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Ainsi l'a jugé, le 21 novembre 1884, le Conseil d'État au sujet de la sacristie de Saint-Nicolas des Champs, à Paris, qui était comprise dans un plan d'expropriation et visée par l'arrêté préfectoral de cessibilité une église paroissiale rentre dans le domaine public communal, aucune partie n'en peut donc être expropriée avant désaffectation préalable du service religieux (Conf. Cass., 20 déc. 1897, D. 99.1.257; Paris, 24 déc. 1896, D. 97.2.151).

SECTION I

PROCÉDURE NORMALE.

(Duf., t. VI, nos 1-191.)

267. — (No 1.) Étant donnée la gravité du résultat poursuivi, les divers pouvoirs de l'État con

courent à son obtention.

268.

Article I.

Déclaration d'utilité publique. (Duf., t. VI, nos 2-14.)

L'expropriation n'est possible qu'autant qu'il y a utilité publique certaine et légalement affirmée. Prévoyant l'hypothèse la plus générale, celle où des travaux publics seront exécutés sur le terrain exproprié1, les articles 2 et 3 de la loi du 3 mai 1841 consacrent ce principe, quand ils exigent

1. Il n'en est pourtant pas toujours ainsi, au cas par exemple de l'expropriation de monuments mégalithiques prévu par la loi du 30 mars 1887.

avant tout l'autorisation par la loi ou un décret des travaux qui nécessitent la dépossession.

(N° 2.) Il faut donc une déclaration d'utilité publique et, le cas échéant, une autorisation des travaux à entreprendre. Ladite autorisation, donnée en connaissance de cause et après enquête, s'étend dès lors à tous les travaux accessoires nécessaires à l'exécution de l'entreprise projetée, et vaut déclaration implicite d'utilité publique pour l'expropriation des terrains indispensables à ce résultat. Au contraire, une déclaration nouvelle devra intervenir si une modification ultérieure au plan primitif en change et en augmente la portée ou exige des travaux, non prévus primitivement, qui ne soient pas une suite nécessaire du travail principal (Cass., 8 janv. 1873, D. 73.1.9; 25 juillet 1877, D. 77. 1.471).

269. Mais quelle autorité va déclarer l'utilité publique et permettre ainsi de procéder à l'expropriation? Il faut, pour répondre à la question, distinguer entre les différentes personnes administratives.

(Nos 3-6.)-Al'égard des expropriations poursuivies au nom de l'État1, soit par lui-même, soit par un concessionnaire, le système du Sénatus-consulte du 25

1. Nous donnons au texte la théorie générale, mais certaines expropriations sont prévues par des lois particulières. Pour l'expropriation d'une source thermale ou les travaux de desséchement de marais, un décret suffit à déclarer l'utilité publique (L. 16 sept. 1807; 14 juill. 1856, art. 12); une loi est nécessaire au contraire quant aux travaux de restauration et conservation des terrains en montagne.

décembre 1852, en vigueur au moment où écrivait M. Dufour, a été abrogé par la loi du 27 juillet 1870 qui a repris la règle posée par la loi du 3 mai 1841, art. 3. En principe, le pouvoir législatif doit intervenir; il faut une loi du moins pour tous les travaux d'importance, loi-décret, acte de haute administration plus qu'oeuvre de législateur, pour lequel on fait intervenir les représentants de la nation à raison de sa gravité et des conséquences qu'il aura tant à l'égard des particuliers dépossédés que des finances du pays. Un décret en Conseil d'État suffit pour les petits travaux, et la loi cite comme tels « l'exécution des canaux et chemins de fer d'embranchement de moins de vingt kilomètres de longueur, des lacunes et rectifications des routes nationales, des ponts et des travaux de moindre importance ». Du reste, même en ces dernières hypothèses, si le Trésor doit supporter la dépense en totalité ou en partie, une loi préalable est indispensable pour créer les voies et moyens, ce sera le plus souvent la loi du budget inscrivant un crédit à cette intention; de tels crédits ne sauraient jamais aujourd'hui être ouverts par décret.

