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de mainmorte; que la famille de Daniel Cyvoct n'a jamais été sous la ́ ́servitude du seigneur de Lompnes, et que le notaire royal de Thézillieu et sa descendance étaient soumis aux règles du droit commun vis-à-vis de Guillaume-Philibert d'Angeville et ses descendants; Attendu, dès lors, que, par suite des considérations qui précèdent, les demandeurs, établissant régulièrement qu'ils sont les descendants directs, même par les femmes, de Daniel Cyvoct, sont en droit d'invoquer le bénéfice des contrats consentis par leur auteur, et qu'aux termes des actes susvisés ils sont usagers dans les bois et forêts des Grandes Teillères, à moins que leurs droits d'usage n'aient été éteints par le non-usage pendant trente ans; Mais attendu qu'il résulte d'une manière certaine des pièces et documents versés au procès qu'à l'exception du droit d'usage pour clôture, qui n'a pas été exercé depuis un temps immémorial et qui par suite est éteint aujourd'hui par la prescription, les droits d'usage dans la forêt de Teillères pour les réparations, constructions et entretien de leurs bâtiments et pour leur chauffage, au profit des descendants de Daniel Cyvoct, ne sont point prescrits par le non usage pendant trente ans ; Attendu, en effet, qu'il est certain et qu'il résulte formellement des énonciations des arrêtés du préfet de l'Ain des 30 juillet 1814 et 16 juin 1816, ainsi que des autres documents du procès, que depuis la constitution des droits d'usage jusqu'à la révolution française et jusqu'en l'an VIII, les auteurs des demandeurs ont joui sans trouble de leurs droits; qu'à dater de cette époque jusqu'eu 1816 les communes semblent avoir apporté aux usagers une certaine résistance, mais que, les arrêtés du préfet de l'Ain susvisés ayant ordonné au maire de Cormaranche de comprendre à l'avenir la dame Billon, née Cyvoct, dans toutes les distributions de coupes ordinaires qui auraient lieu dans la forêt de Teillères, il est certain que ces arrêtés ont reçu leur exécution, quel que fût le mauvais vouloir de la commune de Cormaranche; Attendu que, si les arrêtés du préfet en cette matière n'ont pas l'autorité d'une décision judiciaire, ils n'en sont pas moins décisifs aux débats s'il est établi qu'ils ont été exécutés ; Attendu qu'aux termes d'une délibération du conseil municipal de Cormaranche, mentionnée dans l'arrêté du préfet de l'Ain du 16 juin 1816, ledit conseil, après s'être opposé le 1er mai 1814 à la demande de la veuve Billon, se décidait le 2 avril 1816 à accorder à la veuve Billon, née Eulalie Cyvoct, un droit annuel égal aux autres habitants, ne lui refusant qu'une coupe extraordinaire; Attendu que dès 1815 les auteurs des demandeurs réclamaient un lot très considérable de bois, ainsi que cela résulte d'une citation du 23 février 1815; qu'ils ont fait dresser par l'expert Carbet un état des bois qui étaient nécessaires à leurs habitants; qu'ils adressaient des pétitions au maire de Cormaranche, au sous-préfet et au préfet; que les exigences d'Eulalie Cyvoct et de son mari, Claude-Pierre Billon, devaient nécessiter une coupe extraordinaire ; que cette coupe n'a jamais été accordée; mais qu'il n'en est pas moins certain que les réclamants ont reçu, dès cette époque, des délivrances de bois dans la forêt de Teillères; Attendu que, par une délibération, en date du 16 novembre 1837, le conseil municipal de Cormaranche, aux plaintes formulées par les auteurs des demandeurs, reconnaît formellement qu'en 1816, 1820, 1827,

