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analogie, aux matières criminelles, des dispositions qui n'ont été faites que pour les matières civiles; — Qu'ensuite, l'article 781 invoqué, en drsant simplement que le débiteur ne pourra être arrêté avant le lever et après le coucher du soleil, ne dit pas par là que tout le temps qui s'écoule du coucher au lever du soleil appartient à la nuit; que, de même, l'article 1037, en disposant seulement qu'aucune exécution ne pourra être faite dans les grands jours avant quatre heures du matin et après neuf heures du soir, et dans les petits jours, avant six heures du matin et après six heures du soir, ne dit pas par là qu'il faut considérer comme appartenant nécessairement à la nuit tout l'espace de temps laissé en dehors des limites qu'il pose;

Considérant qu'on peut d'autant moins aller chercher dans les simples règles de procédure des éléments de décision applicables aux matières traitées dans le Code pénal, que les règles tracées en l'article 781 et les règles tracées en l'article 1037 étant différentes, le juge, placé entre ces dispositions contraires, ne saurait auxquelles s'arrêter;

Considérant qu'on ne peut pas mieux soutenir que la question est laissée au libre arbitrage du juge; qu'en effet, s'agissant d'un fait purement physique, qui est ou qui n'est pas, et qu'aucune volonté humaine ne peut modifier, la mission du juge ne peut consister qu'à l'affirmer s'il existe, à le nier s'il n'existe pas;

Considérant qu'en cet état de choses, l'opinion qui paraît la plus rationnelle, celle aussi à laquelle se sont ralliés la plupart des auteurs, tend à attribuer à ces mots pendant la nuit, le sens que lui donnent le langage usuel et la nature elle-même ; Que la nature a placé, entre le jour qui finit et la nuit qui va commencer, un certain espace de temps qui n'est ni l'un ni l'autre, qui a un nom propre, qui forme le crépuscule; qu'il est donc naturel de décider que c'est la fin du crépuscule qui marque le commencement de la nuit;

Mais, considérant qu'on admet dans l'usage deux espèces de crépuscules, le crépuscule vrai et le crépuscule civil; que le crépuscule vrai ou crépuscule astronomique est l'espace de temps pendant lequel le soleil, placé à moins de 18 degrés au-dessous de notre horizon, l'éclaire encore plus ou moins de ses rayons réfractés, crépuscule qui dure jusqu'à la nuit noire; que le crépuscule civil, qui n'est à proprement parler qu'un crépuscule conventionnel, est celui dont on place la fin au moment où s'arrêtent les travaux en plein air;

Considérant que de ces deux acceptions, c'est la première qui doit être adoptée; que le juge doit la préférer, d'abord parce que c'est celle qui est la plus favorable au prévenu et ensuite parce que c'est celle qui répond à la réalité, les derniéres lumières du jour ne s'éteignant en réalité qu'à la fin du crépuscule vrai;

Considérant qu'au 2 décembre, le crépuscule vrai a une durée d'une heure trente-cinq minutes; qu'en ajoutant ce temps à l'heure du coucher du soleil, quatre heures quatre minutes, on trouve que c'est à cinq heures trente-neuf minutes que se plaçait, ce jour-là, la limite extrême de la nuit commençant ; Considérant que de ces règles appliquées à l'espèce, il résulte que le fait imputé au prévenu ne constitue pas un délit;

Par ces motifs, confirme le jugement dont est appel; Renvoie, en conséquence, Félix Garel des fins de l'appel du ministère public, sans dépens. Du 24 janvier 1861. — (MM. Durieu, prés.; de Plasman, av. gén.; PiDard, av.)

RÉP. DE LÉGISL. FOREST. FÉVR. 1862.

T. I.-3

No 15.

TRIBUNAL CORRECT, DE LA SEINE (6 Ch.).—2 février 1864.

Chasse, temps de neige, animaux nuisibles ou malfaisants, corbeau,

destruction, arrêté préfectoral, armes, confiscation.

En temps de neige on ne peut chasser les animaux nuisibles ou malfaisants que dans les conditions déterminées par le préfet pour le temps où la chasse est close (1).

En cas d'infraction à un arrêté préfectoral concernant la chasse des animaux nuisibles en temps de neige, il y a lieu à la confiscation de l'arme dont le délinquant s'est servi (2).

(Ministère public c. Daniel, etc.)

Il a été constaté par procès-verbal régulier dressé par deux gendarmes, que les sieurs Daniel et Blanchet avaient été surpris, le 28 décembre 1860, en action de chasse, près des bords de la Seine, sur des terrains couverts de neige. Au moment de l'arrivée des gendarmes, le sieur Daniel venait de tirer et de tuer un corbeau.

