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porelle substituée à la peine pécuniaire; d'autres un simple moyen de recouvrement. Comme de l'un ou de l'autre de ces principes découlent des conséquences différentes, il importe de le fixer.

Le caractère pénal de cette mesure semble résulter de ce que la justification de l'insolvabilité ne suffit pas pour soustraire à la contrainte par corps le condamné, et de ce qu'il est assujéti dans ce cas même à un emprisonnement gradué sur l'importance des condamnations avant de recouvrer sa liberté. La contrainte ne peut jamais être reprise contre lui pour le paiement de l'amende, d'où l'on induit qu'à son égard, il y a eu conversion de l'amende en emprisonnement, Enfin l'intervention du ministère public dans l'exécution de la contrainte, et le désir manifesté par le législateur << de punir les délinquans qui échappent, par la preuve de leur insolvabilité, au paiement des condamnations pécuniaires, en leur faisant subir une détention,» paraissent indiquer l'intention d'imprimer à la contrainte une mission pénale, de la faire concourir comme une peine au maintien de l'ordre public et de la sûreté générale.

Toutefois, ces diverses inductions ne nous semblent point décisives. Les peines doivent être exprimées, elles ne se présument pas. Le Code rural portait :

La détention remplacera l'amende à l'égard des

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insolvables (1); mais cette commutation n'a point été reproduite. Si la preuve de l'insolvabilité ne suffit pas pour ouvrir au détenu les portes de sa prison, c'est que la loi a voulu soumettre cette insolvabilité à l'épreuve d'une certaine détention. L'intervention du ministère public n'a qu'un but, celui de faciliter l'arrestation en la dégageant de formes onéreuses; cette arrestation ne dépend d'ailleurs que du receveur de l'enregistrement, agent purement fiscal, et dans les mains duquel la loi n'eût assurément pas remis l'application d'une peine. La contrainte n'est donc qu'une voie d'exécution, un moyen de recouvrement.

Ce principe a reçu une consécration remarquable dans un avis du conseil d'État du 15 novembre 1832, au rapport de M. Vivien, et qui déclare : « qu'aucune disposition n'indique que le législateur ait eu en vue, pour les insolvables, de commuer la peine pécuniaire en celle de l'emprisonnement; qu'une semblable intention devrait être formellement exprimée, comme elle l'était en l'art. 5, tit. 2, de la loi du 28 septembre 1791, et que, dans ce cas, la commutation serait prononcée par le jugement; que, loin de prononcer cette commutation, la loi du 17 avril ne considère l'emprisonnement que comme un moyen de contrainte, expression qu'elle emploie dans toutes

(1) L. 28 sept.-6 oct. 1791, tit. 2, art. 5.

les dispositions; qu'après l'exercice de la contrainte, le condamné ne se trouve point libéré des condamnations, d'où il résulte qu'elles n'ont point été remplacées par l'emprisonnement; que, si la contrainte ne peut être reprise, et si elle est proportionnée à l'importance de la dette, on ne saurait en tirer aucune conséquence, les mêmes règles étant établies pour les créances privées qui donnent lieu à la contrainte; que la contrainte exercée malgré la justification de l'insolvabilité, s'explique par la possibilité de forcer le débiteur à user de ressources qu'il aurait dissimulées, et qu'il peut encore posséder malgré une insolvabilité apparente; que l'intérêt public exige sans doute une peine autre que des condamnations pécuniaires, pour ceux que leur insolvabilité met à l'abri de ces condamnations, mais que cette mesure doit être légalement établie; que la substitution d'une peine à l'autre doit être exprimée, avoir été discu tée et calculée, et que, dans le silence de la loi, on ne peut suppléer à ses dispositions dans une matière aussi grave. »

De ce principe il résulte que la contrainte ne doit être dirigée que dans l'intérêt du recouvrement : le receveur n'est point chargé de réprimer des délits, mais d'assurer la rentrée des sommes dues au trésor; il ne doit donc requérir l'exercice de la contrainte que lorsqu'elle peut conduire au recouvrement. En l'exerçant contre des condamnés notoirement insol

vables, non seulement il gréverait le trésor de frais frus:ratoires, mais il se rendrait arbitre de la peine, il s'érigerait en juge du délit, et, en commuant arbitrairement l'amende en emprisonnement, il fausserait l'esprit de la loi. A la vérité la loi n'a point mis de limites positives au pouvoir de ces fonctionnaires ; mais ces limites se trouvent dans l'objet de leur mission, mission toute fiscale.

Une autre conséquence du même principe est que le détenu, en cas d'insolvabilité constatée, peut obtenir sa liberté, sur la demande du receveur de l'enregistrement, avant l'expiration du délai fixé par l'art. 35 de la loi du 17 avril 1832. En effet, dès que la contrainte a pour principal objet le recouvrement de l'amende, dès que le droit exclusif de la provoquer est confié au receveur, il est incontestablement le seul juge de sa convenance et de son utilité. Les magistrats du ministère public ne sont appelés qu'à en surveiller l'emploi dans les limites des jugemens et de la loi. Dès lors, le receveur qui peut exercer ou ne pas exercer cette mesure, suivant qu'il le juge utile ou frustratoire pour le fisc, peut, à plus forte raison, y renoncer, et abréger par conséquent la détention des débiteurs incarcérés.

Les formes de la contrainte exercée pour l'exécution des condamnations pénales, ont été prises au Cod. forestier: « Le titre 14 de ce Code, a dit M. Portalis, dans son rapport, a établi une procédure

simple, peu coûteuse, et, par conséquent, moins onéreuse pour le débiteur sur lequel les frais finissent toujours par retomber : le projet de loi en généralise l'usage. » Un commandement est fait aux condamnés, et, cinq jours seulement après cet acte, le

procureur du roi, sur la demande du receveur, adresse les réquisitions nécessaires pour l'arrestation aux agens de la force publique (art. 33, loi 17 avril 1832). Nous ne ferons sur cette procédure que deux observations : la première, c'est que le droit du receveur de l'enregistrement de requérir la contrainte n'est point un droit exclusif; si ce fonctionnaire a seul été désigné par la loi, c'est que le recouvrement des amendes et des frais s'opère le plus souvent par son ministère, mais il ne nous semble pas douteux que les agens des contributions indirectes et des douanes, par exemple, ne jouissent du même pouvoir à l'égard des condamnations qui intéressent ces administrations. Une deuxième observation vient à l'appui de cette opinion : c'est que les particuliers eux-mêmes jouissent de ce mode d'exécution. L'art. 38 de la loi porte, en effet, que : « Les arrêts et jugemens contenant des condamnations en faveur des particuliers pour réparations de crimes, délits ou contraventions commis à leur préjudice, seront à leur diligence, signifiés et exécutés suivant les mêmes formes et voies de contrainte que les jugemens portant des condamnations au profit de l'Etat. » Il est impossible de douter d'après ce texte que dans les condamnations de

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