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chez tout le monde pour une femme de mauvaise vie, sans m'exposer encore à me voir reprocher au jour du jugement dernier le crime d'apostasie?» Le préfet la fit mettre en prison, où elle resta vingt-et-un jours, sans qu'on lui donnât à boire ni à manger. Elle passait le jour et la nuit en prières. Sept cent cinquante hommes admirant la fermeté de Théodote, refusèrent comme elle de participer aux sacrifices des dieux. Ils disaient entre eux: «Si une femme débauchée les a en horreur, serons-nous assez insensés pour nous priver de la véritable vie? »

40. Les vingt-et-un jours écoulés, elle comparut devant le juge, qui lui demanda quelle était sa condition. « Je suis, dit-elle, de fait une femme publique, mais chrétienne de religion, si toutefois je suis digne du nom de Jésus-Christ.» «Pourquoi, répliqua Agrippa, refusez-vous de sacrifier à Apollon?»-«C'est, dit Théodote, qu'il n'est ni juste ni raisonnable de sacrifier à des idoles de bois ou de pierre, faites de la main des hommes. » On la tourmenta cruellement, et les assistants l'exhortaient à obéir au préfet. Elle disait « Je n'abandonnerai jamais le vrai Dieu, et n'adorerai point de vains simulacres. » Les bourreaux, par ordre d'Agrippa, la suspendirent au chevalet et la déchirèrent avec des peignes de fer. Pendant ce supplice, elle disait à haute voix : « Jésus-Christ, je vous adore et vous rends grâces de ce que vous me jugez digne de souffrir pour votre nom. » << N'as-tu pas honte, lui dit le préfet, d'appeler Dieu un homme mort sur la croix? »> Elle répondit que si Jésus-Christ était mort, c'était pour racheter le genre humain; mais qu'il était ressuscité et vivait immortel dans le ciel avec son Père. Le juge fit réitérer le tourment des peignes de fer et jeter du sel et du vinaigre dans ses plaies. « Le Dieu toutpuissant, lui dit Théodote, me donnera des forces pour supporter tout ce que vous me faites souffrir, et ses récompenses seront audessus de la cruauté de vos tourments. » Le préfet ordonna ensuite de lui arracher toutes les dents; elle en rendit grâces à Dieu. Enfin Agrippa la condamna à être lapidée hors de la ville de Philippe. Pendant que cela s'exécutait, elle priait Dieu de lui faire miséricorde, comme à Rahab la courtisane et au larron. « Je vous la demande, ajoutait-elle, en s'adressant à Jésus-Christ, parce que je vous ai aimé comme mon vrai Dieu : recevez maintenant mon esprit. >>

III.

Vie de saint Siméon Sty

41. A la suite des Actes des martyrs d'Occident, Assémani a fait imprimer la Vie de lite, p. 227, saint Siméon Stylite, composée par le prêtre Côme, son ami; elle n'avait pas encore paru. L'éditeur l'a donnée sur un manuscrit de Nitrie en chaldéen. Théodoret avait composé la Vie de ce Saint, même de son vivant. On la ́ trouve au chapitre XXVI de son Philothée, parmi ses autres ouvrages, dans Surius et dans Rosweyde. Antoine, disciple de saint Siméon, en écrivit aussi la vie quelques temps après sa mort, mais très-succinctement. L'anonyme qui l'a traduite du grec en latin y a ajouté quantité de choses qu'il avait apprises sur des bruits communs, ou trouvées dans des mémoires sur la vie du Saint. Bollandus l'a donnée traduite du grec par Guillaume Grotius, au 5 janvier.

42. Le prêtre Côme était de Phanire dans la Célésyrie, et ce fut aux instances des principaux de cette ville, qu'il écrivit la ie Vde saint Siméon, pour l'édification de ses concitoyens. Elle est écrite avec tant d'ingénuité et d'exactitude, qu'on ne saurait refuser d'y ajouter foi. Côme était d'ailleurs contemporain du Saint, et nous avons encore la lettre qu'il lui écrivit au nom du clergé et du peuple de Phanire. Il nous assure même qu'il avait vu ce qu'il nous apprend de ce Saint, et que ce qu'il n'avait pas vu de ses yeux, il le savait de lettres écrites à saint Siméon même.

