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L'action était appelée utile, parce qu'elle était accordée par équité, et contre la teneur du pacte. Elle était appelée arbitraire, parce que le juge déterminait l'indemnité qui était due au créancier, pour n'avoir pas été satisfait dans le lieu convenu. Vide lois 1 et suivantes, ff de eo quod certo loco. Loi 2, § 4, ff de judiciis. Loi 137, § 2, ff de verb. signif. § 33, inst. de action. Loi 2, Cod. de jurisdict. omn. jud. Loi 3, Cod. ubi in rem. Leg. unic., Cod. ubi conven. qui certo loco. Cujas, Corvinus, Scotanus, Faber, et les autres interprètes sur les lois citées.

Parmi nous, les actions personnelles ou mixtes doivent, en règle générale, être intentées pardevant le juge du domicile du défendeur. On ne considère ni le lieu du contrat, ni le lieu où le paiement doit être fait. Bornier, sur l'ordonnance de 1673, tit. 12, art. 17. Boutaric, inst., pag. 533. Rodier, pag. 81. On ne s'arrête même pas au domicile contractuel, lequel n'a son effet que pour les ajournemens, protêts, sommations et commandemens, et non pour les jurisdictions qui sont réglées et limitées par le droit public, et ne peuvent être changées par le consentement des parties. Fromental, v°. domicile, pag. 205. Cependant, la faveur du commerce a fait introduire sur cette matière certaines règles, qui sont un composé et du droit romain et du droit français. Ordonnance de 1673, tit. 12, art. 17. Dans les matières attribuées aux juges > et consuls, le créancier pourra faire donner l'assignation à son choix, ou au » lieu du domicile du débiteur, ou au lieu auquel la promesse a été faite et » la marchandise fournie, ou au lieu où le paiement doit être fait. »

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Art. 18. Les assignations pour le commerce maritime seront données parde» vant les juges et consuls du lieu où le contrat aura été passé. Déclarons nulles » celles qui seront données pardevant les juges et consuls du lieu d'où le › vaisseau sera parti, ou de celui où il aura fait naufrage.

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D'après ce que j'ai dit ci-dessus, § 2, il est aisé de comprendre que cet art. 18 de l'ordonnance du commerce doit aujourd'hui s'appliquer aux amirautės. « Les assignations pour le commerce maritime seront données par» devant (l'amirauté) du lieu où le contrat aura été passé. Déclarons nulles celles qui seront données pardevant (l'amirauté) du lieu d'où le vaisseau sera parti, ou de celui où il aura fait naufrage.

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L'article ne parle pas du lieu où le navire est arrivé. Mais l'assignation donnée pardevant l'amirauté du lieu de l'arrivée sera-t-elle nulle, si ce lieu n'est pas celui du contrat? En sera-t-il de même des assignations données pardevant l'amirauté du lieu où le navire a fait naufrage? L'action ne pourra-telle être intentée que dans le lieu du contrat, soit par les chargeurs, pour les

Lieu où l'assurance a été faite.

Lieu où les deniers ont été pris à la grosse.

Lieu où l'affiétement a été fait.

marchandises sauvées du naufrage, soit par l'équipage, pour la sûreté du salaire; soit par le capitaine, pour l'exaction des avarics grosses; soit par les fournisseurs en cours de voyage, pour le recouvrement de leurs avances? Tous ces points et autres concernent le commerce maritime; il faut concilier l'art. 18 ci-dessus cité avec l'Ordonnance de la marine survenue après, et avec la pratique journalière.

1o. Les pertes et les primes d'assurances doivent être demandées pardevant l'amirauté du lieu où la police a été dressée, parce que c'est là que le paiement doit en être fait. Jauffret, négociant à la Ciotat, fit faire, dans Marseille, des assurances pour son compte, par le ministère de M. Guiramand, notaire. Celui-ci le fit assigner pardevant l'amirauté de Marseille, en paiement de la prime. Jauffret prétendit qu'on aurait dû l'actionner pardevant le tribunal de la Ciotat. Sentence qui le débouta du déclinatoire. Arrêt du 13 octobre 1722, qui confirma cette sentence.

Les sieurs Besson et fils, qui s'étaient fait assurer 38,600 liv. sur le corsaire l'Aventurier, pour compte de divers négocians domiciliés à la Rochelle, les actionnèrent pardevant notre amirauté, en condamnation de la prime. Ceux-ci prétendirent qu'on aurait dû les attaquer pardevant l'amirauté de la Rochelle. Sentence rendue le 2 mars 1747, qui les débouta du déclinatoire, avec dépens.

2o. L'amirauté du lieu où les deniers pris à la grosse doivent être payés, est compétente pour connaître de la matière.

