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L'empereur était le ministre d'un gouvernement violent, élu pour l'utilité des soldats et pour aussi long-tems qu'ils voulaient bien le souffrir. C'est Montesquieu qui en a fait la remarque. Il est évident que le gouvernement du bon plaisir des rois, ne peut être habituellement que le despotisme des soldats ou des ministres. Il ne fut presque jamais que cela; voyez la Russie.« Dans le despotisme, dit encore Montesquieu, liv. V, chap. 16, quand la loi n'est que la volonté (actuelle) du prince, le magistrat pourrait-il observer une volonté qu'il ne connaît pas ? Il faut qu'il suive la sienne, et le prince ne pouvant vouloir que ce qu'il connaît, il faut bien qu'il ait une infinité de gens qui veuillent pour lui, selon leurs intérêts. Enfin, la loi étant la volonté momentanée du prince, il est nécessaire que ceux qui veulent pour lui veuillent subitement comme lui, ce qui amène les injustices et les malheurs.

Il faut donc qu'il y ait des constitutions, des lois fondamentales des états, que le prince, le ministre, le corps législatif même, ne puissent changer, si ce n'est en observant des formes, des règles, des garanties communes à tous les citoyens.

Pour cela, il faut des constitutions écrites et des constitutions justes, c'est-à-dire, qui fassent respecter les droits de tous, ceux des pauvres, et même des étrangers. Voilà ce qu'on trouve chez les Israélites, et ce qu'on ne voit point ailleurs dans toute l'antiquité. On trouve encore chez les Israé

lites, dans la loi de Moïse, que les chrétiens croient divine, on trouve la représentation nationale et le gouvernement électif, le gouvernement par communes, et l'esclavage réduit à une sorte de louage d'ouvrage pour un tems fixe; enfin, la constitu→ tion donnée en forme de pacte social, acceptée par les pauvres comme par les riches, et jurée par tous, et ce qui est bien remarquable, jointe aux lois secondaires dès le tems de son apparution; on y trouve la puissance royale réglée et limitée. Aussi, a-t-on appelé la constitution mosaïque nomothésie, ou le gouvernement de la loi. (Voyez Loi de Moïse, ou Système religieux et politique des Hébreux, par Salvador. Paris, in-8°, 1822.) Voilà ce que c'est que la vraie politique de l'Écriture-Sainte, quoiqu'elle ressemble au pur despotisme dans l'ouvrage de Bossuet, écrit sous ce même titre, mais sous Louis XIV, esclave et dupe des jésuites, qui posait pour premier fondement sa volonté bien absolue, qui disait : « L'étas c'est moi», et qui affecta d'entrer au parlement et de le dissoudre, en y siégeant sur le trône un fouet à la main.

Chez tout le reste des anciens peuples, vous ne trouvez de liberté que par l'esclavage absolu du plus grand nombre ou d'un très-grand nombre, et sans représentation nationale, sans balance des pouvoirs, sans constitution fixe, avec l'usage et l'abus extrême de la dictature, qui peut être en

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core un peu plus rapidement corrosive des lois fondamentales, que cette omnipotence ministérielle ou de faction décorée chez les modernes du nom d'omnipotence parlementaire, comme s'il suffisait de donner un titre imposant au despotisme pour le rendre légitime et salutaire.

La loi naturelle, qui est une loi divine, cette loi des lois, base nécessaire de tout gouvernement juste et de toute constitution durable, assure à tous les hommes liberté personnelle, liberté d'opinion et de religion, liberté de penser, de parler, d'écrire et de publier ses pensées, propriété et liberté d'industrie, enfin l'égalité des droits conciliée avec l'obéissance et le respect envers les autorités, conciliée avec tous les genres de domaine légitime, avec toutes les supériorités d'opinions qui naissent des bons services publics, des talens et des vertus. L'égalité des droits ainsi entendue, est le point central vers lequel gravite l'immense majorité européenne, injustement combattue par des rois mal conseillés, par des privilégiés qui ne songent qu'à eux-mêmes, par des prêtres et une congrégation que le faux zèle anime, qui n'entrent pas, mais qui empêchent d'entrer, qui pervertissent la religion, qui en font une folie, suivant l'expression des écritures, et la rendant odieuse, provoquent les apostasies.

Tels sont les droits de l'homme selon Dieu et la nature, droits antérieurs et supérieurs à toute con

vention humaine, à toute concession, à toute Charte, à tout gouvernement et à toute espèce de

gouvernans.

Ces droits peuvent être sans doute reconnus dans une constitution; il est avantageux qu'ils le soient dans un tel acte ou dans une déclaration de droits.

Mais l'essentiel de toute constitution libre, est la création et la délimitation des grands pouvoirs politiques, le pouvoir électoral, le pouvoir constituant et de révision de la constitution, le pouvoir législatif secondaire, le pouvoir exécutif responsable dans les ministres, le pouvoir judiciaire, composé de juges et de jurés, le pouvoir municipal, choisi ou désigné par les citoyens; la garde nationale sédentaire, et la franche liberté du droit de pétition.

Toutes ces institutions doivent être formées de la manière la plus propre à garantir les droits naturels des hommes étrangers ou natifs, riches ou pauvres, blancs, noirs, rouges, et de toute couleur; le constituant, ou les constituans et les constitués doivent souvent se ressouvenir que la société est d'institution divine, qu'il n'y a point de souveraineté humaine dans un sens absolu, point d'omnipotence absolue, que celle de Dieu; mais que les hommes étant dotés d'intelligence, de raison et de sentiment, d'ordre et de justice, n'ont que le droit et le devoir de déduire du droit naturel, les lois constitutionnelles et les lois secondaires

ou de développement, opinant toujours sur ces deux grands objets, dans les vues d'humanité, de justice, autrement d'égalité, en respectant religieusement la foi publique ; et cela n'est rien sans les bonnes mœurs qui seules peuvent procurer et conserver les bonnes lois.

Telle est la doctrine qui prévaut aujourd'hui dans le monde éclairé. Pour en déduire les principales théories, il faudrait plus d'un volume. (Voyez CHARTE.)

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No II.

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CHARTE‘.

CHARTE (lexicologie et politique). Par altération, Chartre, acte écrit. Ce mot se dit particulièrement et presque uniquement des actes écrits du moyen-âge. Depuis le douzième siècle en Angleterre mais surtout depuis 1215, et en France, depuis 1814, il désigne la loi fondamentale de l'état.

On expliquera, dans cet article, comment ce mot a été formé, quelles en furent les significations primitives; comment, dès le moyen-âge, des lois fondamentales furent qualifiées Chartes; com

'Article extrait de l'Encyclopédie Moderne, de M. Courtin.

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