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privé que pour les établissements situés sur les cours d'eau non navigables ni flottables : « Les lois du 20 août 1790 et du 6 octobre 1791, dit-il, qui mettent dans les mains de l'administration le règlement et la surveillance de toutes les retenues d'eau, ne font, à cet égard, aucune distinction entre les eaux privées et les eaux communes. » Et, à l'appui de cette thèse, il cite deux arrêts du Conseil, l'un du 14 novembre 1821 (Casanneau), l'autre du 21 juillet 1839 (Méhouas), par lesquels il a été jugé qu'il appartenait à l'administration de régler la retenue des usines dont il était question dans ces espèces, encore bien que ces usines fussent situées sur des étangs. Mais l'honorable ingénieur est tombé dans une erreur évidente.

Il est certain, contrairement à son assertion, que les lois d'août 1790 et d'octobre 1791, en instituant le pouvoir réglementaire de l'administration sur les eaux, ne l'ont fait que relativement aux eaux publiques. Ce pouvoir, qu'il ne faut pas confondre avec le droit de police 1, a sa raison d'être dans les usages communs auxquels ces eaux sont soumises, et dont les bénéfices doivent être répartis entre les ayants droit. Il ne saurait donc s'appliquer aux sources naturelles ou artificielles qui, loin d'être l'objet d'un emploi public quelconque, appartiennent d'une manière absolue au maître du fonds où elles naissent 2. C'est ce que confirment les lois mêmes qu'a citées M. Nadault de Buffon, et, notamment, le décret du 20 août 1790 qui, en fait de moulins et d'ouvrages d'art, ne parle que de ceux qui sont établis « sur les rivières. »

Quant aux deux arrêts invoqués par l'estimable auteur, ils ne contredisent pas plus notre opinion qu'ils n'appuient sa thèse. Des étangs ne sont pas nécessairement des eaux

V. n. 194. a V. n. 156.

privées, ainsi qu'il semble le croire; et si, dans les espèces susindiquées, le Conseil d'Etat a reconnu à l'administration le droit d'intervenir pour réglementer des usines établies sur des retenues d'eau de cette sorte, c'est qu'en fait les étangs dont il était question se trouvaient formés, non par des sources, mais bien par des cours d'eau publics'.

Ce détail, relatif à la nature des eaux qui, dans ces deux espèces, formaient les étangs, n'est point, à la vérité, relevé par les arrêtistes; mais il peut s'induire de ce fait, que, le 31 octobre 1821, c'est-à-dire quinze jours avant l'arrêt Casanneau, le Conseil d'Etat jugeait précisément le contraire. Il décidait que l'administration s'était immiscée à tort dans la réglementation d'une usine située sur un étang (affaire Lepays de Lethan). Ce n'est évidemment qu'une contradiction apparente, et les deux solutions ne diffèrent que parce que les faits, qui y servent de bases, étaient dissemblables. Dans l'espèce Casanneau, il s'agissait nécessairement d'un étang formé par un cours d'eau, tandis que la retenue devait, dans l'espèce Lepays, être alimentée par des sources ou autres eaux privées. Il s'ensuivait que, si l'administration se trouvait, dans le premier cas, placée sur son terrain naturel pour y exercer son pouvoir réglementaire, elle n'y était plus du tout dans le second cas.

310. La circonstance qu'un usinier ne jouit pas, d'une manière exclusive, des eaux privées qui alimentent son établissement, ne serait pas même pour l'administration un motif suffisant d'intervenir dans la réglementation de cet établissement. La reconnaissance et la détermination des servitudes de dérivation et de puisage dont ces eaux seraient grevées, dans les termes des articles 641 et 642 C. Nap., dépendent uniquement des tribunaux civils, puisque la chose

1 V. n. 209.

sur laquelle ces droits s'exercent, et ces droits eux-mêmes, font partie du domaine privé des citoyens.

311. Le principe qui soustrait les eaux privées au pouvoir réglementaire de l'administration ne rencontre d'exception que relativement aux eaux qui proviennent de desséchements effectués dans les conditions de la loi du 16 septembre 1807, et qui sont contenues dans les canaux dits généraux. L'arrêté du Directoire exécutif, en date du 19 ventôse an VI, cité plus haut, défend d'exécuter aucune construction d'usines, moulins, etc., sur les canaux généraux de desséchement, sans la permission de l'administration 1. L'infraction à ce règlement constituerait une contravention qui, outre la suppression de l'entreprise, pourrait être réprimée aux termes de l'article 471, § 15, du Code pénal 2.

