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l'est par assez pour un gouvernement mixte, où l'on a fait entrer la Monarchie.

Tel est le vice capital de la nouvelle Constitution. L'autorité légitime du Directoire exécutif, ou du gouvernement est resserrée dans des bornes trop étroites: mais la force la loi remet entre ses mains, les moyens que d'influence et de corruption qu'elle lui abandonne sont plus que suffisans, pour briser les entraves qui gênent l'exercice de son pouvoir. Fidelle à la Constitution, le Directoire est trop foible: infidelle, il peut se rendre tout-puissant. Dans le premier cas, toute l'autorité demeurera. au Corps législatif, qui reprendra l'esprit de la Convention nationale. Dans le second, le Corps législatif ne sera que l'instrument du despotisme directorial. Ainsi, quoi qu'il arrive, avec cette Constitution, dont les auteurs ont tout prévu, tout calculé, hormis le jeu des passions, la France ne sauroit manquer de tyrans.

Je ne pousserai pas plus loin l'examen de de la Constitution de 1795. Malgré tous ses vices, elle se soutenoit depuis près de deux ans. Il ne paroissoit pas douteux qu'elle ne fût moins mauvaise, je ne dis pas que la monstrueuse anarchie de 1793, mais

que la

démocratie royale de 1791. C'étoit un premier pas, dans la carrière rétrograde que les Français avoient à parcourir, pour se rapprocher des véritables principes de l'ordre social. Il étoit impossible alors que la France revint tout-à-coup à son ancien état, sans convulsions et sans déchiremens; ct Fon aimoit à croire que cette Constitution, où l'on retrouvoit une ombre de monarchie, étoit propre à reposer les esprits, à calmer les factions, et à ramener peu-à-peu la nation entière, par le seul progrès de l'opinion, aux pieds de son légitime Souverain.

La Révolution du 4 septembre 1797 a fait évanouir les espérances, peut-être prématurées, des gens de bien. Mais, s'il est probable, qu'elle ait éloigné le retour de la monarchie, il est bien certain qu'elle a porté le coup mortel à la République. Dans cette fatale journée, la souveraineté du peuple, la liberté des opinions, la majesté de la représentation nationale, l'autorité des lois, la force des jugemens, tous les principes, tous les fondemens de la Constitution ont été renversés. Les représentans que la nation s'étoit choisis, les seuls qu'elle avouât pour ses délégués, les seuls dont les opinions ex

primassent le voeu universel, périssent sur un rivage barbare, tandis que les restes impurs de la Convention dominent dans l'un et l'autre Conseil, et dictent des décrets abhorrés. Dans un grand nombre de villes, des administrateurs, des magistrats élus par le peuple, et destitués par le Directoire, sont remplacés par des inconnus, que leurs crimes et la haine publique avoient forcés de s'exiler de leur patrie. Les formes républi caines subsistent encore, mais ce n'est que pour donner aux actes du despotisme le plus arbitraire une vaine apparence de légalité. La nation française n'est plus représentée: i elle n'est plus gouvernée par elle-même: elle n'est plus libre. La démocratie est détruite: une Oligarchie militaire, le gouvernement d'Alger lui a succédé.

CHAPITRE XI .

Conclusion.

Il falloit encore aux Français cette dernière révolution, pour les convaincre que, dans les Etats populaires, ce n'est jamais ni le peuple, ni la loi, mais toujours une faction

tion, et la force qui gouvernent. J'ignore quelles en seront les suites, car le nombre des combinaisons informes qui peuvent sortir du chaos révolutionnaire n'est pas épuisé: mais il n'est pas besoin de savoir lire dans l'avenir, pous assurer, qu'au point où en sont les choses, la France n'a plus à opter qu'entre la tyrannie du Directoire, et l'autorité légitime de son Roi.

C'en est fait de la République. Le peuple n'en veut plus. Il rejette persévéramment toutes les institutions républicaines. Il est sourd' aux proclamations et aux complaintes sans cesse réitérées du Directoire, et des corps administratifs. Il cédera peut-être à la violence; mais sa haine pour la République s'accroîtra par le culte qu'il sera forcé de lui rendre.

Le Directoire lui-même ne veut plus, ni de la Constitution de 1795, ni de toute autre où le peuple exerceroit quelque influence. Il a trop vu que l'opinion publique se prononçoit hautement contre lui. Il sent trop que cette opinion publique qui, dans les élections de 1797, avoit formé de ses ennemis la majorité des Conseils, ne manqueroit pas de dicter des choix pareils à l'avenir. Il étoit

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perdu, si les assemblées primaires de 1798 eussent joui de quelque liberté. Outre qu'elles eussent été indubitablement animées du même esprit que les précédentes, elles avoient à venger l'attentat des Triumvirs contre la représentation nationale.

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Semblable dans son origine à la république d'Angleterre, la République française lui ressemblera encore dans sa fin. Après la mort de Cromwel, l'Angleterre, également lasse de l'anarchie parlementaire, et de la tyrannie protectoriale, n'espéra de repos qu'en plaçant sur le trône le fils de ce roi qu'elle avoit vu périr sur un échafaud. Le Directoire qui a subjugué le corps législatif, qui a détruit la représentation nationale, qui a dépouillé le peuple de tous ses droits cons titutionnels, le Directoire est le Cromwel de la République française. Il tombera, et avec lui disparoîtra tout ce qui reste de la République, les dénominations et les formes. L'étendue de la France, sa population, sa position continentale, ses rapports avec le reste de l'Europe lui permettent encore moins qu'à l'Angleterre de chercher ailleurs que dans la monarchie, la tranquillité au dedans, la paix et la considération au dehors.

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