Page images
PDF
EPUB

prétention sous le règne d'Edouard Ier (1), et la république des Provinces-Unies l'admit, au moins quant aux honneurs du pavillon, par le traité de Breda, de 1607; mais jamais la France n'y a

souscrit.

On conçoit, au reste, que l'étendue de mer qu'une nation s'attribue relativement aux autres nations, ne saurait être invariable, et qu'elle dépend de la puissance relative de chaque peuple, et des dangers qu'on veut écarter. La France avait jadis porté cette étendue, dans la Méditerranée, à dix lieues des côtes, pour toutes les puissances barbaresques les pirates de ces nations ne se seraient pas permis de faire des prises en deçà de cette limite. Cette appropriation d'une partie de la mer était au moins aussi profitable aux petits états qui ne pouvaient pas faire respecter leur pavillon, qu'à la nation française elle-même (2).

De ce que les eaux qui baignent le territoire d'un peuple, sont considérées comme sa propriété, il ne faut pas conclure qu'il n'est pas permis aux

général tous ceux que la loi de l'état lui donne. » Le Droit des gens, liv. Ier, chap. XXIII, § 235.

(1) Mare clausum, lib. Il, cap. XXVIII.

(2) Institutions du droit de la nature et des gens, par Gérard de Rayneval, liv. II, chap. IX, § 10, p. 161, et note 26, p. 86.

autres peuples d'y naviguer. Si l'ordonnance de la marine de 1681 autorise les nations amies à naviguer librement dans les rades françaises aussi loin que s'étend la domination de la France, il ne saurait leur être interdit de passer sur les eaux qui sont soumises à son empire. Les seules conséquences qu'on puisse raisonnablement tirer de cette appropriation d'une partie de la mer, c'est que les navires qui s'y trouvent, sont soumis aux lois et à la police de la nation qui se l'est appropriée, et qu'ils y jouissent par cela même de. sa protection. S'ils y étaient attaqués, le peuple sous l'empire duquel ils sont placés, ne pourrait voir, dans cette agression, qu'une violation de son territoire; son devoir serait de la réprimer, et de faire respecter son indépendance.

Les eaux qui environnent le territoire d'un peuple, en tout ou en partie, sont pour lui comme une route destinée à mettre en communication les diverses fractions entre lesquelles il se divise; elles rendent ou peuvent rendre, sur la circonférence du territoire, des services analogues à ceux que rendent à l'intérieur les fleuves et les canaux; elles sont, en outre, un moyen de surveiller les ennemis, d'empêcher toute surprise de leur part, et de prévenir ou réprimer la contrebande; comme sous ces divers rapports, toutes les nations maritimes ont des intérêts semblables, il importe

également à toutes d'adopter et de faire respecter les mêmes principes (1).

Mais, comme il est de l'intérêt d'un peuple d'ouvrir son territoire à tous les hommes qui se soumettent à ses lois, et qui, sans lui causer aucun dommage, viennent alimenter son commerce, il est également de son intérêt de laisser naviguer dans ses eaux tous ceux qui reconnaissent les règles qu'il a établies, et qui ne menacent ni sa sûreté, ni les lois destinées à protéger son industrie, ou à garantir la perception de certains impôts.

(1) Les eaux qui baignent les côtes de la Grande-Bretagne sont, pour la nation anglaise, un moyen puissant de communication entre les diverses fractions dont cette nation se compose. En France, nous n'avons pas encore su tirer parti de ce moyen.

CHAPITRE XX.

De la propriété, de l'usage et de l'entretien des chemins publics,

EN considérant dans son ensemble la population formée dans un grand bassin, on voit qu'elle se partage en une multitude de groupes plus ou moins nombreux, plus ou moins éloignés les uns des autres, selon que la terre qui les nourrit, est plus ou moins fertile, et que l'agriculture et les arts sont plus ou moins avancés. Ces groupes, unis par un langage commun et par des besoins réciproques, ne peuvent exister qu'au moyen d'un déplacement continuel de choses et de personnes.

L'agriculture, les manufactures, le commerce, sans lesquels aucune nation civilisée ne saurait subsister, exigent, en effet, que les hommes qui s'y livrent, et la plupart des choses qui en sont l'objet, passent ou soient sans cesse transportés d'un lieu à un autre. La famille qui vit dans le hameau le plus obscur a besoin d'être journellement en communication, non-seulement avec les champs, les vignes ou les prés d'où elle tire ses moyens d'existence, mais encore avec les habitans

du voisinage et avec les populations urbaines qui consomment une partie de ses denrées, et qui lui fournissent, en échange, une multitude d'objets dont elle ne saurait se passer, et qu'elle est incapable de produire.

Les habitans des villes, de leur côté, ne peuvent exister que par que par de nombreuses communications soit avec les campagnes qui les environnent, soit avec d'autres villes ; ils en ont besoin pour se procurer des subsistances, et les matières premières de leur industrie; ils en ont besoin, en outre, pour livrer au commerce les objets qu'ils ont fabriqués, ou pour acquérir ceux qu'il leur est plus avantageux d'acheter que de produire.

La part que les citoyens prennent au gouvernement, et l'action que le gouvernement a souvent à exercer sur eux ou sur leurs biens, nécessitent encore des communications nombreuses entre les diverses fractions dont une nation se compose : les personnes répandues dans les campagnes ont besoin de communiquer entre elles, si elles ont des magistrats ou des délégués à élire; elles ont besoin de communiquer avec les officiers publics, pour invoquer leur appui quand leurs droits sont menacés ou compromis; avec les préposés du trésor public, pour acquitter leurs contributions (1).

(1) Un arrêté du gouvernement, du 11 juillet 1797, ordonne

« PreviousContinue »