43. Assémani a mis à la tête de la Vie de ce Saint une homélie faite à sa louange par saint Jacques, évêque de Sarruge en Mésopotamie sur la fin du Ve siècle. Il donne ensuite le précis de quelques-unes de ses lettres. Siméon en écrivit une à l'empereur Théodose le Jeune pour se plaindre de ce que ce prince, à la sollicitation du préfet Asclepiade ou Asclépiodote, avait rendu aux Juifs les synagogues qu'on leur avait ôtées autrefois. Il écrivit deux lettres pour la défense du concile de Chalcédoine, l'une à l'empereur Léon, l'autre à Basile, évêque d'Antioche. Nicéphore en cite une troisième à l'impératrice Ludocie, sur le même sujet. Sa lettre à Basile d'Antioche était une réponse à celle qu'il en avait reçue; il y disait : « J'ai fait connaître à l'empereur mon sentiment sur la foi des six cent trente Pères assemblés à Chalcédoine. Je persiste dans cette foi, qui a été révélée par le Saint-Esprit. » Le discours sur la séparation de l'áme d'avec le corps, imprimé sous le nom de saint Siméon dans le tome VII de la Bibliothèque des Pères, y est aussi attri

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Ibid.

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bué à saint Macaire d'Égypte, et fait le vingtdeuxième entre les cinquante qui portent son nom. Dans quelques manuscrits, il est attribué à saint Ephrem. Assémani pense qu'il est de Théophile d'Alexandrie, sous le nom duquel il se trouve dans un manuscrit de Nitrie.

44. L'éditeur, pour ne rien laisser à désirer au lecteur, a fait représenter une table représentant la figure de la colonne de saint Siméon surmontée d'un grillage qui l'empêchait de tomber. Il a figuré à côté la mandre ou monastère dont saint Siméon était supérieur, et où logeaient ses disciples. Cette mandre avait été bâtie avant qu'il élevât une colonne pour y demeurer. Assémani fait voir ensuite, par les témoignages de Théodoret, d'Evagre et de quelques autres anciens, que saint Siméon est le premier qui ait vécu sur une colonne; que, pendant les sept premières années, cette colonne était fort basse, et que, l'ayant augmentée insensiblement, elle était haute de quarante coudées à sa mort; que ce genre de vie a été imité dans les siècles suivants par un grand nombre de personnes.

45. Saint Siméon était né dans un bourg nommé Sisa, de parents chrétiens qui le firent régénérer dans les eaux du baptême. Elevé dans la vie champêtre, il menait paître les brebis de son père et passait ainsi ses jours dans les bois et dans les montagnes. Il était d'un esprit doux et gai, sobre, robuste et d'une agilité singulière. Ses parents étant morts, il resta seul avec Semsès, son frère. Occupé jusque-là à la campagne, il n'avait point entendu lire les Livres saints, n'avait point appris les préceptes de la religion chrétienne. Voyant ses concitoyens aller à l'église les jours de dimanche, il les suivit. La première fois qu'il y alla on lisait les Epîtres de saint Paul et quelque autre partie de l'Écriture. Il demanda ce que contenaient ces Livres. Ses compagnons lui dirent: « Ce sont les paroles de Dieu qui habite le ciel, et ses oracles. » Le dimanche suivant il les écouta très-attentivement, en sorte qu'il entendit très-bien tout ce qu'on avait dit et tout ce qu'on avait lu. Dès ce jour il s'appliqua à ramasser de l'encens et à l'offrir au Seigneur, comme s'il eût été initié dans les rites sacrés. 46. Semsès, son frère, lui proposa de partager ensemble la succession paternelle. Siméon le laissa le maître du partage et du choix, en l'assurant qu'il ne l'inquiéterait jamais sur ce sujet. Quelques temps aupara

vant ils avaient hérité de leur tante, qui était très-riche. Siméon distribua le mobilier, partie à un monastère, partie aux pauvres, et abandonna les fonds à son frère. Il paraît que ce monastère était celui de Sainte-Eusébone, situé dans un village nommé Télède, où il avait un oncle. Il offrit tout ce qu'il avait à l'abbé Héliodore, et fut reçu au nombre des moines. Le troisième jour, l'abbé le présenta à saint Maras, évêque de Gébèles, ou Gabules, dans le patriarcat d'Antioche, qui lui coupa les cheveux. Semsès, à l'imitation de son frère, prit aussi l'habit monastique et reçut la tonsure de la main du même évêque. Cinq mois après, Semsès retourna à Sisa, sa patrie, vendit tout son bien et en donna le prix, partie aux pauvres, partie au monastère de Télède, où il demeura avec Siméon.