A raison de ce fait, les sieurs Daniel et Blanchet ont été traduits devant le tribunal correctionnel de la Seine, pour infraction à la loi du 3 mai 1844 (art. 11, no 3) et à l'arrêté du préfet de la Seine du 17 février 1858, concernant la chasse des oiseaux de passage et du gibier d'eau et la destruction des animaux nuisibles, arrêté dont les articles 3, 4 et 8 sont ainsi conçus:

ART. 3.- Il est permis, en tout temps, au propriétaire, possesseur ou fermier, de tirer avec des armes à feu ou de prendre aux piéges, autres que le lacet, sur les terres ou récoltes seulement, les sangliers, les loups, renards, etc., etc. ART. 4.

Dans les conditions de l'article précédent, la destruction des moineaux, pies, geais, corbeaux, faucons, oiseaux de proie, est autorisée à l'aide des piéges, pendant le temps où la chasse est close.

« ART. 8. La chasse est expressément interdite dans la plaine, aussi bien que dans les bois et forêts, toutes les fois que la terre est couverte de neige, Cette disposition n'est pas applicable à la chasse du gibier d'eau dans les marais, sur les étangs, canaux, fleuves et rivieres, ni à la destruction des animaux malfaisants ou nuisibles. »

L'avocat des prévenus a demandé leur renvoi des fins de la plainte.

A l'égard de Blanchet, a-t-il dit, il ne peut y avoir aucune difficulté. Il se bornait à accompagner le sieur Daniel, qui, dans la matinée du 25 décembre, l'avait pris comme auxiliaire dans une chasse aux canards qu'il allait faire en bateau sur la Seine. Blanchet portait la carnassière du sieur Daniel, ainsi qu'un fusil de rechange, mais il ne chassait pas personnellement. Il reconduisait ce dernier à son domicile, lorsqu'il a été rencontré par les gendarmes.

Quant au sieur Daniel, il a tué, il est vrai, un corbeau sur un terrain qui était, en ce moment, couvert de neige, mais ce fait ne constitue pas, comme on le prétend, une infraction à l'arrêté du préfet de police du 17 février 1858, puisque, par l'article 4 de cet arrêté, le corbeau est classé parmi les

(1) Jugé que l'arrêté préfectoral qui interdit l'emploi des chiens courants pour la destruction des animaux nuisibles en temps prohibe est applicable en temps de neige. Crim. rej.. 30 juillet 1852, affaire Dehan, Ann. forest., B. 6, p. 47; voir, ci-après, Paris, 21 février 1861, affaire Legry.

(2) C'est, en effet, chasser en temps prohibé que de chasser en temps de neige, contrairement à la défense écrite dans un arrêté préfectoral. Crim. cass., 3 juillet 1845, 3 janvier 1846, 4 mai 1848, Ann. forest., B. 3, p. 164, et B. 4, p. 370.

animaux nuisibles. Je sais bien que l'article dont il s'agit n'autorise la destruction de ces animaux qu'avec des pièges et seulement quand on est propriétaire, possesseur ou fermier, mais cet article ne s'applique que dans le temps où la chasse est close d'une façon absolue et non pas quand elle est seulement momentanément suspendue. Or, il y a une grande différence entre ces deux cas, quant aux effets et aux conséquences.-D'ailleurs, M. le préfet de police a formellement dit dans l'article 8 que l'interdiction en temps de neige ne s'appliquait pas à la destruction des animaux nuisibles. Par cette exception, le chasseur est placé, relativement à ces animaux, dans la même situation où il serait si la terre n'était point couverte de neige ; il peut donc tuer les corbeaux. D'un autre côté, les dispositions de l'arrêté à cet égard ne font que se conformer au vœu de la loi. Lors de la discussion devant la Chambre des députés, quand on agita la question de savoir si les préfets pourraient prendre des arrêtés pour interdire la chasse pendant les temps de neige, un membre de la Chambre proposa d'ajouter ces mots : « à l'exception de celle des animaux nuisibles, et M. le garde des sceaux répondit : « Cela va sans dire. » En effet, ainsi qu'on l'observait alors, la chasse, en temps de neige, est un moyen infaillible de détruire les animaux nuisibles. Aussi voit-on, aux environs de Paris, une foule de chasseurs tirer des lapins, dans les bois couverts de neige, sans que l'autorité songe à exercer la moindre poursuite. Cependant le délit existerait aussi bien au sujet du lapin, si on venait à décider qu'on n'a pu tuer un corbeau dans les circonstances dont s'agit.