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1828, 1829, 1830 et jusqu'en 1837 ils avaient reçu en bois livré provenant de la forêt de Teillères tout ce qui leur était dû et même au delà; Attendu que ces reconnaissances ne sont pas infirmées par les pièces émanées des mariés Billon, `aux termes desquelles ils ne cessent de se plaindre de l'insuffisance des livraisons qui leur sont faites; Attendu que ces diverses délibérations émanant des représentants de la commune sont pleinement suffisantes pour constater des faits; qu'elles dispensent le juge de recourir à une enquête, ce mode d'instruction n'étant jamais obligatoire, et qu'elles constituent des présomptions précises et concordantes admissibles en l'espèce, conformément aux dispositions de l'article 1353 du Code civil; Attendu que le dépôt du mémoire préalable à l'instance actuelle, dépôt interrompant la prescription et toutes déchéances, est en date du 6 juin 1860, que l'assignation est en date du 28 janvier 1863; · Attendu dès lors qu'aucune prescription n'atteint les droits des demandeurs en ce qui touche l'usage des bois de construction, de réparation et de chauffage, les délivrances de bois. ayant eu lieu sans distinction dans leurs destinations; Attendu que les

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bâtiments ayant droit au bois pour leur construction et entretien sont non seulement ceux existant au moment de la concession, mais ceux construits depuis cette époque, le titre constitutif créant les droits d'usage au profit de Daniel Cyvoct et des siens à perpétuité pour leurs bâtiments, mais qu'il est évident que ce droit doit être exercé sans abus, conformément aux usages suivis à Cormaranche; Attendu que le la commune de moyen articulé par Cormaranche dans ses conclusions est fondé sur ce que la concession n'a pu être entendue qu'en ce sens qu'un seul droit d'usage devait appartenir à chacun des enfants de Daniel Cyvoct, et après lui, à la famille de chacun de ses enfants, et non à chacun des membres individuellement, a été abandonné formellement à l'audience, qn'il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter; Attendu, en ce qui concerne Joseph Billon, qne ce demandeur seul se trouve dans une situation particulière ; — Attendu, en effet, que tous les autres demandeurs sans exception ont conservé leur domicile dans la commune de Thézillieu ou dans les villages ou hameaux voisins, que Joseph Billon est venu depuis longtemps se fixer à Belley, soit hors du Valromey, et qu'il y a fondé un principal établissement; Attendu que, par le fait de son départ hors les lieux de son origine, il est non recevable à réclamer les droits d'usage de son chauffage; qu'il résulte d'une jurisprudence constante que le droit de chauffage ad focum ne peut se transporter au loin, qu'il est de son essence même qu'il s'exerce dans les lieux ou dans le voisinage immédiat des lieux où il a été concédé; Mais attendu que par acte de partage reçu Pernety, notaire, en date du 14 mai 1842, il a été attribué à Joseph Billon l'écurie de la grande maison de Thézillieu avec les places devant et derrière; qu'il n'est justifié par aucun acte que cette écurie ait été aliénée par Joseph Billon qui affirme en être toujours propriétaire et possesseur; que cet immeuble, comme d'autres immeubles de partage, est encore inscrit à la matrice cadastrale sous le nom du père commun; que dès lors Joseph Billon a droit au bois nécessaire pour l'entretien et à la réparation de cette écurie en faisant constater, suivant l'usage, ses besoins et la quantité de REPERT. DE LÉGISL. FOREST.

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DÉCEMBRE 1881.

T. IX.-23

bois qui lui est nécessaire pour cet objet; Attendu que, par suite des considérants du présent jugement, il n'y a pas lieu de recourir à la preuve très subsidiairement offerte par les consorts Billon, aux termes des conclusions déposées à la barre du Tribunal;

Par ces motifs, le Tribunal donne acte à la commune de Cormaranche de sa déclaration que la demande en péremption d'instance par elle formulée n'est pas fondée; - Et, statuant au fond, met hors d'instance les communes d'Hauteville et Lompnes, ces communes ayant justifié que, n'étant pas propriétaires de la forêt de Teillères, c'est mal à propos et sans droit qu'elles ont été assignées dans l'instance actuelle ;

Statuant sur les conclusions des demandeurs contre la commune de Cormaranche, dit et prononce que les demandeurs, à l'exception de Joseph Billon, sur les droits duquel il sera statué séparément, sont usagers dans les bois et forêts des Grandes Teillères, et que ladite commune de Cormaranche sera tenue de leur fournir, dans ladite forêt, des bois pour les réparations, construction et entretien de leurs bâtiments et pour leur chauffage, comme aux habitants de Cormaranche;

