Page images
PDF
EPUB

porte-feuille jusqu'à ce que le titulaire fût arrivé de la Corogne.

En attendant les actes de cette nouvelle administration, les cortès continuaient la discussion des paragraphes de l'adresse.

Au paragraphe 13, dans la Chambre des députés, MM. Artesa et Elordi proposèrent d'ajouter le mot égalité relativement aux contributions, dont ils attaquaient le mode de répartition. Ainsi, selon leur remarque, la province de Tudela avait payé en trois années et demie treize millions en prestation et en nature, tandis qu'à Madrid rien de semblable n'avait été exigé. Au milieu de ces débats, présidés avec une calme et noble impartialité par M. Isturiz, un incident était venu témoigner de toute l'effervescence des partis. A la suite de quelques mots échangés, une provocation avait été adressée au président par le député Riva Herrera. Heureusement cette affaire n'eut pas de suite. M. Benaridės réclama ensuite l'application de l'art. 43 de la Constitution, et s'étonna que le ministère n'eût pas encore communiqué la liste des députés promus à des fonctions qui entraînaient la nécessité d'une réélection. Cette proposition de M. Benavidès fut adoptée.

Dans le Sénat, M. Calatrava n'ayant pas trouvé l'adresse assez explicite, eu égard aux circonstances, rédigea un vote particulier. La dernière levée de 40,000 hommes, qui avait été décrétée sans l'autorisation des cortès, lui parut illégale, et le maintien de l'état de siége, à Cadix et à Malaga, politique après le rétablissement de l'ordre.

im

Le lendemain (séance du 27 novembre), M. d'Ofalia fut écouté avec intérêt dans les explications qu'il avait données sur nos rapports avec la France, et sur le traité de la quadruple alliance, et répondant à M. Gomez Becerra, qui regardait l'abandon de la légalité comme la source principale des maux de la nation, l'ex-président du Conseil, prétendit que la guerre civile était la cause de toutes les calamités qui pesaient sur la nation; que

tous les ministères étaient tombés et tomberaient par suite des événements militaires ; que quant à lui, ayant été nommé dans l'intervalle des deux sessions, son seul désir avait été de réunir les cortès, qu'il considérait comme l'ancre de salut de la patrie.

On lui objecta qu'il n'y avait pas eu de mise en état de siége, même pendant la guerre de l'indépendance; l'exministre répliqua qu'alors il n'y avait que des ennemis français; les partisans du roi intrus suivaient le drapeau de Napoléon, mais l'Espagne restait homogène, tandis qu'à cette heure, il y avait guerre civile, c'est-à-dire que toutes les espèces de rivalités, de haines, de passions et d'intérêts divers, avaient fait irruption dans le sein même des communes espagnoles.

Le comte d'Ofalia, défendant les actes du ministère qu'il avait présidé, termina par cette phrase remarquable au sujet de la quadruple alliance:

« Le paragraphe de l'adresse qui porte, que la paix ne pourra se faire que sur les bases du trône d'Isabelle et de la constitution, et l'amendement qui dit la même chose, quoiqu'en termes plus explicites, sont essentiellement égaux; mais si les auteurs de l'amendement ont voulu insinuer que quelqu'un pourrait oublier ses devoirs au point de désirer une transaction, je dois affirmer que ni sous mon ministère, ni avant, ni après, je n'ai appris, que qui que ce fût eut une pareille pensée. »

Après ces dispositions, qui faisaient prévoir que les Chambres ne recevraient l'impulsion que d'un ministère véritablement fort et homogène, d'un ministère parlementaire, et non d'un ministère de circonstance ou de transition comme le précédent, l'adresse de la Chambre des députés, puis celle du Sénat, furent présentées, les 13 et 14 décembre, à la reine régente.

Le nouveau ministère était à peine établi, lorsque le capitaine - général de l'Andalousie, comte de Clonard, publia à Cadix, le 20 novembre, une proclamation contre

la junte de Séville, dans laquelle il déclara traîtres à la patrie les généraux Cordova et Narvaez, qui avaient assemblé cette junte illégalement. Poussés par une ambition coupable et des motifs de vengeance personnelle, trahissant leurs devoirs comme militaires, leurs serments comme députés, ces généraux avaient arboré, à Séville, l'étendard de la rébellion, et troublé la paix des provinces de l'Andalousie, en cherchant à y fomenter une nouvelle guerre civile. Deux jours après, le général Cordova s'empressa de répondre au comte de Clonard, par une proclamation adressée aux Andaloux et à tous les Espagnols, déclarant, en son nom et en celui du général Narvaez, qu'ils repoussaient avec indignation et mépris les accusations du comte de Clonard, et qu'ils rendraient compte de leur conduite à la barre des cortès.

}

«Dans l'anarchie, disait le général Cordova, où l'abandon des autorités avait plongé la place de Séville, les 14 et 15 novembre, le général Narvaez et moi, nous avons dû conjurer les maux de la patrie et faire le bien que réclamaient les circonstances. Nous sommes prêts, tous deux, à nous présenter devant l'Assemblée nationale pour y répondre comme députés.