Un patron du Martigues se trouvant à Livourne prit, pour les nécessités de son navire, une somme à la grosse. Il retourna au Martigues, lieu de son domicile, où il désarma son bâtiment. Le donneur le fit assigner pardevant l'amirauté de Marseille, en paiement de la somme due. Le patron déclina le tribunal. Le donneur disait que le juge du lieu où le contrat avait été passé, devait connaître de la matière. Or, ajoutait-il, suivant les art. 8 et 19, titre des consuls, les Echelles du Levant, d'Afrique et de Barbarie, sont comprises dans le district de l'amirauté de Marseille. Le patron répondait que l'argument serait peut-être bon, si le contrat avait été passé en Levant, en Afrique ou en Barbarie; mais qu'il avait été passé en Italie; et qu'ainsi, la cause ne pouvant pas être portée à Livourne pardevant un magistrat étranger, rien ne s'opposait à la règle générale, actor sequitur forum rei. Sentence rendue par notre amirauté, le 14 janvier 1752, qui, faisant droit au déclinatoire proposé, délaissa les parties et matière à poursuivre pardevant qui de droit.

3°. Les nolis doivent être payés dans le lieu de la décharge de la marchan

dise; et en cas de refus, il est permis de se pourvoir pardevant le juge du même lieu. Mais si le navire retourne sans que les nolis convenus aient été acquittés, on peut se pourvoir pardevant l'amirauté du lieu du contrat. Ainsi jugé par l'arrêt rendu le 26 août 1763, contre les sieurs Grimod et Brot. Suprà, ch. 5, sect. 3, § 2, tom. 1..

4°. Les salaires des matelots français ne doivent être payés que dans le lieu où le navire a été armé, quoiqu'il soit désarmé ailleurs, et quoique le matelot ait été laissé, ou qu'il ait été congédié en pays étranger. Déclaration du 18 décembre 1728. Arrêt du Conseil, du 19 janvier 1734.

Mais ces règles ne concernent point les officiers et matelots des navires étrangers du royaume, à moins qu'elles ne soient établies par quelque traité de commerce. En 1752, les propriétaires du vaisseau hollandais la Dame Elisabeth, présentèrent requête à notre amirauté, contre Erasme Classen, qui en était le capitaine, pour l'obliger à quitter le commandement. Cela fut ainsi exécuté. Le capitaine Classen demanda à son tour le paiement de ses salaires, sa portion des nolis en sa qualité de quirataire pour un sixième, et son droit de conduite. Les propriétaires requirent le renvoi de la cause pardevant les juges de Hollande. Ils furent déboutés du déclinatoire, et la sentence fut confirmée par arrêt du Parlement d'Aix, du 15 décembre 1752.

Autre arrêt. En 1756, la barque de Joseph Ressa, génois, étant à Marseille, fut nolisée pour porter à Mahon des troupes du roi. Elle fit ce voyage, et revint. Les matelots présentèrent requête contre le capitaine, aux fins qu'il eût à retirer le fret consigné au bureau des classes, à Toulon, et à leur compter les portions qu'ils avaient gagnées, en naviguant pour le compte du roi. Le capitaine proposa l'exception d'incompétence. Sentence rendue par notre amirauté, qui le débouta du déclinatoire. Arrêt du 18 décembre 1756, rendu par le Parlement d'Aix, qui confirma la sentence.

5°. Lorsqu'il s'agit de régler les avaries, le lieu du contrat ne détermine pas la compétence; « mais l'état des pertes et dommages se fait à la diligence » du maître, dans le lieu de la décharge du bâtiment. » Art. 6, titre du jet. Car si le navire faisait naufrage, ou qu'il y eût un nouveau jet avant que de parvenir au lieu de la destination, le réglement fait dans un port intermédiaire deviendrait inutile. D'ailleurs, il est des estimations et des opérations qui ne peuvent se faire que dans le lieu du reste. Il faut donc attendre que le navire soit arrivé au port de salut. Tel est l'usage de toutes les places maritimes. Kuricke, tit. 8, art. 1, pag. 773. Roccus, de navib., not. 96. Casaregis, disc. 46, no. 96. Domat, tom. 1, pag. 187, n°. 15.

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Un vaisseau destiné pour le Hâvre-de-Grâce, sortant de Marseille, fut battu de la tempête, qui lui occasionna une voie d'eau; il retourna à Marseille, où il fut radoubé. Le capitaine présenta requête au tribunal de notre amirauté, en réglement et paiement de l'avarie soufferte. Sentence du 7 septembre 1753, qui délaissa les parties et matière pardevant qui de droit.

Mais les opérations pour radouber le navire doivent être faites sous les yeux du magistrat de l'endroit où aborde le navire, et en présence des assureurs qui se trouvent sur les lieux. En 1777, les sieurs Butiny, Folsch et Hombostel firent assurer 30,000 liv. sur le corps du vaisseau la Concorde, capitaine Baas, suédois, de sortie de Marseille jusqu'à Paimbœuf. Ce navire, se trouvant sur les côtes de Catalogne, essuya une tempête qui lui causa des avaries et une voie d'eau. Il revint à Marseille. Le capitaine fit un rapport de relâche, et fit radouber le navire, sans que les assureurs présens sur les lieux eussent été appelés. Le vaisseau remit à la voile. Il arriva à Nantes, où, le 17 septembre 1778, il fut fait un réglement qui porta l'avarie à la somme de 11,495 liv.