47. Celui-ci, dépouillé de tout, s'appliqua tout entier aux exercices de la vie religieuse: aux jeunes, aux veilles, à une prière continuelle. Enflammé de l'amour divin, il se creusa lui-même une fosse dans le jardin, dans laquelle il passa tout l'été, enfoncé jusqu'à la poitrine. Il en fit une autre sous un amas de bois, où il demeura trente jours, et, pour s'empêcher de dormir, il appuyait ses pieds sur un morceau de bois rond. Il passa quarante jours dans un antre ténébreux qui était voisin du monastère. Enfin il portait sur lui une corde garnie de nœuds qui, s'enfonçant dans la chair, en faisait sortir le sang. Toutes ces pratiques singulières lui attirèrent des reproches de la part de ses confrères. Ils en portèrent leurs plaintes à l'abbé et lui demandèrent, ou d'obliger Siméon à suivre la vie commune du monastère, ou de l'en faire sortir. L'abbé fit sur cela des remontrances à Siméon avec beaucoup de douceur et de charité; mais, n'ayant pu le vaincre et le voyant prêt à partir, il lui offrit quatre deniers pour son voyage. Siméon les refusa, et, au lieu d'argent, demanda à l'abbé des prières; l'abbé en fit pour lui et le bénit, en lui disant ce qu'Isaac dit à Jacob: « Allez en paix, que le Seigneur soit avec vous. »

48. Siméon, prenant Dieu pour guide de sa route, arriva vers le soir à la porte du monastère de Méras. Elle lui fut ouverte par un enfant, qui le conduisit au supérieur, dont il fut accueilli comme s'il en avait été connu depuis longtemps. Il passa la nuit dans la chambre des hôtes; mais, dès le matin, il pria le supérieur de lui donner une cellule

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Page 288, et Evag. lib. cap. 13.

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séparée, où il pût passer seul le carême. A sa prière, un saint prêtre nommé Bassus, mura la porte de sa cellule, après y avoir mis six pains et un vase plein d'eau. Bassus, inquiet de la santé de Siméon, ouvrit sa cellule au bout de la quarantaine. Il le trouva priant à genoux, les pains entiers et le vase plein d'eau. Bassus lui donna le corps de JésusChrist, dont il fut si fortifié, qu'il retourna à pied au monastère.

49. L'année suivante, Bassus vint vers le même temps voir Siméon, à qui l'on avait bâti une cellule sur la montagne voisine. Il en ferma la porte au commencement du carême, et revint l'ouvrir lui-même à la fin du jeûne. Il avait amené quelques prêtres de son monastère. Ils entrèrent tous ensemble et lui firent part de la sainte oblation. Le prêtre Côme rapporte un grand nombre de miracles et de visions dont Dieu favorisa Siméon; puis il ajoute que ce Saint n'en eut que plus d'ardeur pour le jeûne, pour la prière et les autres exercices de piété; ensuite il parle de la colonne de quarante coudées sur laquelle il demeura le reste de sa vie. Selon Evagre, il avait auparavant passé neuf ans dans le monastère, où il fut d'abord instruit des grandes vérités de la religion chrétienne. Il en passa quarante-sept dans la mandre, avec les disciples, sur les petites colonnes, et trente sur celle qui avait quarante coudées de haut. Elle n'avait, selon le prêtre Côme, qu'une coudée de large; d'autres lui en donnent deux. Dans un espace si étroit et où il était obligé de se tenir droit jour et nuit, il ne laissait pas de faire de fréquentes adorations, approchant autant qu'il le pouvait sa tête à ses pieds ; ce qui lui causa de très-grandes incommodités. Une maladie de neuf mois le réduisit presque à la mort. L'empereur Théodose lui écrivit et lui envoya trois évêques pour l'engager à quitter sa colonne pour un temps, ou du moins à en diminuer la hauteur. Il lui offrit même de lui envoyer un médecin pour le guérir. Siméon reçut les évêques avec toutes les marques d'honneur qui dépendaient de lui, et fit une réponse à l'empereur dans laquelle il lui donnait, et à ses sœurs, des avis salutaires pour leur conduite particulière et le bon gouvernement de l'empire. Mais il ne voulut ni quitter la colonne, ni voir les médecins, disant aux évêques : « Dieu connaît quelle a été mon intention en embrassant cet état; il ne per

mettra pas, comme je l'espère, que j'aie besoin de remède ni du secours des hommes pour me guérir: il a lui-même le pouvoir de chasser ma maladie quand il voudra. >>