270. S'agit-il d'une expropriation à faire au nom d'un département ou d'une commune 2, l'utilité publique est prononcée en principe par décret simple. Telle était la règle posée par la loi de 1841

1. La confection d'une ligne de moins de 20 kilomètres qui n'est pas un embranchement doit être autorisée par une loi.

2. La règle est la même si l'expropriation est poursuivie par une association syndicale.

DROIT ADMINISTRATIF. — SUPPLÉMENT.

T. III.

24

à laquelle ni le Sénatus-consulte du 25 décembre 1852, ni la loi du 27 juillet 1870, n'ont dérogé (Cons. d'État, 20 avr. 1888, Synd. du canal de Vernet).

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Mais il en est autrement à l'égard de certains travaux. Ainsi la déclaration d'utilité publique est faite : par une loi pour les chemins de fer d'intérêt local (L. 11 juin 1880, art. 2); par un décret en Conseil d'État pour la voirie de Paris (D. 26 mars 1852), pour les tramways départementaux ou communaux (L. 11 juin 1880, art. 29), pour l'établissement d'une école primaire publique (Décr. 7 avr. 1887). -Par contre, elle résulte d'une délibération du conseil général ou de la commission départementale, en matière d'ouverture et de redressement d'un chemin vicinal ou rural, sauf si l'expropriation doit porter sur des terrains clos de murs ou même, en matière de voirie rurale, clos de haies vives, auquel cas un décret est nécessaire1 (L. 8 juin 1864, art. 2; 10 août 1871, art. 44 et 86; 20 août 1881, art. 4 et 13) 2.

271. Une question assez délicate, sur laquelle le Conseil d'État a varié, se présente au cas où, la dépense d'un travail public devant être couverte au moyen d'un emprunt, il y a lieu de déclarer d'une part l'utilité publique, d'autoriser d'autre part l'emprunt. Quand cette déclaration et cette autorisa

1. Le décret doit être rendu en Conseil d'État s'il s'agit de chemins ruraux.

2. Un projet de loi, dû à l'initiative de la commission de décentralisation créée en 1895, tend à unifier ces règles disparates.

tion émanent de deux autorités distinctes 1, à laquelle appartient-il de statuer la première? D'après les avis du Conseil d'État, en date des 21 juillet et 1er août 1891, et la circulaire ministérielle du 20 juillet 1888, c'est à la plus haute des deux : ainsi, là ou le Chef de l'État est compétent pour déclarer l'utilité publique, le décret interviendra après ou avant l'autorisation de l'emprunt, suivant que celle-ci doit être donnée par la loi ou par un arrêté préfectoral. 272. (Nos 8-11.) De quelque autorité qu'il émane, l'acte déclaratif d'utilité publique est obligatoirement précédé d'une enquête destinée exclusivement à constater cette utilité. C'est à titre tout à fait exceptionnel que les lois des 4 avril et 24 juillet 1873, relatives aux tombes des soldats morts pendant la guerre de 1870 et à la construction de l'église du Sacré-Cœur à Montmartre, ont déclaré, sans enquête préalable, l'utilité publique des expropriations par elles autorisées. - L'enquête a lieu sur un avant-projet, dressé après des études techniques préliminaires : sondages, nivellements, etc. 2, qui indique le tracé général de la ligne des travaux en même temps que l'appréciation sommaire des dépenses. Il y est procédé sui

1. Dans le cas contraire, l'autorité compétente statue sur le tout pour une seule décision (Avis Cons. d'État, sect. int., 3 août 1887).

2. Pour l'exécution de ces travaux préparatoires, les agents de l'administration entreront sur les propriétés privées en vertu d'un simple arrêté préfectoral, à charge d'indemniser les propriétaires du dommage causé à leurs fonds. Nous retrouverons la question à propos de l'occupation temporaire.

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