Dit que les bâtiments ayant droit aux bois pour leur construction et leur entretien sont non seulement ceux existant au moment de la concession, mais ceux construits depuis cette époque;

Dit que le droit d'usage pour clôture a été éteint par la prescription et rejette sur ce chef la demande des consorts Billon;

En ce qui concerne Billon (Joseph) seul, déclare sa demande non recevable en ce qui touche l'affouage en bois de chauffage, l'en déboute;

Dit

que la commune de Cormaranche ne sera tenue de délivrer à Joseph Billon que les bois pour la réparation et l'entretien de l'écurie qu'il possède encore à Thézillieu;

Met sur tous les autres chefs de demande ou conclusions les parties hors d'instance; Condamne la commune de Cormaranche en tous les dépens, à l'exception de ceux faits par les communes de Lompnes et d'Hauteville, qui restent à la charge des consorts Billon, qui les ont mal à propos appelées dans l'instance.

́Appel par la commune de Cormaranche devant la Cour de Lyon. Appel incident, en ce qui concerne les bois de clôture, par les consorts Billon.

ARRÊT.

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LA COUR : Sur les conclusions de la commune de Cormaranche tendant à faire décider que les consorts ne descendent pas de Daniel Cyvoct: Considérant que ces conclusions n'ont pas été soutenues à l'audience; Sur les conclusions de la même commune de Cormaranche prétendant que la concession du droit d'usage n'a pu être faite qu'aux descendants des enfants mâles : — Adoptant les motifs qui ont déterminé les premiers juges; Considérant d'ailleurs qu'au moment où Eulalie-Sophie Cyvoct a recueilli le droit d'usage, les lois féodales étaient abolies et qu'il n'y avait plus à distinguer entre les mâles et les filles ;

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Sur les conclusions tendant à faire décider que les bâtiments ayant droit

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au bois pour leur entretien sont seulement ceux existant au moment de la concession et non ceux construits depuis cette époque: Adoptant les motifs qui ont déterminé les premiers juges, et considérant de plus que ces conclusions n'ont pas été soutenues à l'audience;

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Sur les conclusions de la commune de Cormaranche demandant que le droit au bois pour la clôture et le chauffage soit déclaré éteint par la prescription, et sur l'appel incident des consorts Billon : · Adoptant les motifs qui ont déterminé les premiers juges, sauf en ce qui concerne le droit au bois la clôture; pour Considérant que ce dernier droit n'a pu être prescrit séparément des autres droits d'usage; Qu'en effet il est constant que les délivrances du bois ont eu lieu sans affectation à un usage spécial;

Sur les autres chefs de conclusions; - Adoptant les motifs qui ont déterminé les premiers juges;

Par ces motifs, la Cour, statuant tant sur l'appel principal que sur l'appel incident; - Dit et prononce que le droit d'usage pour le bois de clôture n'est point éteint par la prescription et confirme, pour le surplus, le jugement, condamne la commune de Cormaranche à l'amende et aux dépens d'appel.

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Du 29 mai 1877. MM. Rieussec, prés.; Geneste, av. gén.; pl., MM. Guerrier et Dubreuil, avocats.

N° 91. TRIB. CORR. de Loudun.

13 mai 1881.

Chasse à courre, passage et arrêt des chiens sur les propriétés voisines, enlèvement du gibier et curée sur le terrain d'autrui.

Le passage des chiens sur le terrain d'autrui constitue un délit de chasse, à moins que le chasseur ne prouve qu'il s'agit de chien courant, que le gibier a été lancé sur son héritage et qu'il lui a été impossible de les rompre.

La circonstance que le chasseur se trouvait à une distance de 200 ou 300 mètres, en arrière de sa meute, au moment où elle à traversé la terre d'autrui et qu'il ne s'agit que d'un écart de quelques instants, constitué un cas d'impossibilité qui peut faire disparaître le délit.