50. Elle ne l'empêcha pas de passer le carême sans manger; et au trente-huitième jour il se trouva parfaitement guéri, et l'ulcère qui lui avait rongé la moitié du pied, fut entièrement dissipé. Le bruit de cette guérison miraculeuse se répandit bientôt : les évêques et les prêtres accoururent pour en être témoins; et à cette occasion Domnus, évêque d'Antioche, étant monté sur sa colonne, lui administra l'eucharistie.

51. Il se faisait un grand concours de peuples à la colonne de Siméon; les Arabes surtout y venaient en grand nombre. Naamanès, leur prince, craignant que, par les exhortations de ce Saint, ils n'embrassassent le christianisme et ne livrassent ensuite l'Arabie aux Romains, publia un édit portant défense, sous peine de la vie, d'aller à la colonne de Siméon. Mais une vision céleste que Naamanès eut la nuit suivante, lui fit révoquer son édit. Il témoigna même qu'il irait volontiers, comme les autres, voir Siméon, et qu'il se ferait chrétien, s'il n'était soumis au roi de Perse. Ainsi la religion chrétienne fit de nouveaux progrès dans l'Arabie. On y bâtit des églises; les évêques et les prêtres y exerçaient en paix leurs fonctions.

52. Dieu avait accordé à Siméon le don des miracles : le prêtre Côme, son historien, en rapporte un grand nombre. Il guérit avec de l'eau bénite un noble sabéen, attaqué depuis longtemps d'une douleur aiguë dans le cerveau, à laquelle les médecins n'avaient pu apporter aucun adoucissement; le fils d'un petit roi de Perse, paralytique de tous ses membres depuis quinze ans; un noble arménien, fils du satrape de toute l'Arménie, privé de l'usage d'une partie de ses membres par une apoplexie; et le légat de l'empereur au roi de Perse, qu'une maladie avait tellement défiguré, que son visage était tourné derrière son dos.

53. Il y avait cinq ans que Siméon demeurait sur sa colonne, lorsque Semsès, son frère, mourut, en odeur de vertu. Siméon avait connu le jour de cette mort trois mois auparavant. Il prévit aussi sa mort dans une vision, et il ne douta pas qu'elle ne fût proche lorsque Antioche et les villes voisines furent renversées

1 Théodoret raconte la chose un peu différemment. Voyez tom. XIV, pag. 114.

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par un tremblement de terre, arrivé en 459. Alors il appela le premier de ses disciples et lui dit : « Depuis le grand nombre d'années que nous conversons ensemble, vous savez que je ne me suis couvert que de ces peaux que je porte actuellement. Je vous conjure de m'en couvrir encore après ma mort. » Au mois de juillet de la même année 459, il se fit autour de sa colonne une assemblée de personnes, en si grand nombre, qu'il semblait que Dieu y en eût envoyé de toutes les nations de l'univers, pour faire au Saint leurs derniers adieux. Siméon, s'adressant alors aux prêtres et aux peuples, les consola et les exhorta à observer exactement les commandements de Dieu, puis les renvoya chacun à leurs occupations. Le 29 août il fut attaqué d'une langueur mortelle, qui dura depuis le dimanche jusqu'au mardi. Le lendemain, qui était le second de septembre, ses disciples étant tous présents, il en nomma deux d'entre eux pour supérieurs et les recommanda tous à Dieu. Ensuite il fléchit trois fois les genoux, et, en se relevant, il regardait le ciel. Un peu ple nombreux qui était présent, cria à haute voix de tous côtés: «Bénissez, Seigneur. » Le serviteur de Dieu tournant les yeux vers les quatre parties du monde, les bénit de sa main et les recommanda à Dieu par trois fois. Puis, il levant une seconde fois les yeux au ciel, frappa trois fois sa poitrine de sa main droite, et mettant sa tête sur l'épaule de son premier disciple, il expira le 2 de septembre, à l'heure de none, l'an 459.