Article II.

Des demandes en concession d'eau ou en autorisation d'usines;
formalités, instruction administrative, oppositions des tiers.

312. Les règles générales de cette matière sont les mêmes pour les établissements créés ou à créer sur les eaux publiques de toutes

sortes.

313. Elles sont contenues dans des instructions et circulaires ministérielles.

314. La demande est adressée au préfet; sa forme; ce qu'elle doit

contenir.

315. Certificats et pièces qui doivent l'accompagner.

316. Arrêté préfectoral qui ordonne l'enquête.

317. Publication de cet arrêté.

318. Il suffit, pour la régularité, que l'enquête soit faite dans la commune, siége de l'établissement à autoriser.

319. Procès-verbal de la publication et de l'enquête.

320. Circulaire du 23 octobre 1851; visite des lieux par ordinaire.

V. n. 161, 272, 293.

2 V. cet article aux numéros 95, 229.

l'ingénieur

321. Suite procès-verbal de cette visite.

322. Suite plans, nivellements, rapport, projet du règlement d'eau. 323. Avis de l'ingénieur en chef.

324. Avis des chefs locaux des divers services publics intéressés au résultat de la demande.

325. Nouvelle enquête.

326. Cas où, d'après les résultats de cette seconde enquête, les ingénieurs modifient les conclusions de leur rapport.

327. Frais faits par les ingénieurs; frais d'opérations et d'épreuves. 328. Transition.

329. Des oppositions formulées contre les demandes; division.

330. Oppositions fondées sur des droits qu'on prétend lésés par la demande.

331. Suite droits dont ni l'origine, ni le titre probatif, ni la réglementation ne relèvent de l'autorité administrative.

:

332. Suite droits dont l'origine et le titre échappent à cette autorité, mais dont la réglementation lui appartient.

333. Suite droits dont l'origine, le titre et la réglementation sont exclusivement du ressort administratif.

334. Oppositions fondées sur de simples considérations d'utilité publique ou d'intérêt particulier.

335. Du concours de deux ou de plusieurs demandes qui s'excluent. 336. Transition.

337. Arrêté préfectoral rendu sur les demandes relatives aux cours d'eau navigables et flottables.

338. Suite cas exceptionnel où cet arrêté constitue la décision définitive; décret du 25 mars 1852.

339. Suite en règle générale, cet arrêté n'est qu'un acte préparatoire.

340. Arrêté ministériel et ses suites.

341. De l'autorité compétente pour statuer sur les demandes relatives aux cours d'eau non navigables ni flottables.

312. Après avoir démontré, dans l'article précédent, que la première préoccupation de celui qui veut édifier sur les eaux publiques ou de celui qui y a construit sans la permission de l'autorité compétente, est d'obtenir soit une conces

sion d'eau, soit une autorisation administrative, il convient d'exposer la manière dont cette concession ou cette autorisation doit être sollicitée et peut être obtenue.

Il n'y a, d'ailleurs, à ce point de vue, aucune distinction à faire entre une demande ayant pour objet un établissement à créer et une demande dont le but serait de régula、riser après coup la situation d'un établissement créé sans permission. Les principes et les règles sont également les mêmes pour les établissements sur les cours d'eau navigables et flottables, et pour ceux qui sont situés sur les cours non navigables ni flottables; les différences, s'il y en a quelqu'une, portent simplement sur des détails qu'il suffira de signaler en passant, au fur et à mesure que nous avancerons dans notre sujet.

313. Les règles auxquelles sont soumises les demandes en concession d'eau ou en autorisation d'usines sont toutes contenues dans diverses circulaires du directeur général de l'administration des ponts et chaussées, ainsi que dans plusieurs instructions ministérielles. Les plus importants, parmi ces documents, sont ceux du 19 thermidor an VI, du 16 novembre 1834, du 23 octobre 1851, et du 27 juillet 1852.

Nous allons en analyser et en combiner les diverses dispositions, nous réservant, partout où la chose paraîtra utile, d'en reproduire le texte même.

314. «Toute demande relative, soit à la construction première de moulins ou usines à créer sur un cours d'eau, soit à la régularisation d'établissements anciens, soit à la modification des ouvrages régulateurs d'établissements déjà autorisés, doit être adressée au préfet du département, en double expédition, dont une sur papier timbré1.» « La première condition à remplir, c'est que le projet du demandeur soit bien

1 Circulaire ministérielle, 23 octobre 1851.

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