Le ministère public a répondu que la doctrine développée par l'avocat des prévenus aurait pour résultat d'abolir la police sur la chasse; tout chasseur surpris dans la plaine n'aurait que ce motif à invoquer : « J'étais à la recherche d'un animal malfaisant, » et le ministère public serait réduit à la plus complète impuissance. Cette doctrine peut-elle être soutenue? Est-ce qu'elle se justifie par les textes mêmes qui viennent de vous être cités? Non certainement. Ce qui en résulte, c'est que, quand il s'agira d'animaux malfaisants, certaines tolérances seront accordées aussi par l'article 3: Il est permis, en tout temps, à tout propriétaire ou fermier, sur ses récoltes, sur ses terres... >> Puis, dans l'article 4: « Dans les conditions de l'article précédent... c'est-à-dire tout propriétaire ou fermier sur son terrain.

Puis, enfin, si nous passons à cet article 8 sur lequel on fonde toute l'argumentation, que voyons-nous? Que l'interdiction de chasser en temps de neige ne s'applique pas à la destruction des animaux nuisibles, dans les conditions ci-dessus, c'est-à-dire pour les propriétaires ou locataires sur leur terrain; mais si on chasse en dehors de ces prescriptions, même quand il s'agirait d'un animal malfaisant, on retombe dans la loi commune. Or, dans le cas qui nous occupe, le sieur Daniel quittait la rivière; il était sur la berge ; il ne défendait pas sa propriété, il n'avait pas le droit de tirer. Le délit est donc constant. Le ministère public a d'ailleurs abandonné la prévention à l'égard du sieur Blanchet.

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu qu'il résulte de l'instruction et des débats que, le 25 décembre 1860, la terre étant couverte de neige, Daniel a été trouvé en état de chasse sur un terrain dont il n'est ni propriétaire, ni possesseur, ni fermier, au moment où il venait de tirer un coup de fusil sur un corbeau; Attendu que si l'article 8 de l'arrêté du préfet de police du 17 février 1858, après avoir interdit la chasse, tant dans la plaine que dans les bois, toutes les fois que la terre est couverte de neige, ajoute que cette interdiction n'est pas applicable à la destruction des animaux malfaisants ou nuisibles, cette disposition doit s'entendre de la destruction des animaux nuisibles telle qu'elle est autorisée par les articles 3 et 4 du même arrêté;

Que ces articles ne permettent en tout temps la destruction des animaux

malfaisants qu'au propriétaire, possesseur ou fermier, et ne permettent spécialement la destruction des corbeaux, dans les temps où la chasse est close, qu'à l'aide de piéges; que l'article 8 dudit arrêté n'a point dérogé aux articles 3 et 4;

Qu'en effet, on ne peut admettre qu'en temps de neige, c'est-à-dire quand la chasse est interdite, la destruction des animaux nuisibles puisse s'effectuer dans des conditions plus larges que dans le temps où la chasse est autorisée, et spécialement que cette destruction puisse être permise à celui qui n'est ni propriétaire, ni possesseur, ni fermier; et que, d'un autre côté, ce qui est défendu quand la chasse est close, étant pareillement défendu en temps de neige, qui constitue une clôture momentanée, on ne saurait davantage admettre que la destruction des animaux nuisibles et spécialement des corbeaux, qui, aux termes de l'article 4 de l'arrêt précité, ne peut avoir lieu, quand la chasse est close, qu'à l'aide de piéges, puisse, en temps de neige, avoir lieu à l'aide de fusil; D'où il suit que Daniel a contrevenu aux articles 3, 4 et 8 de l'arrêté du préfet de police, du 17 février 1858, et commis le délit prévu et puni par l'article 11 de la loi du 3 mai 1844;

Faisant application à Daniel dudit article 11 et de l'article 16 de la même loi, condamne Daniel en 16 francs d'amende ;- Déclare confisqué le fusil dont il était porteur; en ordonne le dépôt au greffe; et faute par ledit Daniel d'en opérer le dépôt dans la quinzaine du présent jugement, le condamne à payer la somme de 50 francs, pour en tenir lieu.

Du 2 février 1861.

(MM. Massé, pr.; Senart, subst.; Sorel, av.)

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No 16. COUR IMPÉRIALE DE PARIS (Ch. corr.). - 21 février 1861. Chasse, temps de neige, arrêté préfectoral, confiscation du fusil, animaux nuisibles et malfaisants.

Le propriétaire qui est autorisé, par arrêté préfectoral, à détruire les animaux nuisibles et malfaisants en temps de neige, et qui tire sur du gibier ordinaire, commet un délit de chasse en temps prohibé, et non pas seulement une infraction audit arrêté (1).

