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Pour donc que l'assurance faite en termes généraux profite à celui qui fait assurer, il faut qu'il justifie ou qu'il est propriétaire de l'objet assuré, ou qu'il avait, lorsqu'il a fait assurer, ordre, pouvoir ou qualité pour agir pour le propriétaire.

S'il lui suffisait de dire " en cas de perte, le navire perdu est celui sur lequel j'ai fait assurer, il y avait sur ce navire des marchandises d'une valeur équivalente à la somme assurée, vous n'avez pas à vous informer si je suis propriétaire, si j'avais ou un ordre ou qualité pour agir pour le propriétaire. Il pourrait, à la faveur de la clause pour compte de qui il appartiendra, ou autres pareilles, faire des assurances gageures et sans aucun aliment réel.

Inutilement il voudrait faire valoir contre l'assureur un système de réciprocité.

La présomption qui dispense l'assureur de prouver que l'assuré avait pouvoir du propriétaire, est nécessaire parce que, sans cela, il serait exposé à toutes les fraudes de l'assuré; elle est légitime parce que l'assuré a à s'imputer d'y donner lieu en se servant d'une clause générale qui ne fait point connaître à l'assureur quel peut être le propriétaire; il est dans l'ordre que l'assuré souffre de l'insuffisance de ses expressions, il serait contre la raison et les, principes qu'il pût en tirer avantage dans un sens qui préjudiciât à l'assureur, ou qui contrariât le vœu de la loi. verba contrà stipulatorem interpretenda sunt. Dig. de Verb. obli. Loi 38, 5. 8. Cod. Nap., art. 1162.

L'assuré pour compte de qui il appartiendra, ou en autres termes équivalens, qui veut profiter de l'assurance, doit donc, s'il déclare avoir assuré pour son propre compte

justifier qu'il était propriétaire de l'objet assuré ; s'il déclare avoir agi pour compte d'autrui, justifier 1.° que celui pour compte de qui il a agi, était propriétaire de l'objet assuré; 2. qu'il avait, lorsqu'il a fait assurer, ordre, pouvoir ou qualité pour agir pour ce propriétaire.

L'assurance faite sur la propriété d'autrui, sans ordre, ni pouvoir ni qualité pour agir pour le propriétaire, ne serait point validée par l'intervention qu'on obtiendrait après coup du propriétaire de l'objet assuré; ce n'est point par un fait postérieur à l'événement, qu'on peut valider un contrat nul dans son principe. Admettre ainsi une approbation tardive, ce serait fournir le moyen de couvrir un pacte illicite, par des combinaisons qui le seraient tout de même.

L'obligation où est l'assuré pour compte d'autrui, de justifier qu'il avait ordre, pouvoir ou qualité pour agir pour le propriétaire, tient aux premiers principes du droit, d'après lesquels celui qui agit doit donner la justification de son action et de la qualité en laquelle il agit.

Je citerai néanmoins à l'appui, un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Gênes le 23 février 1809, entre le sieur Magnetto et ses assureurs sur la Polacre la Virgo potens, rapporté dans le journal de jurisprudence commerciale, an 1809 me partie, pag. 85.

2. >

Le sieur Magnetto s'était fait assurer pour soi ou pour autrui 9000 f. sur la Polacre Virgo potens. Le navire ayant été pris, il fit abandon et demanda le paiement. Les assureurs opposaient que le sieur Magnetto n'avait pas eu ordre de faire assurer de la part du sieur Rossi propriétaire de l'objet assuré.

Le sieur Magnetto ne contesta pas ce principe, mais il allégua qu'il avait réellement eu ordre de faire l'assurance; que de plus il avait un pouvoir général de faire les affaires

du sieur Rossi, et que cela suffisait pour valider l'assu

rance.

Le Tribunal de commerce de Gênes considéra » que la » faculté du sieur Magnetto de faire assurer pour compte » du sieur Barthelemy Rossi, constait expressément d'une » lettre dudit Rossi du 14 mai 1808, que de plus ledit » Magnetto est autorisé à administrer, recouvrer et pour» suivre, par la procuration générale du 17 août 1805. »

Ces motifs supposent que la justification d'un ordre ou pouvoir est nécessaire. Ils établissent que l'assuré satisfait suffisamment à cette obligation, soit qu'il exhibe un pouvoir privé, soit qu'il soit porteur d'un pouvoir général pour faire les affaires de l'intéressé.