Le chef politique de Séville justifia en quelque sorte le général Cordova, en constatant que ce brave militaire n'avait cédé qu'à la force lorsqu'il avait accepté la présidence de la junte insurrectionnelle de Séville, et qu'il avait ainsi prévenu les plus grands malheurs.

Cependant, tout était rentré dans le devoir, grâce à l'énergie du comte de Clonard, qui, de Cadix, avait envoyé quelques troupes pour réprimer le désordre. La junte suprême fut dissoute, et le commandement remis, dès le 23, au général Sanjuannana.

En outre, un message de S. M. apprit à la Chambre des députés qu'une enquête sur la conduite des généraux Cordova et Narvaez, avait été ordonnée.

De son côté, le général Cordova adressa au Gouverne

ment un rapport très-étendu sur l'origine, le développement et l'issue des événements de Séville, rapport dans lequel il protestait de son dévouement à l'autorité de la reine; et, renonçant à tous ses grades et décorations, se plaignait amèrement que des ordres supérieurs le tinssent éloigné de Madrid et le missent dans l'impossibilité de rendre compte de sa conduite à la Chambre où étaient ses juges naturels, d'après la loi fondamentale.

Ce rapport présenté au ministre de la guerre contenait les passages suivants, sur le mouvement de Séville.

• Excellence, dans la nuit du 23 novembre dernier, quand le général San-Juanana entra à Séville, à la tête de ses troupes, pour prendre le commandement que j'exerçais de fait pour des causes et des considérations que je vous ai déjà signalées, et qui vont être l'objet d'une investigation spéciale, il déclara, en présence de plusieurs personnes et sous la garantie de son caractère public et privé, « que sa mission n'avait et n'aurait jamais aucun but offensant pour l'honneur de la milice nationale de Séville comme institution, ni rien qui fût de nature à porter atteinte à la sécurité individuelle de ses membres; sa mission étant toute de paix et de conciliation. » • En conséquence de ces déclarations, et croyant avoir rempli ce que me prescrivaient mon devoir et mon honneur envers la milice, renonçant explicitement et gratuitement à tout bénéfice personnel, pour laisser à la loi toute sa liberté et son action, je remis le commandement entre les mains de ce général, et nous nous mîmes à sa disposition, mon collègue don Ramon-Maria Narvaez et moi, lui offrant notre loyale et franche coopération pour apaiser les corps de la milice et les engager à se retirer dans leurs maisons. Nous avons conjuré ainsi les dangers dont plus que jamais nous menaçait l'exaltation des passions, exaltation qui s'était encore augmentée par suite des événements qui depuis quelque temps s'étaient passés à Séville. »

A son tour, le général Cordova accusait d'imposture le comte de Clonard dont l'autorité n'avait été reconnue par la milice nationale de Séville, que grâce à son intervention, à lui, Cordova. Il resta néanmoins dans l'Andalousie, où il devait être jugé par un conseil de guerre, contre la compétence duquel il protestait comme député, deman dant à comparaître devant les tribunaux de Madrid. En

réalité, ce mouvement de Séville avait été surtout dirigé contre l'espèce de dictature que s'était arrogé le général Espartero, au milieu des irrésolutions du Gouvernement.

Au commencement du mois de novembre, la sédition avait gagné Majorque. Dès le 5, cette île avait été déclarée en état de siége par un capitaine-général, et un conseil de guérre avait été installé à Palma, pour juger ceux qui troublaient la tranquillité publique. Ces désordres furent heureusement de courte durée.

Après avoir assisté aux crises gouvernementales, revenons aux opérations des armées.

De son quartier-général de Logrono, le comte de Luchana, qui s'était constamment opposé à l'élévation et à la popularité du général Narvaez, et qui s'était prononcé de la manière la plus énergique contre le décret fixant à 40,000 hommes une armée de réserve, avait fait poursuivre la bande du curé Mérino, par le brigadier don Ysidor de Hoyas, qui lui avait tué beaucoup d'hommes et fait plusieurs prisonniers.

Au commencement du mois de novembre, il avait adressé à la reine-régente un mémoire sur le système militaire qu'il entendait faire prévaloir dans les circonstances où se trouvait l'Espagne. Ce document parut avoir été dicté au général en chef par un sentiment de haine contre le général Narvaez, qui venait de donner sa démission, et de se retirer en Andalousie, malgré tous les efforts qu'on avait fait pour le retenir. Espartero (c'était l'avis de tout le monde) avait eu évidemment le droit de critiquer, sous le point de vue militaire, la formation d'une armée de réserve, mais non de lancer une philippique contre un officier d'un mérite incontestable.

Ce fut le 5 novembre qu'eut lieu la dissolution des juntes de représailles établies dans le royaume de Valence, ainsi qu'à Barcelone. Le comte de Luchana, après avoir fait fu

« PreviousContinue »