En conséquence, la confiscation du fusil doit être prononcée (2).

(Ministère public c. Legry, Bruey, etc.)

Le 24 décembre 1835, le préfet de l'Aube a rendu un arrêté aux termes duquel la chasse est interdite en temps de neige, sauf en ce qui concerne les animaux nuisibles et malfaisants.

Ensuite d'un procès-verbal régulier du 31 décembre 1860, les sieurs Legry, Bruey et consorts furent traduits devant le tribunal correctionnel de Bar-surSeine pour avoir, contrairement à cette défense, chassé dans la forêt d'Essoyes et y avoir tué plusieurs cerfs, alors que la terre était couverte de neige. Par jugement du 23 janvier suivant, le tribunal a statué en ces termes :

«Attendu qu'il est constant en fait et d'ailleurs avoué par les prévenus que, les 20 et 24 décembre 1860, ils ont chassé ensemble, les uns le 20, les autres le 24, dans la forêt d'Essoyes et Verpillières, des sangliers; qu'ils en ont tué deux; puis, qu'ils ont tiré et tué trois cerfs; que, dans ces jours-là, la terre étant couverte de neige, ils ont contrevenu à l'article 13 de l'arrêté préfectoral du 24 décembre 1855, puisque cet arrêté ne permet la chasse en temps de neige que pour les animaux nuisibles et malfaisants tels qu'ils sont énumérés dans l'article 7 du même arrêté, et parmi lesquels ne figure pas le cerf;

(1-2) Voir le jugement qui précède, affaire Daniel.

« Attendu que chacun des prévenus ayant un permis de chasse, ce fait de chasse constitue une contravention audit arrêté et tombe sous l'application pénale de l'article 11, § 3, de la loi du 3 mai 1844;

Condamne solidairement et par corps les prévenus, chacun à une amende de 16 francs;

Et, attendu que la chasse était autorisée pour un autre gibier; que les prévenus avaient le droit de porter leurs armes ; Dit qu'il n'y a pas lieu d'en prononcer la confiscation. »>

Le ministère public a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il n'avait pas ordonné la confiscation des armes.

ARRÊT.

LA COUR ; Considérant que les premiers juges ont refusé de prononcer la confiscation des armes qui ont servi à commettre les délits, par le motif que la chasse était autorisée pour un autre gibier que celui poursuivi par les prévenus, et que ceux-ci avaient le droit de porter leurs armes ;

Considérant que la seule autorisation que renferme l'arrêté de M. le préfet de l'Aube, du 24 décembre 1855, est celle de détruire les animaux malfaisants ou nuisibles;

Considérant que l'article 16 de la loi du 3 mai 1844. en ordonnant la confiscation des instruments du délit, établit une règle générale qui ne souffre exception que dans le cas où l'auteur du délit est muni d'un permis de chasse dans le temps où la chasse est autorisée ;

Considérant que l'arrêté préfectoral qui interdit de chasser en temps de neige doit produire, quant à la confiscation des armes et pendant la suspension momentanée de la chasse, les mêmes effets que les arrêtés ayant pour objet la clôture générale de la chasse;

Considérant que, dans les deux cas, le fait de chasse implique le même abus de l'arme qui a servi à commettre le délit, et que c'est précisément cet abus que la loi entend réprimer et dont elle entend prévenir le retour en prononçant la confiscation;

Emendant, met l'appellation et ce dont est appel au néant, prononce la confiscation des fusils qui ont servi à commettre les délits; Ordonne en

conséquence que chacun des intimés sera tenu de représenter le fusil dont il était porteur, sinon à payer la somme de 50 francs pour en tenir lieu, et condamne tous les intimés solidairement, en tous les dépens faits devant la Cour. Da 21 février 1861. (MM. de Gaujal, pr.; Dupré-Lasalle, av. gen. Philbert, av.)

No 17. — COUR IMmpériale de Paris (1 re Ch.).— 11 février 1861. Chasse, délit, prescription, interruption, acte de poursuite, magistrat, réquisitoire.

En matière correctionnelle et criminelle, les actes d'instruction et de poursuite ont pour effet d'interrompre la prescription, alors mème qu'ils sont ignorés de l'inculpé (1).

Ainsi, dans le cas de délit de chasse imputé à un magistrat, la prescription a été valablement interrompue par le réquisitoire présenté au président de la Cour impériale pour la fixation du jour où le délit sera

(1-2) Voir, en ce sens, J. Pal., Rép., vis PRESCRIPTION CRIMINELLE, nos 287, 307 et suiv. Voir aussi, en matière de chasse, crim. rej., 2 mars 1854, affaire Lapeyre, B. A. F., art. 1141.

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