J'ajouterai que la preuve à fournir est une preuve de bonne foi qui peut être faite par la correspondance, par les livres des intéressés, ou même quelque fois être suppléée par des circonstances ou des présomptions; si, par exemple nn négociant fesait assurer des marchandises d'un frère ou d'un associé demeurant dans le même lieu que lui, la présomption serait qu'il ne l'a pas fait sans ordre ni pouvoir.

Mais cela ne détruit pas la règle que le commissionnaire doit, d'une manière quelconque propre à satisfaire l'esprit du juge, justifier qu'il avait, au moment de l'assurance ordre ou pouvoir ou qualité quelconque pour faire assurer pour compte du propriétaire.

Si les circonstances sont telles qu'il existe ou doive exister un ordre, on ne doit plus recourir à des présomptions. L'assuré ne peut se dispenser de représenter cet ordre, car c'est là ce qui fait le lien de l'assurance, ce qui prouve l'intérêt du propriétaire réel, au contrat. Cette représentation est d'autant plus nécessaire que l'ordre comparé avec

les titres, avec les événemens, peut souvent donner lieu de découvrir des fraudes et des irrégularités qu'on voudrait dissimuler aux assureurs, et la loi ne veut pas qu'on dissimule rien à ceux-ci. (Voy. n.° 199, not. )

C'est aux juges à apprécier la nature des preuves que chaque cas peut comporter, et le plus ou moins de sévérité qu'ils doivent mettre à exiger la représentation d'un ordre ou pouvoir, suivant les circonstances, suivant les rapports qui peuvent exister entre le propriétaire de l'objet assuré et celui qui a fait l'assurance, suivant la bonne ou la mauvaise foi qu'ils peuvent appercevoir dans l'un ou dans l'autre, suivant les motifs plus ou moins illégitimes que les intéressés peuvent avoir de déguiser la nature ou le caractère de leur opération.

On conçoit, par ce que nous venons de dire, combien l'énonciation du pour compte est importante, pour juger s'il y a un aliment réel à l'assurance.

Elle ne l'est pas moins pour juger de la légitimité de l'assurance, du plus ou moins de risque qu'elle peut présenter suivant la qualité de l'intéressé.

L'assurance est nulle, si l'objet assuré appartient à un ennemi. (Voy. n.o 195, not.)

Elle présente plus ou moins de risque, suivant que cet objet appartient à un national ou à un neutre.

Il est donc essentiel à l'assureur, qu'on lui fasse connaître quel est le véritable intéressé.

Néanmoins en tems de guerre on embarque souvent sous le nom d'un neutre, ce qui appartient à un national. Il faut alors, en désignant le propriétaire ou pour compte réel, dire que la marchandise., quoique d'un national, est embarquée sous le nom d'un neutre par simulation.

Cette déclaration expresse n'est pas même nécessaire.

Ainsi l'assurance faite sur facultés pour compte de qui il appartiendra, désigne suffisamment que la marchandise, quand même elle aurait été embarquée sous le nom d'un neutre, peut appartenir à un français.

On a mis en doute s'il devait en être de même de la clause pour compte des intéressés, usitée à Marseille quant au navire, et qui ne paraît pas avoir d'autre sens que celle pour compte de qui il appartiendra, usitée quant aux marchandises.

La question s'est présentée en 1806, entre les sieurs Rey frères et Barroil négociants de Marseille, et leurs assureurs sur la Polacre la Vierge de piété.

L'assurance était faite » pour compte des intéressés sur le » corps, agrés, etc. du navire commandé par le capitaine » Lubrano napolitain. »

Le navire fut pris. Les assurés demandèrent le paiement de la perte, et produisirent un acte justifiant qu'ils étaient eux-mêmes propriétaires du navire.

Les assureurs reprochèrent aux S.rs Rey frères et Barroil, d'avoir dissimulé leur propriété, et fait assurer comme neutre, un navire français qui était simulé neutre.

Le Tribunal de commerce de Marseille accueillit leur exception; il considéra » que si, en fait de marchandises, » la clause générale pour compte de qui il appartiendra, » suffit pour indiquer aux assureurs une propriété de quel» que nation que ce soit; il n'en est pas de même en fait » de navire. La qualité du propriétaire, comme celle du » capitaine, désigne la qualité du navire. dès-lors si on » fait assurer un navire de telle nation on doit " supposer » que le propriétaire est également de cette nation; d'où » il suit que la clause pour compte des intéressés, quoique » générale dans les termes, doit, par la nature des choses,

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