54. Ses disciples, craignant qu'on ne leur enlevât son corps, portèrent au haut de la colonne un tombeau dans lequel ils l'enfermèrent jusqu'à ce qu'ils pussent lui donner une plus honorable sépulture. Il fut regretté de tout le monde, surtout du clergé. Mais les larmes étaient, dans la plupart, mêlées de joie, ne doutant pas que Dieu ne l'eût mis dans sa gloire. Un seigneur de la première qualité, nommé Ardaburius, fut prié par les citoyens de la ville d'Antioche de demander que le corps de saint Siméon y fût transporté. La translation s'en fit avec une pompe extraordinaire. Les évêques et les prêtres le portèrent alternativement sur leurs épaules à une distance d'environ quatre mille pas de sa cellule. Ensuite on le mit sur une voiture, que les soldats, les princes et les magistrats accompagnèrent de chaque côté. Les Romains suivaient avec le peuple. Le convoi dura près de cinq jours, c'est-à-dire depuis le lundi jus

qu'au vendredi, qu'il arriva à Antioche. On
mit le corps du Saint dans la principale église,
qui avait été bâtie par l'empereur Constan-
tin, et dans laquelle on n'avait encore jusque-
là inhumé personne, pas même des martyrs.
Les obsèques se firent au chant des psaumes
et des hymnes. L'évêque d'Antioche célébra
pendant plusieurs jours les divins mystères
sur son tombeau. Un énergumène y fut déli-
vré du démon, dont il était possédé depuis
plusieurs années.

55. L'empereur, informé de la mort de Page 394.
saint Siméon, envoya le préfet de la milice
avec des députés chargés de ses lettres à l'é-
vêque d'Antioche; par ces lettres, il demandait
que le corps de ce Saint fût transporté à Cons-
tantinople, assurant que son intercession se-
rait d'un grand secours à l'empire et à toute
la république. Les habitants d'Antioche, frap-
pés vivement de cette demande, employèrent
les remontrances les plus humbles et les plus
pathétiques auprès des députés, et écrivirent
en ces termes à l'empereur: « Les murailles
de notre ville étant depuis longtemps tom-
bées, par l'effet de l'indignation de Dieu,
nous avons apporté ici le très-saint corps (de
Siméon) pour nous tenir lieu de murailles
et de défense, afin que, par son intercession,
nous puissions être en sûreté. » L'empereur
se laissa fléchir, mais avec peine, et le corps
du Saint resta à Antioche.

56. Il a été parlé plus haut de la lettre que le prêtre Côme écrivit à saint Siméon au nom du clergé et du peuple de Phanire. On l'a imprimée à la suite de la Vie de ce Saint. C'est un éloge de ses vertus éclatantes. Il y est comparé à Abraham pour sa foi, à Moïse pour sa douceur, à Josué pour la probité de ses mœurs, à Elie et à Elisée pour la grandeur et le nombre de ses miracles, à Job pour sa patience. Come lui promet, au nom de ses concitoyens, qu'ils observeront ce qu'il leur avait prescrit touchant la sanctification du dimanche et du vendredi; qu'ils n'auront qu'une mesure et qu'un poids; qu'ils se contiendront dans les bornes de leur possession, sans empiéter sur le terrain d'autrui; qu'ils rendront les promesses à ceux qui en paieront le montant; qu'ils banniront de leur société les voleurs et ceux qui usent de maléfices; et qu'ils fréquenteront l'église pour y vaquer aux œuvres de leur salut. On voit par là que saint Siméon avait donné aux Phaniriens diverses instructions, soit de vive voix, soit par écrit.

Ibid.

Naissance

de saint Pa

côme en 292. Po

Pacom. Vit.

apud Bolland., ad 14 mail, p. 287. Vita Patr.

lib. I, p. 44

Il est en

rôlé pour ser

guerre,

312.

en

Acta Græca,

land., ad

page 25, num.

2,3.

CHAPITRE XII.

Saint Pacôme, premier abbé de Tabenne, et instituteur des Cénobites.

ARTICLE PREMIER.

HISTOIRE DE SA VIE.

1. Saint Pacôme, le premier qui ait composé une règle et donné la forme à la vie cenobitique, naquit dans la haute Thébaïde, vers l'an 292. Il fut élevé par ses parents dans les superstitions païennes; mais, dès l'enfance, il en témoigna beaucoup d'éloignement il aimait la pureté et s'exerçait à l'abstinence. Un jour, ayant goûté du vin offert aux idoles, il le rejeta à l'heure même. Une autre fois, ses parents l'ayant mené pour sacrifier à une idole qui était sur le bord du Nil, sa présence empêcha l'effet des cérémonies profanes. Ils ne laissèrent pas de le faire instruire avec soin dans les lettres et les autres sciences des Egyptiens.

