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laiffer vivre à la Chine fans être refponfables de leurs excès, & fe rendre auffi coupables qu'eux. La honte de leur origine, rappor tée à un peuple fauvage, reconnù tel par les autres Tartares; leur dépendance de l'Empire, auffi ancienne que leur nation; l'époque de leur rébellion encore récente ; des ravages affreux qu'ils avoient faits dans le Petcheli & dans les Provinces voifines, fous Taytfong; leur perfidie à l'égard d'Oufankouei l'ambition de leurs Chefs; l'imfolence de leurs foldats; les moeurs féroces des uns & des autres; tous ces traits réunis donnoient effectivement une idée hörrible de ces Conquérans. Mais cè qui achevoit de rendre infiniment odieux le portrait qu'on en traçoit ici, c'étoit le récit des derniers defordres commis à Tahytong. Les moindres circonstances y étoient peintes avec les plus vives couleurs, relevées avec beatcoup d'adreffe, & exagérées fans ménagement. On finiffoit par une

Kian

gne le

gou

fille étoit

exhortation pathétique à tous les Chinois, qui aimoient leur patrie, pour qu'ils euffent à fe rendre inceffamment auprès de Kianfay, réfolu de périr dans cette guerre, ou de la terminer avec fuccès, par la ruine entière de leurs tyrans. Ce libelle produifit, comme on fay ga- le fouhaitoit, une étrange agitaPrince tion dans le Chanfi, & le rebelle Mon- Gouverneur fe vit bientôt à la dont la tête d'une belle armée, à qui il communiqua toutes fes fureurs. pomi- Il fit. plus encore ; & c'eft ce qui montre fenfiblement combien la vengeance de cet homme étoit réfléchie & pouvoit devenir funeste aux Mancheoux: un de fes confidens alla de fa part à la Cour du Prince Mongou, dont la fille étoit deftinée au jeune Empereur; avec ordre de ne rien oublier pour gagner entièrement ce Tartare. L'en voyé étoit habile, &ifa négocia tion réuffit. Il tourna fi bien l'efprit du Mongou', qu'il tira de lui une double promeffe, de rompre abfolument avec les Mancheonixz

fe à

l'Empe

reur.

en leur refufant la Princeffe qu'ils - demandoient, & de venir en perfonne dans le Chanfi avec le plus de troupes qu'il pourroit lever parmi fes vaffaux ou chez fes voifins.

1

Le Confeil de Régence comprit d'abord tout ce qu'il y avoit de dangereux dans cette révolte, & en particulier dans l'intrigue deş révoltés avec les Mongoux, dont ́on ne tarda pas à être instruit. Une bonne partie des troupes impériales étoit de cette nation tartare; elle avoit envahi autrefois, & poffédé long-temps l'Empire de la Chine; rien n'étoit donc plus naturel que devoir Pambition de ce peuple fe réveiller fubitement à l'occafion des troubles du Chanfi, Province limitrophe des Mongoux, où ils étoient affures d'être reçus. Auffi le premier foin de Néchingouang fut-il d'écarter à quelque prix qu'il en dût coûter, la tempête qui fe formoit de ce côté-là. Plus attentif qu'il ne l'avoit été là première fois à bien choilir. fes

2

gouang

rega

Mon

gou.

envoyés, il ne fit entrer dans ce nombre aucun de ces Courtisans du bel air dont quelques bons mots font tout le mérite: c'est-à-dire, qu'il ne chargea d'une négociation fi importante que des hommes de génie, graves, fenfés, & d'une probité reconnue. Pour donner plus de force à leurs raisons, il leur remit de magnifiques préfens en tout genre, qui ne pouvoient manquer de toucher un Prince d'autant plus avide, qu'il étoit moins riche.

Né- Le Mongou délibéra quelque thin- temps. Les avantages d'une allianvient à ce avec l'Empereur de la Chine, bout de & l'infulte qu'on lui fit envisager gner le dans ce qui s'étoit paffé à l'égard Prince d'un Ambassadeur destiné à sa Cour firent d'abord impreffion für lui: mais auffi l'efpoir bien fondé qu'il avoit conçu de s'aggrandir aux dépens des Mancheoux, & la parole qu'il avoit donnée aux rebelles de les foutenir dans leur révolte, le tenoient attaché au parti de Kianfay. Dans cet état d'incertitude

d'un esprit flotant & incapable de fe fixer, on fait briller à fes yeux l'éclat de l'or, on étale devant lui les plus riches étoffes de la Chine, on lui promet d'augmenter le nombre de fes Reines, & par-là on l'améne au point qu'on fe propofoit de renouer fon alliance avec l'Empereur. Les Plénipotentiaires lui paffèrent fans beaucoup de peine la reftriction qu'il y mit: fçavoir que les troupes levées dans fes Etats ne ferviroient pas. dans le Chanfi. Ce traité conclu, le Prince Mongou eut l'attention d'en donner avis à Kianfay, qui de fon côté s'en confola aifément; fes affaires étant en bon train comme on va le voir.

Un mois avant ce renouvellement d'alliance entre l'Empereur & les Mongoux; & dans le temps, que les Négociateurs partoient de Pekin pour la Tartarie, le Prince Régent avoit fait marcher une groffe armée contre les rebelles. Ceux-ci étoient venus à fa rencontre, & lui avoient livré bataille,

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