L'arrêt et la capture du gibier par la meute, sur le terrain d'autrui, doivent être assimilés au fait de passage; ils peuvent être excusés par suite de la non-participation du maître à l'acte de chassé accompli par ses chiens.

L'enlèvement du gibier exécuté dans ces conditions ne constitue délit de chasse.

pas un

La curée n'est pas un fait de chasse; en conséquence, il n'y a pas délit de chasse dans le fait des chasseurs de dépecer sur la terre d'autrui un chevreuil aussitôt après sa mort, et de partager ses membres aux personnes présentes, et ses entrailles à la meute qui l'a poursuivi.

(Chanluau et Chesnon c. Champenois et autres.)

Une chasse à courre était organisée, le 31 décembre dernier, dans les bois de M. Lejeune; de nombreux chasseurs étaient réunis. Autour du piqueur Champenois s'agitait un équipage d'une vingtaine de chiens vigoureux. Un chevreuil fut lancé au début, et, après une longue poursuite, sortant des terres de M. Lejeune, la meute le mettait à ses fins sur un petit champ de 40 ares environ, appartenant à M. Chanluau; les chasseurs étaient alors en arrière de leurs chiens à une distance que certains témoins évaluent à 2 ou 300 mètres, et que d'autres fixent à 500 mètres. Le piqueur Champenois, arrivé le premier, arracha le chevreuil à la dent des chiens, et le transporta dans un champ voisin appartenant à M. Chesnon, et où la curée fut faite avec la solennité voulue.

A raison de ces faits, MM. Chanluau et Chesnon ont fait citer devant le Tribunal correctionnel MM. Lejeune et d'Oyron et le piqueur Champenois, demandant qu'il leur fût fait application de la loi sur la chasse. M. Chanluau considérait comme faits de chasse la capture du chevreuil par la meute et son enlèvement par le piqueur. Quant à M. Chesnon, il voyait un délit de chasse dans la curée pratiquée sur son héritage.

Le jugement que nous rapportons, rendu après les plaidoiries de Me Marsault, avocat des plaignants, et Me Morillon du Bellay, défenseurs des prévenus, et sur les conclusions, en partie contraires, de M. Bourgueil, substitut du procureur de la République, fait connaître d'une manière complète les moyens de droit que les prévenus ont fait valoir à l'appui de leur défense. Il est ainsi conçu :

A l'égard de M. Lejeune :

LE TRIBUNAL: Attendu que la citation à lui donnée le 28 mars dernier, à Paris, pour comparaître devant le Tribunal de Loudun le 8 avril suivant, n'a pas respecté les délais accordés au prévenu à raison des distances; Qu'il y a lieu d'accueillir l'exception soulevée de ce chef par M. Lejeune, avant toute défense au fond;

Attendu qu'il

A l'égard de M. d'Oyron, pris en son nom personnel : résulte des débats qu'il avait abandonné la chasse au moment où se sont accomplis les faits dénoncés ; qu'il avait dû conduire son cheval chez le maréchal pour lui faire remettre un fer, et qu'il n'a rejoint les chasseurs qu'alors que la curée était terminée; qu'il n'est pas descendu de cheval, et qu'il n'est pas établi qu'il ait pénétré sur le terrain de Chesnon qu'ainsi, il n'a participé ni aux faits perpétrés chez Chanluau, ni à ceux accomplis chez Chesnon; et qu'il y a lieu de le mettre hors de cause;

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A l'égard du piqueur Champenois : - En ce qui touche l'action de Chanluau : En fait : Attendu qu'il paraît constant que le chevreuil lancé le 31 décembre dernier dans les bois de M. Lejeune (commune de Bournaud), est venu, sur la poursuite des chiens, tomber et mourir sur un terrain voisin de celui de Chanluau, et qu'il aurait été transporté sur celui-ci par les chiens qui se le disputaient; que telle est, du moins, la déposition de Choquart, qui, de tous les témoins, était le plus rapproché du chevreuil; qu'il est vrai que les autres témoins affirment que la bête est arrivée vivante sur le terrain

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