Le 6 mai 1779, les assurés présentèrent requête contre les assureurs, en la personne des sieurs Crudère et Kick, deux d'entre eux, en réglement et contribution de l'avarie. Les sieurs Crudère et Kick ne présentèrent procureur que pour eux seuls, déclarant qu'ils n'étaient ni les associés, ni les mandataires des autres assureurs. Venant ensuite au fond du procès, ils soutinrent que, n'ayant point été appelés au radoub fait dans le port de Marseille, lors de la relâche du navire, ils n'étaient pas tenus d'adopter des opérations qui avaient été faites à leur insu.

Sentence rendue en mai 1780, par notre amirauté, qui condamna les assureurs à payer l'avarie, d'après un nouveau réglement qui serait dressé. Arrêt rendu en juillet 1781, au rapport de M. de Franc, qui réforma cette sentence, et mit les sieurs Crudère et Kick hors de Cour et de procès, avec dépens. Vide suprà, ch. 14, sect. 2.

Dans l'espèce de l'arrêt que je viens de rapporter, on n'avait fait assigner que deux des assureurs. La procédure n'était pas régulière. Voyez la section suivante, § 2.

Voici une question qui me fut proposée : Des assurances avaient été faites dans Marseille sur un navire napolitain, destiné pour Livourne. Ce navire essuya des avaries grosses, qui furent réglées à Pise par les consuls de la mer. Les assureurs marseillais prétendaient que le réglement fait à Pise n'avait pas force de chose jugée. Je fus d'avis que l'ordre des choses, le droit des gens,

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et la foi du contrat, s'opposaient à cette idée. L'assuré, qui a été obligé de payer la contribution telle qu'elle a été déterminée par le magistrat étranger, doit avoir son recours contre les assureurs, sans que ceux-ci soient recevables à requérir qu'on retouche à des opérations faites de bonne foi dans le lieu de la décharge.

CONFÉRENCE.

CCXXXIX. Il n'est pas de la nature de ces conférences de parler de l'origine de la jurisdiction commerciale. D'ailleurs, on sait que cette origine remonte à une époque fort reculée. Athènes eut ses juges choisis parmi les personnes d'un même métier, pour prononcer sur les différends qui s'élevaient entre elles. Rome possédait une jurisdiction semblable; et dans les tems du moyen âge, l'Italie eut ses tribunaux consulaires. La France féodale reconnaissait les juges et les priviléges des foires de Champagne, de Brie, et Lyon eut sa fameuse conservation créée en 1533, par François 1. Depuis cette création, les rois ont établi des juges-consuls ou consulats, à Paris, en 1563, et successivement en plusieurs villes du royaume.

La connaissance des affaires de commerce de terre et de mer fut primitivement et pendant long-tems attribuée aux juges-cousuls. L'ordonnance de 1673 contient même plusieurs dispositions à cet égard. (Tit. 12, art. 1, 2, 3, 4, 12 et suiv.)

Mais dès qu'il y eut un amiral en France, il y eut des juges d'amirauté pour connaître, privativement à tous autres juges, des causes maritimes, tant au civil qu'au criminel, et entre toute personne que ce fût. En effet, l'amiral connaissait par lui-même, ou par ses officiers, de toutes les causes maritimes. Il est vrai de dire qu'à différentes époques, il s'éleva des difficultés et des contestations sur la compétence de cette jurisdiction. Mais l'Ordonnance de 1681 les applanit toutes, en fixant d'une manière positive la nature des affaires qui étaient de sa compétence. Les juges de l'amirauté connaissaient non seulement des affaires contentieuses de mer, mais encore des actes d'administration et de police maritime. (Liv. 1, tit. 2, articles 1, 2, 3, etc. etc. ).

Les amirautés furent expressément supprimées par la loi du 13 août 1791, qui attribua aux tribunaux de commerce la connaissance de toutes les affaires de terre et de mer en matière civile. Enfin parut notre nouveau Code de commerce, qui a fixé définitivement les bornes de la jurisdiction commerciale, et a consacré l'ancienne règle, qui voulait que les commerçans fussent jugés par leurs pairs, et par des pairs de leur choix, pour toutes leurs affaires de commerce, tant de terre que de mer.

Mais le retour à cette ancienne règle a-t-il produit tous les avantages qu'on s'en était promis? Le législateur n'a-t-il point cédé trop légèrement à cet esprit d'innovation, qui peutêtre exerçait alors trop puissamment son empire ?

Ce n'est plus un problême, dans l'Europe policée, que le commerce ne soit l'unique moyen d'assurer la gloire et la prospérité d'un état. Depuis long-tems il est mis sur la ligne des autres sciences, et comme faisant une partie essentielle de la science des Gouvernemens. Toutes les nations ont éprouvé cette grande vérité, que ce n'est pas assez pour un peuple que la culture des terres, ni celle des arts; que l'une et l'autre ont besoin d'un esprit qui les anime, et que cet esprit c'est le commerce,

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