degré d'appel, la Cour doit renvoyer la cause à un tribunal de simple police d'un autre arrondissement judiciaire.

judicis mens præsumitur qualis esse debet. (Molinæus, de Feud., § 60, no 16.)

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