2. A l'âge de vingt ans il fut enrôlé dans vir dans la les nouvelles levées que Maximin fit faire en 312, pour se préparer à la guerre contre apud Bol Constantin et Licinius. On le mit avec d'audiem maii, tres sur un vaisseau, et le soir ils abordèrent à une ville nommée Thèbes ou Diospolis, dont les habitants, informés qu'on menait ces jeunes gens à la guerre contre leur gré, les assistèrent dans tous leurs besoins. Pacôme fut touché de leur charité, et, ayant appris qu'ils croyaient en Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, et que, dans l'espérance d'être récompensés en une autre vie du bien qu'ils faisaient en celle-ci, ils s'efforçaient d'en faire à tout le

1 On entend, par la vie cénobitique, des maisons saintes où plusieurs personnes vivent ensemble dans une entière communauté de toutes choses, sous l'antorité d'une même règle et dans la dépendance d'un même supérieur. Tillemont, tom. Vil Hist. eccl., pag. 176.

Le texte de la Vie de saint Pacôme porte qu'il fut enrôlé pour servir dans la guerre de Constantin contre un tyran, et que, Constantin étant demeuré victorieux, Pacôme fut congédié; cette même Vie dit que Pacôme avait environ vingt ans lorsqu'il fut enrôlé. Ces deux faits sont insoutenables si l'on suit l'opinion commune, qui met la naissance de saint Pacôme en 292; car il faudra dire qu'en 312, l'année de son enrôlement, Constantin avait pouvoir de lever des

monde, il résolut dès lors, si jamais il recouvrait sa liberté, de servir uniquement ce Dieu. qu'ils adoraient. Le jour suivant, il continua son chemin, et, dans le cours de la navigation, lorsqu'il se sentait flatté par les plaisirs des sens, il se fortifiait contre la tentation par le souvenir de sa promesse.

Il se fait chrétien, et

3. Maximin étant mort misérablement peu après sa défaite par Licinius, la guerre finit, ensuite soli

et Pacôme retourna en Thébaïde. Il alla à 14

l'église d'un bourg nommé Chinobosque, en la haute Thébaïde, où il fut fait catéchumène, et baptisé peu de temps après. Ensuite il se retira auprès d'un vieillard nommé Palémon, qui servait Dieu dans le désert. Celui-ci fit quelque difficulté de le recevoir et lui dit que la vie monastique n'était pas une chose facile; que plusieurs l'avaient embrassée et n'avaient pas persévéré; qu'il ne pouvait le recevoir dans son monastère, s'il n'avait auparavant fait quelque pénitence dans un autre. Puis il ajouta : «Considérez, mon fils, que je ne mange que du pain et du sel, je n'use jamais d'huile, je ne bois point de vin, je veille la moitié de la nuit, et je l'emploie à psalmodier ou à méditer l'Ecriture sainte; quelquefois je passe la nuit sans dormir. » Ces paroles firent trembler Pacòme. Mais, fortifié de la grâce de Dieu, il s'engagea à tous ces travaux avec tant de foi, que Palémon, qui ne lui avait parlé que la porte entr'ouverte, la lui ouvrit et lui donna l'habit monastique. Ils demeurèrent quelque temps ensemble, s'occupant à prier,

troupes dans la Thébaïde. Néanmoins il est certain qu'il n'a eu ce pouvoir qu'en 323, après la défaite de Licinius. Pour résoudre cette difficulté, on peut s'arrêter à ce que Rosweyde a mis dans son édition de la Vie de saint Pacôme, sur l'autorité d'un manuscrit, que ce Saint fut enrôlé non per ordre de Constantin, mais lorsque Constantin faisait la guerre à Maximin, ce qui arriva en 312. Saint Pacôme fut enrôlé en cette année par ordre de Maximin, qui possédait alors l'Egypte, et mis en liberté l'année suivante par Licinius, qui devint maître de l'Egypte, et conséquemment de la Thébaïde, par la défaite de Maximin. Voyez Tillemont, note 2, sur saint Pacôme, tom. VII Hist. eccl., p. 675 et 676; Rosweyde, lib. I Vit. Patr., p. 114 et 139.

taire, en 313, Acta Græca, num. 4, 5, 6 7, 8.

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